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Présidentielle 2022 : après le "terrible échec" de Valérie Pécresse, Les Républicains s'accordent à "rester unis"

Le bureau politique de LR a voté lundi à une large majorité pour une absence de consigne de vote pour le second tour. En coulisses, des cadres du parti reconnaissent que "deux droites qui commencent à devenir irréconciliables" cohabitent.

Article rédigé par Clément Parrot - Julien Nény
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le président du parti Les Républicains, Christian Jacob, le 11 avril 2022, à Paris. (ALAIN JOCARD / AFP)

"En décembre, on lui a donné une Rolls et elle nous rend une Lada", peste un cadre des Républicains, au lendemain du premier tour de la présidentielle, marqué par le crash de Valérie Pécresse. Ce membre de l'aile droite du parti estime ainsi que cette défaite historique "est de sa faute à 90%". Dans les couloirs du siège des Républicains, rue de Vaugirard, l'ambiance est morose après que la candidate de la droite républicaine a obtenu 4,78%, un score qui signifie que le parti ne sera pas remboursé pour la totalité de ses frais de campagne. En arrivant à son QG, lundi 11 avril, Valérie Pécresse a donc lancé un "appel aux dons" "J'ai besoin de votre aide d'urgence. (...) Il en va de la survie des Républicains."

"Il n'y a pas de pécressisme !"

Dans les coulisses, chacun tente de désigner un responsable à cette déroute électorale. "C'est la défaite de ceux qui ont tenu une ligne qui nous mène dans le mur depuis trop longtemps. Sens commun, Fillon, Wauquiez et le reste de l'orchestre..." regrette un membre du bureau politique. "C'est le calendrier de [Christian] Jacob qui nous a foutus dedans. En 2016, les mecs étaient candidats depuis 2-3 ans, ils avaient eu le temps de construire leur candidature. Il y avait un juppéisme, un sarkozysme, un fillonisme. Là, il n'y a pas de pécressisme !" commente un autre cadre de LR.

"On ne fait pas un président en cinq mois, ce n'est pas possible !"

Un membre du bureau politique des Républicains

à franceinfo

Un peu après 10 heures du matin, une vingtaine de cadres du parti se sont réunis lors d'un conseil stratégique pour évoquer la situation. Dans une ambiance "finalement apaisée", aux dires d'un parlementaire LR, ils ont parlé de la survie du parti, mais n'ont pas réellement analysé les raisons de la défaite, au grand regret de certains cadres. "Inutile de revenir ce matin sur le résultat d'hier soir : nous en tirerons tous les enseignements, mais en leur temps", a ainsi estimé Laurent Wauquiez, qui a porté un message d'unité au moment où son parti est menacé d'implosion.

"Il va falloir tout reconstruire, tout repenser... Mais pour cela, il va falloir survivre à ce terrible échec. Et cela suppose de rester unis."

Laurent Wauquiez

lors du conseil stratégique de LR

Puis il a été question de l'attitude à tenir en vue du second tour. Dès l'annonce des résultats, Valérie Pécresse a déclaré qu'elle voterait "en conscience" pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen. Sans appeler à voter pour le président sortant, elle a malgré tout demandé à ses électeurs "de peser dans les jours qui viennent avec gravité les conséquences potentiellement désastreuses" d'une accession au pouvoir de la candidate d'extrême droite. Une consigne suivie par plusieurs ténors comme Xavier Bertrand mais pas par Eric Ciotti. "Je ne donnerai aucune consigne de vote. (...) Personnellement, je ne voterai pas Emmanuel Macron", a déclaré sur TF1 le finaliste vaincu du Congrès LR.

"Ne pas jouer les supplétifs"

Lors du conseil stratégique des Républicains, Laurent Wauquiez a pour sa part défendu une position simple : "Personne n'appelle à voter Marine Le Pen et toutes les positions doivent être respectées." Il s'agit pour le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes de "ne pas affaiblir nos candidats" en vue des législatives et de "ne pas jouer les supplétifs" des deux finalistes de la course à l'Elysée. "Car sinon nous n'avons plus de raison d'être." Selon des participants à la réunion, la position de celui qui a dirigé le parti de 2017 à 2019 a ensuite été approuvée par une majorité des membres du bureau présents. Et le président du parti a entériné cette stratégie.

"Aucune voix ne peut se porter sur Marine Le Pen. Les Républicains ne sont ni fongibles dans le lepénisme, ni le macronisme."

Christian Jacob

à l'issue du bureau politique des Républicains

Le patron des Républicains a précisé qu'il voterait à titre personnel pour Emmanuel Macron. Environ 130 personnes ont pris part au vote du bureau politique et seuls 13 membres se sont abstenus (notamment Eric Ciotti, Gilles Platret, Alain Joyandet et Michèle Alliot-Marie). Guillaume Larrivé, lui, a voté contre. "Je n'approuve pas une motion qui n'appelle pas explicitement à voter Emmanuel Macron le 24 avril", justifie le député de l'Yonne.

"On risque de se couper en deux"

"Tout s'est bien passé, à part Guillaume Larrivé qui s'est distingué en disant qu'il fallait faire une alliance avec Macron, en défendant la stratégie de Sarkozy", commente le député Julien Aubert, qui a déjà annoncé qu'il ne voterait pas pour Emmanuel Macron. Un autre cadre de LR, présent au bureau politique et qui s'est abstenu, n'a pas la même lecture : "On s'est transformé en Parti socialiste, on ne décide de rien, c'est la synthèse molle... J'aurais bien aimé qu'on soit plus clair vis-à-vis de notre opposition au Rassemblement national. On était quand même bien content en 2002 d'avoir le front républicain." 

"Il y a deux droites qui commencent à devenir vraiment irréconciliables."

Un membre du bureau politique de LR

à franceinfo

Gil Averous, président du comité des maires LR, qui appelle à voter Emmanuel Macron, s'est lui aussi abstenu et a annoncé à Christian Jacob qu'il démissionnait de ses fonctions à LR. "Pour moi, la question d'un départ se pose. Je suis très triste pour ma famille politique", ajoute un cadre LR partisan du barrage face à l'extrême droite.

"Tout le monde est tétanisé et personne n'ose rien dire. On dirait des bestiaux qui se tiennent chaud en allant à l'abattoir, et qui se disent : 'Tout va bien tant qu'on se tient chaud'."

Un cadre des Républicains

à franceinfo

Les partisans d'une ligne claire pour contrer le RN tournent désormais leur regard vers Nicolas Sarkozy. Selon Le Point, l'ancien président aurait mangé récemment avec Bruno Le Maire pour envisager le ralliement d'une partie des députés LR à la future majorité présidentielle. Nicolas Sarkozy, dont le silence a plombé la campagne de Valérie Pécresse, a prévu de déjeuner mardi avec les élus des Hauts-de-Seine et devrait s'exprimer dans la semaine concernant le second tour, selon plusieurs proches de l'ancien président.

Derrière les stratégies du moment, tous les cadres de LR ont en tête les législatives, les 12 et 19 juin prochains. Le parti de droite espère préserver la centaine de sièges qu'ils possèdent à l'Assemblée nationale. "Ce sera dur, surtout pour les nouveaux candidats, prédit Julien Aubert. Et je pense qu'après les législatives, en fonction des survivants, il y aura une recomposition. Soit on va trouver une personnalité de synthèse capable d'incarner l'équilibre, soit on risque de se couper en deux."

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