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Déplacement de Macron à Las Vegas : cinq questions sur les soupçons de favoritisme

Des perquisitions ont été menées, mardi, au siège du groupe publicitaire Havas et de l'agence nationale Business France.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Emmanuel Macron, lors du Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas (Etats-Unis), le 7 janvier 2016.  (ROBYN BECK / AFP)

L'enquête sur l'organisation d'un déplacement d'Emmanuel Macron à Las Vegas (Etats-Unis) en janvier 2016, lorsqu'il était ministre de l'Economie, avance. Le parquet de Paris a annoncé, vendredi 7 juillet, l'ouverture d'une information judiciaire pour favoritisme et recel de favoritisme contre personne non dénommée. Elle fait suite aux perquisitions menées le 20 juin au siège du groupe publicitaire Havas et de l'agence nationale Business France, présidée à l'époque par Muriel Pénicaud. L'actuelle ministre du Travail "maintient avec la plus grande fermeté [qu'elle n'a] rien à se reprocher", dans un communiqué publié vendredi.

Business France, un organisme associé au ministère de l'Economie, est soupçonné de "favoritisme" pour avoir demandé à la société Havas d'organiser un événement sans appel d'offres. Franceinfo revient sur ce dossier.

De quelle affaire s'agit-il ?

L'enquête est survenue, mi-mars, après la publication d'un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), dont Le Canard enchaîné s'est fait l'écho dans son édition du 8 mars. L'hebdomadaire indiquait que l'IGF s'intéressait au possible délit de favoritisme visant Business France autour de l'organisation d'une soirée à Las Vegas. Ce jour-là, Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, avait multiplié les rencontres avec des entrepreneurs français.

Le 6 janvier 2016, en plein Consumer Electronics Show, grand-messe mondiale de l'innovation technologique, Emmanuel Macron avait été ovationné par plus de 500 personnalités et dirigeants de start-up français. "Cette opération de séduction, montée dans l'urgence, à la demande expresse du cabinet du ministre, a été confiée au géant Havas par Business France (l'organisme de promotion de la French Tech dépendant de Bercy) sans qu'aucun appel d'offres ait été lancé", expliquait Le Canard enchaîné.

"La commande de la prestation Havas est susceptible de relever du délit de favoritisme", soulignait de son côté l'IGF après enquête, peut-on lire dans le journal satirique, qui précise le coût de la soirée : "381 759 euros, dont 100 000 rien que pour l'hôtel, où la moindre chambre était facturée plus de 300 euros la nuit". Reprenant les conclusions de l'IGF, Le Canard révélait que Business France, ou certains de ses salariés, "pourraient être incriminés pour 'favoritisme'" et Havas France ou ses dirigeants "au titre de la complicité ou du recel".

Qu'en disait le ministère de l'Economie ?

Emmanuel Macron, son cabinet et le ministère de l'Economie "sont totalement hors de cause", avait assuré, le 8 mars, Michel Sapin, alors ministre de l'Economie et des Finances. "C'est un dysfonctionnement de Business France. Il lui appartenait, si elle considérait que les délais étaient trop courts, de dire qu'elle ne pouvait pas organiser l'événement selon les règles, ce qui n'a pas été fait", avait-il réagi. 

Dans sa déclaration, Michel Sapin reconnaît avoir "naturellement missionné l'IGF" lorsqu'il a été "informé de ces dysfonctionnements". "Si l'inspection concluait à l'existence d'un non-respect des règles, elle devrait saisir la justice mais cette saisine ne concerne en aucun cas Emmanuel Macron, son cabinet ou le ministère", avait-il toutefois insisté.

Comment s'est défendu Emmanuel Macron ?

En mars, il avait démenti toute responsabilité dans ce dossier, malgré l'ouverture d'une enquête. Ce n'est "en aucun cas une affaire Macron. C'est une affaire Business France", insistait son entourage, mardi, après l'annonce de l'ouverture de l'enquête. Les proches du président font valoir que le choix du prestataire "n'incombait aucunement au ministre ou à son cabinet".

Auparavant, Emmanuel Macron avait également affirmé que "[son] ministère [avait] toujours respecté les règles des appels d'offres et des marchés publics" lorsqu'il était ministre, alors que plusieurs proches à Bercy étaient d'ex-salariés d'Havas.

Comment a réagi Business France, la société incriminée ?

Dans un communiqué, Business France a reconnu une possible irrégularité dans le choix du prestataire, fait dans l'urgence "au vu de l'ampleur constatée de la présence française et étrangère sur le forum", précisant toutefois avoir réagi dès qu'elle a eu connaissance de cette situation. "Il est apparu ultérieurement que, au vu des délais, le choix d'un prestataire (...) et les actions de communication associées (...) avaient été faits selon une procédure pouvant potentiellement être affectée d'irrégularité", écrit l'agence.

"Aussitôt qu'elle en a été informée, la direction générale de Business France a suspendu le règlement des prestations, et fait réaliser un audit par le cabinet EY afin d'évaluer la situation et mettre en place des actions correctives", ajoute le communiqué. Les conclusions de cet audit, qui a notamment recommandé une "transaction" pour régler les factures dues à Havas, ont été transmises aux ministères de tutelle de Business France, précise l'agence. L'IGF, qui contrôle les dépenses de Bercy, a ensuite confirmé la transaction et son montant.

Pourquoi le nom de la ministre du Travail est-il évoqué ?

Au moment des faits, l'actuelle ministre du Travail, Muriel Pénicaud, était directrice générale de Business France. Comme le révèle Le JDD, un courriel interne, rédigé en décembre 2015 par la directrice de la communication de Business France, suggère que Muriel Pénicaud avait été "briefée" sur ce déplacement et sur ses coûts. "Muriel, briefée par nos soins, ne fait rien. Donc elle gérera aussi quand la CdesC [Cour des comptes] demandera des comptes, écrit Françoise Bothy-Chesneau. Ce ne sera pas faute d'avoir dit et redit."

>> Déplacement de Macron à Las Vegas : le courriel qui plonge Pénicaud dans le trouble

Le quotidien Libération, lui, affirme que Muriel Pénicaud avait "validé" certaines dépenses relatives à l'organisation de la soirée. L'intéressée évoque une "erreur de procédure" et précise qu'elle avait "immédiatement déclenché un audit, interne et externe". Selon elle, l'idée qu'on ait pu chercher à étouffer l'affaire est donc une "blague". "Je maintiens avec la plus grande fermeté que je n'ai rien à me reprocher", a encore déclaré Muriel Pénicaud dans un communiqué publié après l'ouverture de l'information judiciaire, vendredi 7 juillet.

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