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Municipales : pourquoi ils ont décidé de ne pas rempiler

Age, non-cumul des mandats, ras-le-bol… Plusieurs raisons justifient le refus des édiles de briguer un nouveau mandat. Explications.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le Code civil prévoit la possibilité de déchoir de la nationalité française les personnes naturalisées condamnées pour terrorisme. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Ils tirent leur révérence, après plusieurs années au service de leur ville. Qu'ils soient trop âgés ou exaspérés, certains maires ne souhaitent pas briguer un nouveau mandat. Ils sont environ un tiers à renoncer à se représenter aux prochaines élections municipales, selon un sondage Ifop (PDF) publié en février 2013. Francetv info liste les raisons à l'origine de leur décision.

Parce que l'âge les rattrape

Ils ont 81, 83, 87, voire 93 ans... Le poids des années commence à peser chez les édiles qui sont à la tête de leur mairie depuis une cinquantaine d'années, même s'ils se sentent en forme. Impossible de savoir avec précision combien ils sont dans ce cas. Mais ils sont potentiellement nombreux : 59% des maires ont plus de 60 ans en France, selon les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur (PDF).

Quatre maires concernés, dont Bernard Cacquevel, 87 ans, maire du village du Mesnil-Rogues (Manche) depuis soixante et un ans, se sont confiés à francetv info"Dans six ans, je ne sais pas où je serai", indique-t-il. "Je suis fatigué physiquement et je trouve que j'en ai fait assez", estime de son côté Bernard Têtu, 83 ans, maire d'un village du Pas-de-Calais depuis quarante-neuf ans. "Je me sens en pleine forme physique et mentale, mais je ne prends pas de pari sur l'avenir. Dans six ans, j'aurai plus de 90 ans !" s'exclame pour sa part Georges Beyney, maire depuis quarante et un ans de L'Union, près de Toulouse (Haute-Garonne).

Parce qu'ils laissent la place à leur premier adjoint

Souvent, après 60 ans, les maires se décident à passer la main une fois leur succession préparée. "Après six mandats de maire, soit trente-sept ans à la tête de la ville, j'avais envie de passer le relais. Je soutiens l'équipe de mon adjoint, indique à francetv info Pierre Combettes, 76 ans et maire de Montaud (Hérault) depuis 1977. C'est la continuité, avec un changement de tête de liste."

Après sept mandats, quatre en qualité de conseiller municipal, puis trois en tant que maire du Doulieu, un gros village du Nord, Julien Delassus, 70 ans, arrête. Un de ses adjoints sera tête de liste. "C'est un gars du village. Je le pistais depuis plusieurs années. Vous savez, les volontaires pour être maire ne courent pas les rues", explique-t-il à francetv info.

Dans le même département, il y a trente et un ans, Jacques Vernier se préparait à conquérir Douai. Trois mandats de maire plus tard, il a descendu en rappel le beffroi, emblème de cette ville, à Noël. Un acte symbolique pour montrer qu'une page se tourne au sein de la cité des géants. "Je pense qu'il est temps de passer la main, explique à francetv info cet homme de 69 ans. Je ne suis ni las ni écœuré : c'était une expérience passionnante." Sa dauphine désignée est sa première adjointe, Françoise Prouvost. "C'est rassurant qu'elle prenne la suite", estime-t-il. Toutefois, pour remporter cette élection, elle va encore devoir convaincre, souligne La Voix du Nord. 

Parce qu'ils anticipent l'interdiction du cumul des mandats

A 68 ans et après trois mandats successifs, Michel Destot, maire socialiste de Grenoble (Isère), laisse lui aussi la place à son premier adjoint, Jérôme Safar, 47 ans, qui va tenter de prendre sa succession. Mais c'est surtout pour anticiper l'interdiction du cumul des mandats. Député de la 3e circonscription de l'Isère depuis 1988, Michel Destot reste en effet candidat pour un sixième mandat parlementaire. En effet, la loi sur le non-cumul des mandats, adoptée définitivement par le Parlement le 22 janvier, interdit d'exercer une fonction exécutive locale avec un mandat de député, de sénateur ou de parlementaire européen, à partir de 2017.

