Élections : Bruno Cautrès redoute une abstention "majoritaire" ce dimanche
Le politologue et enseignant à Sciences Po Paris estime dimanche sur franceinfo que l'abstention record du premier tour est le signe que "le vote est en train de changer de nature".
"Compte tenu du niveau exceptionnellement élevé d'abstention au premier tour, l'abstention restera majoritaire aujourd'hui", estime dimanche 27 juin sur franceinfo Bruno Cautrès, politologue, chercheur CNRS au Cevipof, le Centre d’études de la vie politique française, et enseignant à Sciences Po Paris, concernant le second tour des élections régionales et départementales qui se tient ce dimanche en France. Selon lui, l'abstention record du premier tour (66,72%) est le signe que "le vote est en train de changer de nature".
Il faut, dit-il, "en tirer des conséquences en termes d'organisation du scrutin", en "offrant davantage de possibilités de voter aux Français, pas seulement en se rendant aux bureaux de vote".
Peut-on croire en un rebond de la participation à l'occasion de ce second tour des élections régionales et départementales, après l'abstention record de plus de 66% lors du premier tour ?
On a déjà vu des petits rebonds de participation entre les deux tours. Aux précédentes élections régionales, il y avait d'ailleurs eu un peu plus de participation au deuxième qu'au premier tour mais sans que ce soit une différence extrêmement forte. Dans d'autres élections aussi nous avons vu des regains de participation. On peut penser à l'élection présidentielle de 2002, le fameux 21 avril lorsque Jean-Marie Le Pen s'est qualifié pour le deuxième tour. On avait beaucoup dit que c'était la faute de l'abstention au premier tour et, c'est vrai que l'abstention avait été beaucoup plus forte que dans les élections présidentielles habituelles, il y avait eu un net regain de participation au deuxième tour. Mais là, je ne crois pas qu'on soit dans ce cas de figure. Compte tenu du niveau exceptionnellement élevé d'abstention au premier tour, l'abstention restera majoritaire aujourd'hui.
Qu'est-ce que cela dit du rapport qu'entretiennent les Français avec le vote ?
Le vote est toujours considéré par les Français comme le principal moyen d'expression publique. Dans les enquêtes que nous menons au Cevipof nous demandons régulièrement aux électeurs quel est leur moyen préféré d'expression publique entre voter, manifester, faire la grève ou boycotter des produits ou des marques, et c'est toujours le vote qui arrive en numéro 1. En revanche, le vote était considéré comme le premier moyen d'expression publique à près de 70% il y a 15 ans, aujourd'hui on est un peu au-dessus de 50% donc le vote est en train de changer de nature. Nous sommes dans une société avec beaucoup plus d'individualisation, avec chacun son choix de vie. La priorité est aux relations horizontales et l'idée de se faire dicter sa conduite par une organisation politique est aujourd'hui beaucoup moins acceptée qu'il y a 20 ou 30 ans. Il faut s'habituer à cela et, sans doute, en tirer des conséquences en termes d'organisation du scrutin. Il y a des marges à gagner en termes de participation, en offrant davantage de possibilités de voter aux Français, pas seulement en se rendant au bureau de vote.
Qu'est ce qui, selon vous, a manqué à cette campagne des régionales ?
Il n'y a pas eu de campagne nationale sur ces questions régionales. Il n'y a pas eu de nationalisation au sens d'une belle campagne électorale nationale qui répondrait aux questions essentielles : quelle vision avons-nous des régions dans les 5 à 10 ans, à quoi ça sert une région, que font les régions que ne font pas les départements, que font les régions et les départements que ne font pas les métropoles ? De ce point de vue-là nous n'avons pas eu de campagne nationale sur un thème pourtant essentiel de l'action publique aujourd'hui, la question de l'articulation entre les niveaux nationaux et régionaux.
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