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Alimentation, ruralité, pesticides... Que proposent les candidats à la présidentielle pour l'agriculture ?

La crise ukrainienne a fait revenir dans le débat le sujet de l'agriculture et de l'alimentation. Franceinfo vous propose un tour d'horizon des programmes des prétendants à l'Elysée sur ce thème. 

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Produire plus ou produire mieux ? Les candidats à l'élection présidentielle déclinent leurs propositions sur l'agriculture, un secteur fortement déstabilisé par la guerre en Ukraine. (ELLEN LOZON / FRANCEINFO)

La guerre en Ukraine inquiète les agriculteurs. En plus de l'augmentation des prix des carburants, la mise en place des sanctions occidentales contre le régime de Vladimir Poutine ont totalement perturbé de nombreuses chaînes d'approvisionnement. Les producteurs français craignent de manquer d'engrais et d'alimentation pour le bétail.

A moins de deux semaines du premier tour de l'élection présidentielle, le thème de l'agriculture est donc revenu dans les débats. Chaque prétendant à l'Elysée sème ses propositions, entre ceux qui souhaitent produire plus pour veiller à la souveraineté alimentaire de la France et ceux qui pensent d'abord à produire mieux pour prendre en compte l'environnement. Ils seront plusieurs à participer au grand oral organisé par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), mercredi 30 mars à Besançon (Doubs).

Nathalie Arthaud

Nathalie Arthaud. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Le programme de Nathalie Arthaud comprend peu de propositions en ce domaine. D'ailleurs, la candidate de Lutte ouvrière est l'une des rares à avoir boudé le Salon de l'agriculture lors de sa campagne. Elle met l'accent sur le bien-être animal et propose d'interdire la chasse à courre et de mettre fin à l'élevage et à l'abattage intensifs. "Si ces abattoirs fonctionnent sans respecter les animaux et leurs propres travailleurs (…), c'est précisément parce qu'ils sont pris dans cette logique capitaliste qui gouverne toute la société", expliquait-elle dans une vidéo en 2020. Pour aider les "petits paysans" en difficulté financière, elle envisage de prendre sur les profits des grosses entreprises céréalières ou de l'industrie agroalimentaire.

Fabien Roussel

Fabien Roussel. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Fidèle au thème de sa campagne, le candidat communiste propose de construire "une ruralité, une agriculture et une alimentation heureuses" autour de 13 propositions. Face à la crise ukrainienne, il a dénoncé au Salon de l'agriculture "le scandale" des "matières premières agricoles" qui "deviennent des actifs financiers sur lesquels des banques, des fonds d'investissement, font le choix de spéculer". Il propose "une conférence nationale" sur la filière céréalière, afin d'assurer "une sécurité des prix".

Il souhaite aussi créer un fonds alimentaire de 10 milliards euros par an "pour généraliser le repas à 1 euro dans toutes les structures scolaires avec des produits locaux et bio". Il ambitionne de revaloriser les retraites agricoles, créer un régime d'assurance publique agricole, taxer les multinationales et mettre en place un grand plan de revitalisation rurale.

Fabien Roussel n'oublie pas la dimension écologique et propose une police sanitaire et environnementale européenne ainsi qu'un moratoire sur les accords de libre-échange, comme le Ceta ou le Mercosur. Il souhaite se fixer l'objectif de 500 000 agriculteurs d'ici 2030, grâce au développement de la formation publique agricole. 

Emmanuel Macron

Emmanuel Macron. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Dans son programme (lien PDF) dévoilé le 21 mars, le candidat Macron propose une "troisième révolution agricole", avec une loi d'orientation et d'avenir pour assurer le renouvellement des générations, la formation et l'installation des jeunes agriculteurs, un investissement massif dans l'innovation  (robotique, numérique, sélection variétale...) ainsi qu'un plan d'autonomie alimentaire dans chaque territoire ultramarin pour soutenir l'économie locale.

Lors de la conférence de presse pour présenter son programme, le président-candidat a par ailleurs confirmé sa volonté de "produire plus". "La France portera une adaptation de la stratégie européenne 'Farm to Fork' ["de la ferme à la fourchette"], qui reposait sur un monde d'avant-guerre en Ukraine, et prévoyait une diminution de la production de 13%", a-t-il expliqué.

Jean Lassalle

Jean Lassalle. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Le candidat souhaite représenter la ruralité dans cette présidentielle et propose dans son programme de revoir la distribution de la Politique agricole commune (PAC) "pour que les aides aillent aux paysans qui respectent leur terre et leurs bêtes, non à la spéculation foncière". Il propose de mettre en place un "ticket paysan" pour favoriser les circuits courts, sur le modèle des tickets-restaurant.

