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"On ne pouvait pas gagner partout" : les (rares) candidats battus d'En marche ! racontent leur défaite aux législatives

Seuls 19 candidats LREM-MoDem n'ont pas réussi à se qualifier pour le second tour. Franceinfo en a interrogé quelques-uns.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard, Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Emmanuel Macron lors d'un meeting à Paris, le 2 mars 2017. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Une vague violette. La République en marche et son allié, le MoDem, sont arrivés en tête du premier tour des élections législatives, dimanche 11 juin, avec 32,32% des voix. Le parti d'Emmanuel Macron et celui de François Bayrou pourraient obtenir entre 415 et 455 sièges après le second tour, selon une estimation Ipsos/Sopra Steria* pour France Télévisions et Radio France.

Mais certains candidats LREM-MoDem n'ont pas profité de cette dynamique : 19 d'entre eux ont été éliminés dès le premier tour du scrutin, selon Le Lab d'Europe 1. "On ne pouvait pas gagner 577 circonscriptions", philosophe Bertrand Trepo, éliminé dans la 5e circonscription de Marne.

"Je savais que ce serait difficile"

Comme ce viticulteur de Champagne, plusieurs candidats contactés par franceinfo expliquent cet échec par une circonscription difficile. "On ne partait pas vraiment favori. Ma circonscription avait deux particularités : le FN a fait près de 53% des voix au deuxième tour de la présidentielle et le député sortant, Charles de Courson [UDI, 42,93%], a un excellent enracinement local", développe Bertrand Trepo. "Mon objectif était de me frayer un chemin. Je termine à 240 voix du candidat du Front national [21,50% contre 20,88%]."

Je suis très content même si je suis quand même un peu déçu d'être derrière le FN. Je tenais à le dépasser, c'est mon petit pincement au cœur.

Bertrand Trepo

à franceinfo

Quelques kilomètres plus à l'est, dans la 2e circonscription de Haute-Marne, Vincent Berthet fait le même constat :  "Avec un FN structurellement très fort, et un député-maire sortant très ancré localement, là depuis 25 ans, je savais que ce serait difficile." Ce chercheur se classe troisième, avec 21,19% des voix, loin derrière Les Républicains (33,81%) et le Front national (29,06%).

"On me prédisait à peine 10%"

Dans la 13e circonscription du Nord"on nous annonçait cette partie comme jouée d'avance", raconte Sarah Robin. La jeune femme est arrivée en troisième position, derrière le frontiste Philippe Eymery (25,72%) et le député-maire sortant DVG Christian Hutin (24,72%). "Emmanuel Macron n'est arrivé que troisième dans cette circonscription au premier tour de l'élection présidentielle, rappelle Sarah Robin. Je ne suis pas du tout connue sur le terrain et j'avais face à moi le président du groupe FN à la région et le député sortant. Il y a encore un mois, on nous prédisait à peine un 10%." Elle estime toutefois avoir réussi à "faire peur" aux "deux monstres politiques" qu'elle affrontait. "Je termine troisième avec 21,54% des voix, ce qui est déjà une victoire", se félicite Sarah Robin, qui pense avoir "jeté les bases pour les futures échéances".

En pourcentage, nous avons même amélioré le score d'Emmanuel Macron dans certaines villes, ajoute-t-elle. Je ne suis pas déçue, je n'ai pas de regrets.

Sarah Robin

à franceinfo

"Je suis partie seule en campagne"

D'autres candidats, comme Chantal Rybak, ont fait face à des obstacles d'une autre nature. La candidate LREM-MoDem dans la 16e circonscription du Nord évoque "le flou artistique" qui a régné autour de sa campagne. "Cet échec est dû au manque d'engagement des militants En marche ! assure-t-elle à franceinfo. Lorsque j'ai contacté les responsables du comité local, ils m'ont clairement dit qu'ils ne me soutiendraient pas." En cause, le lieu de résidence de Chantal Rybak, situé à 2 km de la circonscription dans laquelle elle se présentait.

