Législatives 2024 : "Il y a beaucoup d'incertitudes" et une "vraie inquiétude" des marchés, confirme le directeur général d'Euronext
À cinq jours du premier tour des élections législatives, "il y a beaucoup d'incertitudes" et une "vraie inquiétude" des marchés, confirme mardi 25 juin sur France Inter Stéphane Boujnah, directeur général d'Euronext. Cette société française gère la Bourse de Paris, mais aussi celles d'Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne, d'Oslo, Dublin et Milan, où 1 900 entreprises européennes y sont cotées. Dix milliards d'euros s'y échangent par jour, soit le double qu'à la Bourse de Londres.
La dissolution de l'Assemblée nationale a eu des effets quasi immédiats sur les marchés financiers. La Bourse de Paris a signé le vendredi 14 juin, cinq jours après l'annonce d'Emmanuel Macron, sa pire semaine boursière depuis l'invasion russe en Ukraine, en 2022. L'écart entre les taux d'intérêts français et allemand ne s'est jamais creusé aussi vite et aussi fort depuis 2012. Rien de surprenant pour Stéphane Boujnah car "il y a un moment d'incertitude" et "tout le monde dans notre pays se pose des questions par rapport à une élection qui est objectivement précipitée, dans une période très courte".
"L'incertitude est totale"
Le directeur général d'Euronext explique que les "marchés regardent avec attention les programmes proposés" par les différents partis politiques, en précisant qu'ils "ne se posent pas la question de savoir si les gens vont mettre en œuvre ou pas ce qu'ils disent". Certaines propositions "extrêmes" créent de l'inquiétude, selon lui. Or, cela peut avoir des conséquences sur la dette publique car quand les marchés "s'inquiètent sur notre capacité de remboursement et l'évolution des économies, ils nous prêtent plus cher". Il en est de même pour les actions. Quand les actionnaires "pensent que les entreprises vont avoir des difficultés parce qu'elles opèrent dans un environnement plus incertain, ils vendent des actions" et elles chutent.
Plusieurs scénarios sont possibles après le second tour des législatives le 7 juillet. Le RN qui est en tête des intentions de vote selon les sondages peut accéder au pouvoir. "Dans ce cas, l'incertitude est totale", commente Stéphane Boujnah. L'arrivée au pouvoir "d'une équipe qui n'a jamais gouverné" suscite "beaucoup d'inquiétude" mais pas seulement d'un point de vue économique. Le directeur général d'Euronext pointe un risque pour "la cohésion de la société française". Cela peut porter préjudice "au business" et "donc, il y a une vraie inquiétude", insiste-t-il.
Il est aussi plausible qu'aucune coalition – Nouveau Front populaire, majorité présidentielle ou union des droites – n'obtienne la majorité. Dans ce cas, les observateurs politiques envisagent la nomination d'un gouvernement apolitique chargé de gérer les affaires courantes. "Du point de vue des marchés, le deuxième cas est moins inquiétant que le premier", selon Stéphane Boujnah. Il explique que pour les Belges, les Néerlandais, les Espagnols ou encore les Allemands, "l'idée qu'il faille créer une coalition très improbable au départ n'est pas quelque chose d'inconnu", explique-t-il avant de nuancer : "Les observateurs sont attentifs parce qu'ils savent que c'est aussi inédit en France, en tout cas depuis la IVe République, et que ça peut poser des problèmes."
"La gauche de gouvernement, ce n'est pas ça"
"Si chacun votera comme il veut" aux législatives, le directeur général d'Euronext met en garde contre "les solutions simples, voire simplificatrices, qu'elles viennent d'un extrême ou de l'autre" qui sont de son point de vue "préoccupantes". Stéphane Boujnah ne nomme ni le Rassemblement national, ni le Nouveau Front populaire, et ne dit pas clairement s'il les renvoie dos à dos.
Toutefois, interrogé sur sa position vis-à-vis du Nouveau Front populaire, il répond "à titre strictement personnel" que "la gauche de gouvernement, ce n'est pas ça". Stéphane Boujnah, ex-socialiste, est passé au cabinet de Dominique Strauss-Kahn lorsque celui-ci était ministre de l'Economie, entre 1997 et 1999. Il précise que pour lui, "la gauche de gouvernement de François Mitterrand, de Lionel Jospin et de François Hollande, ce n'est pas ce qui est dans le Nouveau Front populaire".
Il insiste pour dire qu'il s'agit d'un avis personnel qui n'engage pas Euronext. Stéphane Boujnah comprend la discrétion de nombreux chefs d'entreprise depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale. "Nos entreprises ont toutes des actionnaires, des salariés et des clients. Il faut respecter tout le monde. Certaines sont dans des métiers de vente au détail et donc doivent tenir compte de la réalité, à savoir que leurs clients sont les citoyens", justifie-t-il.
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