Il veut aussi replacer les coopératives agricoles sous la responsabilité directe des exploitants et "favoriser l'accès au foncier, la formation et la reconversion pour faciliter la reprise des exploitations agricoles". Enfin, il propose de conditionner l'octroi des labels de qualité et des appellations d'origine contrôlée à différents critères, comme le "bien-être des paysans", les "qualités gustatives" et les "bienfaits pour la santé des consommateurs".

Marine Le Pen

Marine Le Pen. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Dans son projet pour l'agriculture (lien PDF), la candidate du RN détaille une petite vingtaine de mesures, notamment pour garantir aux paysans "des prix respectueux de leur travail". D'ailleurs, lors de sa visite au Salon de l'agriculture, elle a réclamé des "mesures d'urgence" et le "quoi qu'il en coûte" pour les agriculteurs français qui risquent d'être particulièrement victimes de hausses de prix liées à l'offensive russe en Ukraine. Elle s'est inquiétée aussi des problèmes de "souveraineté alimentaire" de la France, révélées selon elle par la guerre.

Mais la candidate propose aussi de lutter contre l'artificialisation des terres agricoles, un renforcement des aides pour permettre aux jeunes agriculteurs de s'installer, un plan de soutien pour l'agriculture biologique ou encore un accompagnement à l'échelle locale des agriculteurs en difficulté pour prévenir les risques de suicides.

La candidate d'extrême droite souhaite aussi exclure l'agriculture des traités multilatéraux de libre-échange, lutter contre les fraudes à l'importation et interdire certaines importations qui ne respectent pas les normes françaises ou qui sont destinées à produire de l'énergie ou du carburant. Enfin, elle refuse d'interdire des produits phytosanitaires existants sans alternatives efficaces, et souhaite investir dans les abattoirs pour améliorer les conditions de travail et garantir le respect des normes de bien-être animal.

Eric Zemmour

Eric Zemmour. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Dans son programme, le candidat du parti Reconquête ! veut augmenter le revenu des agriculteurs, en privilégiant notamment les circuits courts et en mettant fin "aux regroupements de plusieurs enseignes au sein de centrales d'achat communes". Il veut interdire les importations de produits agricoles "non conformes", mettre fin à la "sur-transposition dans notre droit des normes européennes" et retirer la France des négociations de traités de libre-échange.

Le candidat d'extrême droite veut également financer l'innovation en robotique agricole afin de réduire la dépendance à la main-d'œuvre étrangère et à l'utilisation des produits phytosanitaires. Il compte encourager l'installation de nouveaux producteurs et favoriser le renouvellement des générations "en augmentant la Dotation jeunes agriculteurs et en simplifiant les procédures d'installation et d'accès au foncier".

Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Le candidat de La France insoumise a présenté son programme sur l'alimentation en meeting, fin janvier, à Bordeaux. Il a dit vouloir "changer toute l'agriculture pour qu'elle cesse d'être un enfer pour ceux qui la pratiquent, et nauséabonde" pour les consommateurs. Il a résumé les principaux points de son "plan alimentation" : blocage des prix sur cinq produits alimentaires essentiels, interdiction immédiate du glyphosate, planification de l'agriculture pour recruter des paysans mieux rémunérés, formés au bio et qui alimenteront notamment toutes les cantines de France.

Le candidat propose aussi de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs grâce à des prix planchers et de mettre en place une caisse de défaisance pour éponger les dettes des paysans convertis au 100% bio. "Nous voulons que l'essentiel de l'agriculture ne soit pas orientée vers les marchés internationaux mais vers la production nationale de bio", explique le député LFI. Il veut aussi planifier la réduction de l'utilisation d'engrais et de pesticides et interdire immédiatement les produits les plus dangereux, comme le glyphosate et les néonicotinoïdes.

Pour symboliser un changement de politique agricole, il souhaite remplacer le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation par "un ministère de la Production alimentaire".

Anne Hidalgo

Anne Hidalgo. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Dans son programme (lien PDF), Anne Hidalgo se fixe plusieurs objectifs : permettre la souveraineté alimentaire de la France, le renouvellement des générations et assurer un revenu décent des agriculteurs. Pour cela, elle souhaite une loi de régulation, de partage et de protection du foncier agricole et la mise en place d'un plan décennal de renouvellement des générations. Elle souhaite aussi des contrats tripartites pour favoriser "un véritable partage" de la valeur entre producteurs, transformateurs et distributeurs.

La candidate socialiste prône également l'agroécologie, un modèle agricole "fondé sur le maintien des cycles de fertilité et de l'équilibre entre élevage et culture". En plus d'un meilleur revenu pour les producteurs, cela doit permettre de sortir des engrais de synthèse et des pesticides de manière rapide. Anne Hidalgo se fixe aussi l'objectif de 30% de la surface agricole utile en agriculture biologique en 2030, compte tripler les moyens de formation en cinq ans pour promouvoir l'agriculture biologique et veut lancer des "assises du bien-être animal".

