Législatives : les élections "ont été scénarisées comme une ratification de la présidentielle"
Pour le professeur de sciences politiques à l’université de Montpellier, Jean-Yves Dormagen, "les élections législatives sont devenues relativement secondaires". Il a également regretté "la faible médiatisation de la campagne."
Près de 47 millions de Français sont appelés aux urnes dimanche 11 juin pour le premier tour des élections législatives. Mais un mois après la présidentielle, l’engouement pour la politique s’essouffle.
La participation cette année semble être en forte baisse. Cette tendance s'inscrit dans celle engagée depuis 1997 (68% en 1997, 64% en 2002, 60% en 2007 et 55% en 2012). Jean-Yves Dormagen, professeur de sciences politiques à l’université de Montpellier, a analysé sur franceinfo la participation en baisse de ces élections législatives.
franceinfo : Que se passe-t-il avec ce scrutin législatif ?
Jean-Yves Dormagen : C’est un scrutin qui mobilise de moins en moins, comme tous les autres à l’exception de la présidentielle, qui est la seule, dans notre système, à rester mobilisatrice. Toutes les autres sont touchées par une abstention forte et en hausse permanente. Pour les législatives, c’est plutôt surprenant, car elles ont longtemps été très importantes dans le système politique français, ce sont elles qui déterminent la couleur du gouvernement. Mais elles sont devenues relativement secondaires.
Les élections législatives sont-elles devenues "secondaires" à cause de la réforme du quinquennat et de l’inversion du calendrier électoral ?
Oui, ça a beaucoup joué. Pour autant, le taux de participation en 1997 n’était pas exceptionnel, malgré le contexte de dissolution. Mais en effet, comme l’élection présidentielle, depuis 2002, arrive avant les législatives, ces dernières ont été scénarisées comme une ratification de la présidentielle, ce qui contribue à les dévaloriser. Il faut aussi prendre en compte le rôle du Parlement dans notre système politique, qui est perçu, en partie à raison, comme une institution secondaire, qui ne fonctionne pas si bien que ça et pas de manière aussi efficace qu’il le devrait.
Le parlement ne remplit pas vraiment ses deux missions, qui sont de légiférer et de contrôler le gouvernement.
Jean-Yves Dormagen, professeur de sciences politiques à l’université de Montpellierà franceinfo
Le député est-il toujours un élu de référence pour la population ? Un contre-pouvoir ?
Non, de fait le Parlement n’exerce plus cette fonction de contre-pouvoir. On est habitué depuis très longtemps à des majorités très disciplinées. Lors de la dernière législature, il y a bien eu les Frondeurs, mais malgré tout le gouvernement n’a jamais été véritablement en danger. Il y a un fait très significatif : il n’y a jamais de motion de censure ! La plupart des auditeurs n’a jamais assisté au renversement du gouvernement par le Parlement, alors que c’est l’une de ses prérogatives. Cela montre bien que, dans une certaine mesure, le Parlement ne contrôle pas le gouvernement. Tout cela contribue à une certaine dévaluation de l’institution parlementaire et peut, pour une part, expliquer l’abstention. Mais le phénomène majeur, c’est la faible médiatisation de la campagne des législatives. C’est assez impressionnant de voir l’attention qu’il y a eu pour les élections primaires, l’extraordinaire médiatisation de l’élection présidentielle française, qui assez unique au niveau international avec les États-Unis. Et maintenant on ne parle presque plus de politique dans les grands médias, il y a très peu d’émissions, peu de débats, ce n’est pas tellement dramatisé, les citoyens eux-mêmes en parlent peu. Quand vous regardez l’abstention, vous voyez qu’il y a un rapport très fort entre le niveau de médiatisation et la participation.
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