Pour certains élus, les élections municipales constituent donc une occasion pour annoncer leur décision. "Tout le monde comprendrait alors que j'opte pour mon mandat sénatorial, mais personne ne comprendrait que je quitte mes fonctions de maire en cours de mandat pour être remplacé par quelqu'un qui ne serait pas oint par le suffrage universel", indique sur France 3 Côte-d'Azur le sénateur-maire de Grasse (UMP), Jean-Pierre Leleux, qui a décidé de ne pas se représenter aux municipales. Un choix dicté par "l'exigence prochaine du non-cumul des mandats". Elu depuis 1983 et maire depuis 1995, il aura donc exercé la fonction durant trois mandats.

Certains préfèrent leur mandat de maire. C'est notamment le cas d'Yves Jégo, député-maire (UDI) qui se représente à Montereau-Fault-Yonne en mars. S'il est reconduit dans ses fonctions, il privilégiera la mairie. "C'est mon premier mandat et c'est celui où j'ai l'impression d'être le plus efficace", explique-t-il au Parisien. Le quotidien relève qu'en Seine-et-Marne, une députée-maire et deux sénateurs-maires UMP font le même choix.

D'autres espéraient voir la loi interdisant du cumul des mandats retoquée par le Conseil constitutionnel. Mais désormais, leur choix est inéluctable : les Sages ont finalement validé la loi, le 13 février. Comme Xavier Bertrand, député-maire de Saint-Quentin (Aisne) qui conditionne son choix à la décision du Conseil constitutionnel, certains maires se prononceront plus vite que prévu. Ce choix, les députés et les sénateurs qui sont aussi maires devront de toute façon le faire dans trois ans.

Parce qu'ils en ont marre

Certains maires ont le sentiment d'avoir donné assez. Après un seul mandat, Francis Caussieu est si frustré qu'il ne se représentera pas. Maire de Gèdre, commune rurale de 250 habitants dans les Hautes-Pyrénées, il se bat contre la fatalité qui frappe son village de montagne : l'enclavement et le dépeuplement. "Les gens décèdent les uns après les autres. En un an et demi, on en a enterré treize. Près d'un par mois", constate-t-il, amer, sur le blog d'un ancien rédacteur en chef de L'Echo touristique. "J'aurais voulu avoir plus de temps, plus de moyens pour faire venir des entreprises, mais c'est très difficile."

Après vingt-cinq ans comme conseiller municipal, puis comme maire d'Hengoat, un village des Côtes-d'Armor, Joël Jégou a décidé de passer la main. "Je suis fatigué. J'ai beaucoup donné, j'avais besoin d'être partout", explique-t-il au JDD.fr. Problème dans ces petites communes : les candidats aux municipales ne sont pas nombreux. Une seule liste est en train d'être constituée, mais elle n'est pas encore complète. Et elle sera apolitique.

A Sissy (Aisne), le maire, Hubert Venet, dit "non" à un nouveau mandat, car la fonction lui pèse. "Etre maire, ce n'est pas toujours une partie de plaisir. [Le maire] est un bouc émissaire (...). C'est toujours vous le responsable, on vous promet même la prison pour une clôture qui empiète sur la voirie départementale", explique-t-il à L'Aisne nouvelle, lassé des procédures judiciaires.

Maire depuis treize ans de Saint-Georges-de-Livoye (Manche), Marie-Thérèse Sourdin est davantage agacée par le poids de plus en plus conséquent des communautés de communes. Comme elle l'a confié à France 3 Basse-Normandie, elle ne se représentera pas.

A cinq kilomètres de là, Yolande Guesdon, maire de La Chaise-Baudouin, jette aussi l'éponge, après seulement deux ans et demi de mandat. "C'est un métier à plein temps. J'ai envie de retrouver ma liberté", soupire-t-elle.

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