Yannick Jadot

Yannick Jadot. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Au Salon de l'agriculture, Yannick Jadot a dénoncé le retour d'une "petite musique" du "produire plus", qui ferait fi des normes environnementales pour répondre à la crise ukrainienne. Le candidat écologiste, pourfendeur de longue date de l'agriculture productiviste, souhaite passer un contrat avec le monde agricole pour l'orienter vers l'agroécologie, "pour se débarrasser du soja, qui vient du Brésil et qui tue le climat, pour éviter de vouloir vendre sur les marchés russes et chinois mais pour vendre aux Françaises et aux Français une alimentation de qualité."

Il propose aussi dans son programme de diviser par deux l'usage des engrais et des pesticides de synthèse d'ici 2027, de supprimer les pesticides au sein de l'UE en 2030 et d'interdire dès 2022 les néonicotinoïdes, le glyphosate et tous les pesticides "notoirement dangereux pour la santé". Il souhaite aussi une nourriture 100% bio et locale en 2027 dans toutes les cantines publiques des écoles, des administrations, des universités, des hôpitaux et des prisons.

Le candidat vert veut aussi remplacer l'élevage industriel par un élevage agroécologique en dix ans, notamment en réorientant les financements de la PAC. Il propose d'introduire le critère de conditionnalité des aides en lien avec la densité animale, de proscrire toute nouvelle "méga-installation" pour l'élevage et d'interdire progressivement l'élevage industriel en cage. Pour la pêche, il souhaite favoriser les circuits courts et développer l'aquaculture biologique. Enfin, il prévoit de garantir un revenu digne aux agriculteurs et de lutter contre le surendettement grâce à une reprise de dette par la Caisse des dépôts et consignations.

Valérie Pécresse

Valérie Pécresse. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

La candidate LR veut renforcer la "souveraineté agricole" de la France face à la guerre en Ukraine. Elle fustige "la décroissance agricole" et demande la mise en place d'un "bouclier" au sein de l'Union européenne pour "protéger" les agriculteurs. 

Dans son programme, la candidate entend notamment soutenir l'apprentissage avec des exonérations de charges, féminiser les métiers agricoles et faire en sorte qu'aucune retraite pour les agriculteurs ayant cotisé toute leur vie ne soit en dessous du smic, faciliter l'accès à la profession des plus jeunes et alléger la fiscalité des transmissions pour un héritier en ligne directe.

Elle annonce également vouloir l'augmentation des revenus des agriculteurs par une baisse des cotisations vieillesse et de la taxe foncière, le lancement d'un choc de recherche en France pour recréer de la valeur ajoutée dans le pays, l'obligation de réciprocité des standards commerciaux et de nos normes avec les partenaires commerciaux de la France et enfin une rénovation des règles de commande publique "pour instaurer une préférence et un recours accru au local dans la restauration scolaire, hospitalière et administrative".

Philippe Poutou

Philippe Poutou. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Le candidat du NPA explique vouloir aller vers le "tout biologique" d'ici à dix ans, avec une interdiction des "intrants chimiques (engrais, pesticides, herbicides, fongicides…)" et un développement des circuits courts. Philippe Poutou propose aussi de réorienter les aides vers "les filières autogérées et coopératives", de végétaliser l'alimentation, de mettre en place un moratoire sur les dettes des agriculteurs et un fonds public d'acquisition de foncier pour aider les jeunes agriculteurs à s'installer. 

Interrogé par le site Terre-net, le candidat se prononce aussi pour l'interdiction des cultures sous serres chauffées, la réduction de l'irrigation en grandes cultures et la fin des élevages industriels. 

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Dans son programme, Nicolas Dupont-Aignan, candidat de Debout la France, défend un protectionnisme européen avec une réorientation de la PAC vers une préférence communautaire, des prix garantis et des quotas. Pour certains produits, comme le lait ou les viandes, il veut instaurer un tunnel "maximum-minimum" de prix garantis et exiger l'étiquetage obligatoire du pays d'origine des produits.

Le député de l'Essonne propose aussi de supprimer les cotisations sociales agricoles, de mettre fin à l'accumulation des normes et des réglementations écologiques, de restructurer la dette des agriculteurs surendettés et de soutenir l'installation des jeunes agriculteurs avec un cautionnement public de 50% pour les prêts contractés à l'installation.

Il souhaite également privilégier les circuits courts, un grand plan de production et de consommation de fruits et légumes, revaloriser de 30% l'aide à la conversion à l'agriculture biologique et promet d'interdire les OGM existants, mais de "ne pas s'opposer systématiquement aux avancées de la science ni à la recherche agronomique".

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