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Assemblée nationale : un accord entre LR et le RN peut-il priver la Nupes de la présidence de la commission des finances ?

Le Rassemblement national espère s'emparer de la tête de cette prestigieuse commission au détriment de la coalition de gauche. Dans cette bataille, Les Républicains pourraient jouer le rôle d'arbitre lors du vote prévu jeudi.

Article rédigé par Antoine Comte, Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
L'Assemblée nationale, à Paris, lors de la première séance publique de la 16e législature, le 28 juin 2022. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Semaine décisive dans l'hémicycle du Palais-Bourbon. Après des élections législatives aux résultats inédits, avec une majorité relative pour le chef de l'Etat, la 16e législature s'est ouverte, mardi 28 juin, avec l'élection de la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, éphémère ministre des Outre-mer. C'est désormais l'élection indécise du président de la commission des finances, jeudi 30 juin, qui concentre tous les regards. Pour ce poste très convoité, qui revient statutairement à l'opposition, la Nupes et le Rassemblement national cherchent à imposer leur candidat respectif, Eric Coquerel et Jean-Philippe Tanguy.

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Au milieu de ces deux camps, Les Républicains font office d'arbitre. Ils ont décidé de présenter la candidature de Véronique Louwagie, députée de l'Orne, à la présidence de cette puissante commission, aux prérogatives étendues. Quant aux députés macronistes, ils ne prendront pas part au vote, a assuré la Première ministre, Elisabeth Borne, conformément à la tradition républicaine qui veut que la majorité reste spectatrice lors de ce scrutin. Dans cette configuration, le parti de droite pourrait-il faire le choix de l'extrême droite plutôt que celui de la coalition de gauche et de son candidat de La France insoumise ?

"Le mot de 'deal' n'est pas juste"

C'est en tout cas ce qu'a laissé entendre L'Opinion, lundi 27 juin. Le journal explique que "les prémices d'un deal ont commencé à prendre forme" entre le RN et LR. Le parti d'extrême droite laisserait à la droite et Eric Ciotti la questure, où les députés "élaborent le budget de l'Assemblée, gèrent les crédits et engagent les dépenses".

En échange, la formation de Marine Le Pen récupérerait la présidence de la commission des finances et pourrait ainsi contrôler le budget de l'Etat ou se prononcer sur certaines nominations du président de la République, par exemple. "Le mot de 'deal' n'est pas juste", assure le candidat du RN, Jean-Philippe Tanguy, à franceinfo. "J'ai relu le règlement de l'Assemblée et en fait, il y a un esprit du règlement qui est très clair : les différentes fonctions doivent représenter l'équilibre et la réalité des forces politiques."

Ce qu'on essaie de faire avec LR, c'est de trouver un accord qui rende compte de cet esprit pour maintenir la tradition et la bonne répartition."

Jean-Philippe Tanguy, député RN

à franceinfo

"L'heure n'est pas aux négociations institutionnelles avec LR, affirme également le député RN Laurent Jacobelli. On essaye plutôt de les convaincre de voter pour Jean-Philippe Tanguy. Vous voyez vraiment la droite voter pour Eric Coquerel, un anticapitaliste qui deviendrait contrôleur fiscal ?" 

Un accord loin d'être conclu ?

Une chose est sûre, assure Brice Hortefeux : Eric Ciotti veut sauver son poste à la questure, mais pas en discutant avec le RN. "Il aurait plutôt tendance à discuter avec la majorité présidentielle pour conserver ce poste, plutôt qu'avec le Rassemblement national", insiste l'ancien ministre de l'Intérieur et cadre des Républicains. "Je ne vois pas comment un accord de ce genre avec le RN aurait pu être acté, on n'en a jamais parlé", évacue un autre membre du comité stratégique. "Ça parait davantage être un objectif de Marine Le Pen que quelque chose de véritablement acté et j'ai un sérieux doute sur la faisabilité de cet accord", souligne pour sa part Eric Coquerel.

"Une alliance aussi globale entre LR et le RN, ça aurait politiquement des conséquences lourdes."

Eric Coquerel, député LFI au sein de la Nupes

à franceinfo

Au-delà des rumeurs, la tâche s'annonce de toute façon plus que compliquée pour Jean-Philippe Tanguy. Car un accord avec la frange la plus à droite des LR ne suffira pas à propulser le nouveau député d'extrême droite à la tête de la puissante commission. "Pour que le candidat du RN batte le candidat de la Nupes, il faudrait que la totalité des députés LR de la commission des finances votent pour lui. C'est impossible", lance le sénateur LR Roger Karoutchi.

Mathématiquement "très compliqué" pour le RN

Eric Coquerel a également fait ses calculs. "Outre le fait que politiquement j'ai du mal à croire à cette alliance, pas sûr que cela suffise. D'après nos calculs, s'il y a une coalition LR-RN face à la Nupes, nous serons à égalité", assure le député LFI de Seine-Saint-Denis.

Au dernier décompte, plusieurs stratèges des Républicains envisagent même une défaite de Jean-Philippe Tanguy. "Les députés LR de tendance centre-droit ne voteront jamais pour l'extrême droite, ça va être quand même très compliqué pour le RN cette histoire", juge un ténor de LR.

Un scénario également imaginé par Julien Dive. Interrogé directement par Jean-Philippe Tanguy sur le plateau de l'émission "C Politique" sur France 5, dimanche 26 juin, le député LR de l'Aisne a assuré que son parti ne soutiendrait pas le RN. "C'est niet ! Mes collègues qui sont membres de la commission des finances voteront pour notre candidate, Véronique Louwagie. Il appartiendra à chaque groupe confondu de voter en responsabilité", a-t-il répondu sèchement. Pour les députés LR, celle-ci est grande dans la bataille entre les deux principales forces d'opposition.

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