Reportage Européennes 2024 : dans son fief, François-Xavier Bellamy "a besoin d'encouragements" face à une campagne qui ne décolle pas

Article rédigé par Laure Cometti
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6 min
François-Xavier Bellamy, tête de liste Les Républicains pour les élections européennes, le 26 février 2024 au Salon de l'agriculture à Paris. (MAEL GARNIER/SIPA)
Malgré quelques sorties médiatiques, la tête de liste du parti Les Républicains plafonne dans les sondages, avec des intentions de vote stagnant entre 6 et 8%. Franceinfo a assisté à une de ses réunions publiques dans les Yvelines.

"Oh ! Il y a du monde", s'étonne une retraitée en rentrant dans la salle de la mairie du Chesnay (Yvelines). "Et il fait chaud !" lui répond en souriant un jeune militant, affairé à rajouter des chaises pour accueillir les 500 personnes venues assister mardi 28 mai à la réunion publique de François-Xavier Bellamy. La tête de liste des Républicains est "une star locale", ayant fait ses premiers pas en politique au conseil municipal de la commune voisine de Versailles. Et cela se voit : à dix jours du scrutin européen du 9 juin, les soutiens politiques ont répondu présent, comme Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, et son "mentor" François de Mazières, le maire de Versailles, assis au premier rang. Le public offre une standing ovation au professeur de philosophie, sollicité pour d'innombrables selfies à la fin du meeting.

Cette atmosphère enthousiaste tranche avec les pronostics décevants pour la liste du parti de droite, dont la cote n'a jamais décollé, avec des intentions de vote stagnant entre 6 et 8% depuis plusieurs mois. Les partisans de François-Xavier Bellamy et même ses adversaires jugent pourtant qu'il fait une bonne campagne. Mais pris en étau entre l'extrême droite – avec le Rassemblement national et Reconquête – et la majorité, Les Républicains sont à la peine. Au siège du parti, on espère modestement maintenir le résultat de 2019. François-Xavier Bellamy avait alors enregistré le pire score de la droite aux élections européennes, avec 8,48% des voix, convertis en huit sièges au Parlement européen. Les conserver constituerait aujourd'hui un vrai soulagement pour LR.

"Les Républicains ont trop fait le yoyo"

"On n'a pas beaucoup d'éléments favorables dans cette campagne, on est à contrevent, à contre-courant", reconnaît François-Xavier Bellamy à la tribune. "Nous héritons d'un discrédit qui pèse sur notre parti." Et qui déteint aussi sur sa campagne. Paul et Maylis font partie des plus jeunes qui se sont glissés parmi les chevelures blanches ce soir. Les deux vingtenaires apprécient la tête de liste, mais la trouvent "mal entourée". "LR a trop fait le yoyo, avec des positions pas claires, sur la bioéthique, sur l'immigration, sur la préférence nationale..." égrène Paul. "Il y a un côté opportuniste chez certains", embraye Maylis. Plusieurs figures du parti ont d'ailleurs été débauchées par le gouvernement, comme Rachida Dati en janvierDe quoi expliquer la fuite d'une partie de l'électorat de droite chez les macronistes ?

"On souffre d'un positionnement difficile vis-à-vis d'Emmanuel Macron."

Un parlementaire des Républicains

à franceinfo

Les Républicains sont aussi concurrencés sur leur droite. D'après une enquête Ifop publiée le 28 mai, 19% des électeurs de Valérie Pécresse en 2022 soutiennent désormais la liste menée par Jordan Bardella. Et seuls deux électeurs de François-Xavier Bellamy sur trois disent être sûrs de leur choix pour le 9 juin. "François-Xavier Bellamy a besoin d'encouragements", reconnaissent Henri et Christian, deux retraités de Versailles. Fidèles adhérents, ils ont toujours voté LR, même dans les moments durs, comme lors de la présidentielle 2022, quand Valérie Pécresse a engrangé le pire score de l'histoire du parti.

"Lui, il parle d'Europe, pas comme les candidats qui font de cette élection un scrutin national ou local."

Henri, adhérent des Républicains

à franceinfo

"Il travaille à fond et il a une extraordinaire aisance à l'oral", enchaîne-t-il, sous le regard approbateur de Christian. Malgré ses atouts, les deux hommes observent que leur candidat ne perce pas dans les intentions de vote. "Il n'est pas suffisamment connu", soupire Christian. 

