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Impôts sur les successions et les donations : que proposent les candidats à l'élection présidentielle en matière d'héritage ?

A deux mois et demi du premier tour, la question de la fiscalité de l'héritage a fait irruption dans la campagne. Les différents candidats de droite défendent un allègement de cette fiscalité, alors que la gauche souhaite notamment taxer davantage les plus riches.

Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des affiches de campagne de Valérie Pécresse et d'Anne Hidalgo, photographiées le 22 janvier 2022, à Toulouse. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Et si c'était le thème majeur de cette campagne présidentielle ? Depuis plusieurs semaines, les différents candidats mettent particulièrement en avant leurs différentes propositions en matière de droits de succession et de donation. Alléger un impôt parfois perçu comme "confiscatoire", empêcher au contraire le patrimoine des plus riches de croître indéfiniment en étant transmis à leurs enfants… Chacun se sert du sujet de la fiscalité de l'héritage pour défendre son projet.

Valérie Pécresse mise sur un "choc de transmission"

Si elle accède à l'Elysée en avril, la candidate LR annonce un "choc de transmission. J'assume qu'on puisse transmettre son patrimoine à ses enfants. C'est le fruit d'une vie de travail qui a été taxé, hypertaxé et retaxé", expose-t-elle auprès du Figaro, dimanche 23 janvier. Concrètement, Valérie Pécresse propose de doubler l'abattement accordé sur ces droits de succession lorsqu'il s'agit de "transmissions en ligne directe" : aujourd'hui, avant de payer des impôts selon un barème progressif, un enfant bénéficie d'un abattement de 100 000 euros sur la somme dont il hérite de l'un de ses parents, ou inversement dans le cas où un parent hérite de son enfant.

La présidente de la région Ile-de-France souhaite faire passer l'abattement actuel à 200 000 euros, pour que les héritiers ne payent des impôts qu'au-delà de cette somme. Mais elle souhaite aussi faire passer l'abattement pour les transmissions en ligne indirecte (vers un frère, une nièce ou un cousin, par exemple) à 100 000 euros. Dans le système actuel, les abattements applicables dans ces cas-là ne dépassent pas 15 932 euros et les taux d'imposition peuvent aller jusqu'à 60%.

Marine Le Pen insiste sur les donations

Marine Le Pen, de son côté, se concentre sur la transmission du patrimoine immobilier : "Je pense qu'il ne faut pas qu'il y ait de droits de succession jusqu'à 300 000 euros sur les biens immobiliers des Français", a-t-elle avancé sur le plateau de RTL et LCI, le 28 novembre dernier.

Dans le même temps, la candidate du Rassemblement national prône des droits de donation allégés, à propos de ces sommes que les parents peuvent, par exemple, donner à leurs enfants de leur vivant. A l'heure actuelle, chaque parent peut donner jusqu'à 100 000 euros par enfant sans que celui-ci soit imposé. Cet abattement peut s'appliquer en une seule ou en plusieurs fois, tous les quinze ans. Si Marine Le Pen est élue présidente, elle souhaite raccourcir ce délai à dix ans (six ans pour Valérie Pécresse) et appliquer ce même abattement de 100 000 euros aux grands-parents qui donneraient à leurs petits-enfants, contre 31 865 euros aujourd'hui.

Eric Zemmour défend les transmissions d'entreprises familiales

Sur ce sujet des droits de donation, Eric Zemmour est lui aussi favorable à un délai de dix ans, mais cette fois-ci avec un abattement plus généreux à 200 000 euros, également appliqué aux grands-parents. 

Le candidat d'extrême droite est partisan d'une exonération "des droits de donation et de succession" pour "les transmissions d'entreprises familiales", comme il l'avance dans une tribune au Figaro. Dans ce domaine, il tente d'ailleurs d'allier protectionnisme et moindre pression fiscale : "Il n'est pas acceptable qu'un chef d'entreprise français préfère vendre sa société à un industriel chinois ou à un fonds d'investissement américain plutôt que de transmettre le fruit de son travail à ses enfants uniquement par peur d'être spolié par le fisc", a-t-il déclaré lors de son meeting de Villepinte, le 5 décembre.

Jean-Luc Mélenchon souhaite un plafond pour l'héritage à 12 millions d'euros

A gauche de l'échiquier politique, en revanche, on privilégie une réforme de la fiscalité beaucoup moins favorable aux patrimoines élevés. Jean-Luc Mélenchon propose par exemple "d'augmenter les droits de succession sur les plus hauts patrimoines en comptabilisant l'ensemble des dons et héritages reçus tout au long de la vie et [de] créer un héritage maximal de 12 millions d'euros", comme l'affirme son programme. 

Anne Hidalgo cible les patrimoines supérieurs à 2 millions d'euros

Sans aller jusqu'à un plafond pour les héritages les plus élevés, la candidate du PS, Anne Hidalgo, veut "augmenter les impôts des successions pour les très hauts patrimoines" supérieurs à 2 millions d'euros. Avec les recettes nouvelles qui seraient ainsi créées, équivalentes selon elle à 8 milliards d'euros an, elle souhaite "abaisser la fiscalité des successions pour 95% des Français".

Yannick Jadot prône la suppression des niches fiscales liées à l'héritage

Le candidat d'Europe Ecologie-Les Verts, Yannick Jadot, préfère s'en tenir à l'abattement de 100 000 euros pour les donations et les héritages "quel que soit le lien familial", mais cet abattement serait désormais valable "tout au long de la vie", comme son équipe de campagne l'a expliqué à Libération le 16 janvier. Le délai de quinze ans entre deux gros dons serait donc supprimé, ce qui augmenterait mécaniquement les recettes fiscales sur les successions.

Parmi les autres mesures défendues par le candidat EELV figure le "passage en revue" de toutes les niches fiscales liées à la fiscalité de l'héritage, au-delà de l'abattement. Certaines d'entre elles seraient aussi supprimées.

Fabien Roussel veut "rendre l'héritage populaire"

Le candidat du PCF envisage lui aussi la suppression de niches fiscales liées à l'héritage. Mais en parallèle, il souhaite "rendre l'héritage populaire", comme il l'a affirmé sur France 2, le 17 janvier. Cela se traduit dans son programme par un abattement relevé à 118 000 euros, montant moyen de l'héritage en France, "quel que soit le bénéficiaire". Comme Yannick Jadot, il défend le choix d'un impôt plus progressif après l'abattement.

Emmanuel Macron reste évasif sur la "transmission populaire"

Emmanuel Macron n'est pas encore candidat à sa réélection, mais de nombreux signes montrent qu'il se lancera dans la course. Et le chef de l'Etat a lui aussi abordé le thème de l'héritage récemment, notamment auprès des lecteurs du Parisien, début janvier : "Il faut plutôt accompagner les gens pour les aider à transmettre les patrimoines modestes."

Avec cette notion de "transmission populaire", c'est-à-dire "lorsqu'on n'est pas sur des montants exorbitants", le chef de l'Etat semble ouvrir la voie à un allègement de l'imposition de certaines successions. Volontairement flou sur cette mesure, il aura l'occasion d'en dire plus d'ici au 10 avril, date du premier tour de l'élection, s'il se déclare candidat.

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