"Les militants m'ont répliqué que cela posait problème aux électeurs qu'ils rencontraient sur le terrain, poursuit-elle. Alors je suis partie seule en campagne." Résultat, Chantal Rybak termine troisième (20,24%), avec seulement 77 voix d'écart avec le candidat du PCF, Alain Bruneel (20,45%). Hortense de Mereuil (FN) arrive en tête, avec 29,09% des suffrages exprimés. "Si les militants d'En marche ! avaient fait preuve de plus d'engagement, j'aurais pu avoir les 150 voix nécessaires pour passer au second tour", assure-t-elle.

Des adversaires qui soutiennent aussi Macron

Raynald Magnien-Coeurdacier s'est, lui, heurté à deux autres candidats "qui se revendiquaient habilement de La République en marche". Le maire (MoDem) de Monthureux-sur-Saône est pourtant le seul investi par le parti d'Emmanuel Macron dans la 4e circonscription des Vosges. Mais une ex-membre de l'UDI, Jocelyne Allane-Voilquin, s'est présentée comme candidate "de la majorité présidentielle", ajoutant même une photo d'Emmanuel Macron sur son affiche de campagne. Le député sortant Christian Franqueville (PS) soutenait lui aussi ouvertement le nouveau président.

"Cela a semé le doute dans l'esprit des électeurs, affirme Raynald Magnien-Coeurdacier à franceinfo. Je crois que cette confusion explique en partie ma troisième position : je n'arrive qu'à 400 voix de Christian Franqueville." Le candidat, qui "respecte les urnes", se console avec les résultats de La République en marche au niveau national. "Je crois que le président va avoir les moyens de mettre en place une véritable rénovation et c'est le plus important", se félicite-t-il.

Un avenir politique à déterminer

Et ensuite ? "Comme beaucoup de candidats En marche !, j’ai eu l’honneur d’avoir été sélectionné pour l'investiture mais je n’avais de plan de carrière", assure Raynald Magnien-Coeurdacier, qui veut "se consacrer à [sa] commune" de Monthureux-sur-Saône. Il explique "ne pas avoir pensé aux prochaines échéances", même s'il se dit "ouvert" à une future candidature. Même son de cloche du côté de Chantal Rybak, qui déclare "ne pas vraiment avoir de futur en politique". "Je continuerai de suivre de près cette circonscription, mais j'ai besoin de prendre un peu de distance avec les élections", précise-t-elle.

Bertrand Trepo n'envisage pas non plus de faire carrière. "Je suis un vrai candidat de la société civile. Hier soir, j’ai été battu, aujourd’hui je suis au boulot et là je suis en retard de 10 minutes pour une réunion. Rappelez-moi vers 17 heures", nous glisse-t-il une première fois au téléphone. "Vigneron j'étais, vigneron je suis, vigneron je resterai. Mais je vais continuer à porter et à faire vivre le mouvement localement", développe le candidat quelques heures plus tard, avant d'assurer qu'il n'a pas réfléchi aux prochaines échéances.

Sarah Robin veut, elle aussi, "faire d'En marche ! la première force politique" dans sa circonscription du Nord. "Je vais continuer de travailler avec le comité, dès la semaine prochaine, indique la jeune femme. Pour le reste, je verrai en fonction de ce que veut le mouvement."

Je n'ai pas spécialement d'ambition pour les prochaines élections. Mais si En marche ! peut présenter une liste aux municipales... Pourquoi pas ?

Sarah Robin

à franceinfo

En Haute-Marne, Vincent Berthet a d'avantage de suite dans les idées. "Ce n'est pas une parenthèse qui se referme, mais le début d'un engagement de long terme", explique le trentenaire. Il se verrait bien candidat de La République en marche aux municipales de Saint-Dizier ou Nancy, ces "deux villes d'ancrage personnelles".

* Estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, Le Point, France 24 et LCP-AN.

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