"C'est trop tard pour rattraper ce déficit d'image"

La couverture médiatique est souvent accusée par les soutiens du candidat, connu par 65% des Français selon un sondage OpinionWay. "On juge surtout l'image, et il n'y a que des débats cacophoniques", déplore Valérie Pécresse, qui regrette au passage le "phénomène extrêmement toxique" des sondages publiés quotidiennement. "Il faut percer cette superficialité médiatique pour rentrer dans le fond", veut croire la présidente de la région Ile-de-France. Le candidat lui-même reprend cet argument, pour faire rire la salle ce soir. "J'espère que ce n'était pas trop incompréhensible", lance-t-il au sujet du débat sur BFMTV, auquel il a participé la veille. "Si", clame le public. "Si j'avais pu, j'aurais éteint la télé, mais j'étais dans la télé !" renchérit-il avant de lancer solennellement : "Je ne me résigne pas à ce que la politique soit un spectacle."

Son équipe s'est pourtant fixée pour objectif de "tenter de franchir le mur du son".

"On a un bon candidat, une bonne liste, un bon projet, du sérieux... Maintenant il faut juste que le message soit audible."

Othman Nasrou, directeur de campagne de François-Xavier Bellamy

à franceinfo

Ce dernier se réjouit de la "très bonne" prestation de François-Xavier Bellamy à propos du débat Attal-Bardella. Interrogé sur le plateau de France 2, juste après le duel entre le Premier ministre et la tête de liste du Rassemblement national, largement en tête des sondages, le candidat a dénoncé "une mise en scène" et "le signe d'une crise démocratique". La séquence, devenue virale, a été vue plusieurs millions de fois sur les réseaux sociaux. 

L'équipe de campagne a tenté d'autres coups d'éclat, en envoyant le 7 mai François-Xavier Bellamy à la rencontre du député insoumis Louis Boyard devant Sciences-Po, bloqué par des étudiants opposés à la guerre à Gaza. Un "clash" qui lui a valu d'être invité dans la foulée sur le plateau de Cyril Hanouna sur C8. Le philosophe s'est même lancé sur TikTok, réseau social du buzz et de la concision. Mais les jours et les semaines passent et les intentions de vote ne frémissent toujours pas.

En interne, beaucoup doutent que le parti parvienne à réitérer son score de 2019. Certains pensent même que LR tombera sous la barre des 5%, seuil à atteindre pour décrocher des sièges. "Bellamy, c'est une grosse berline allemande, mais avec un moteur bridé, sur une côte difficile et avec une vieille caravane rouillée accrochée à l'arrière", dépeint un cadre du groupe. Une métaphore automobile pour dénoncer les failles du parti dont pâtit la tête de liste. "Il a été sciemment écarté de la lumière entre 2022 et 2024. Maintenant, c'est trop tard pour rattraper ce déficit d'image en deux semaines, il reste peu connu", poursuit cette source.

"On n'a pas besoin d'arriver les premiers"

En meeting, le candidat mise sur les fondamentaux du parti de droite, tout en ciblant le Rassemblement national et le camp présidentiel. A la tribune, il étrille la lenteur administrative française, prône la "maîtrise de nos frontières" et rappelle son combat pour faire interdire "les pubs de la Commission européenne sur le port du hijab". "Le macronisme, c'est parler comme la droite à Paris, mais voter comme la gauche à Bruxelles, attaque-t-il. Et le RN, c'est la politique de la chaise vide !"

Le candidat de 38 ans sait qu'il lui reste un atout, peu clinquant, mais pragmatique : l'appartenance de LR au groupe majoritaire au Parlement européen, le Parti populaire européen (PPE). "On n'a pas besoin d'arriver les premiers. Dans dix jours, nous aurons une majorité au Parlement européen et donc à la Commission", promet-il aux sympathisants, s'en remettant à un éventuel vote utile. "On vise un électorat qui comprend les rouages de l'Union européenne. On fait le pari que dans la dernière ligne droite, les électeurs feront un choix de raison", explique Pierre-Henri Dumont, le député du Pas-de-Calais.

Pour Les Républicains, il s'agit aussi de limiter la casse en attendant des jours meilleurs. "Les rivières retrouveront leur lit une fois que la parenthèse Macron sera refermée", veut croire Thomas Gourlan, président de l'agglomération de Rambouillet. Regardant plus loin que le 9 juin, François-Xavier Bellamy a le même espoir : "Un jour, nous redeviendrons majoritaires dans le pays".

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