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SNCF : quelle valeur accorder à la "vot'action" annoncée par l'intersyndicale ?

L'intersyndicale de la SNCF a annoncé, mercredi, une consultation interne sur la réforme de la compagnie ferroviaire. L'objectif : demander aux cheminots s'ils sont "pour ou contre" la réforme de la compagnie ferroviaire.

Article rédigé par franceinfo
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Manifestation intersyndicale contre la réforme de la SNCF, à la gare Saint-Charles, à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 4 avril 2018. (MAXPPP)

Après Air France, la SNCF va goûter au principe du vote interne. Cette "vot'action" se déroulera du 14 au 21 mai et demandera aux cheminots s'ils sont pour ou contre la réforme de la SNCF. Chez Air France, la consultation des salariés a débouché sur la démission de son PDG Jean-Marc Janaillac. Pour les syndicats CGT, Unsa, SUD Rail et CFDT, qui sont à l'origine de cette "vot'action", la donne est différente. La finalité n'est pas le départ de Guillaume Pépy, le patron du groupe ferroviaire. Quelles sont les enjeux de cette consultation des cheminots ? franceinfo a interrogé Pascal Lagoutte, président du cabinet d'avocats Capstan, spécialisé en droit social, jeudi 10 mai.

La valeur juridique : nulle

Sur le plan juridique, la "vot'action" à la SNCF n'a "aucune" valeur. La réponse de Pascal Lagoutte est claire. Selon l'avocat spécialisé, "le 'référendum' en tant que tel n'entraînera en aucune façon l'entreprise dans son action". En effet, les ordonnances Macron, publiées le 23 septembre 2017, ne prévoient pas cette possibilité. "En dehors de ces cas-là, la loi n'accorde aucune valeur au référendum."

Pour Pascal Lagoutte, "la question se posera plus tard quand la convention collective sera achevée et qu'elle sera déclinée dans l'entreprise". Pour l'instant, "nous ne sommes pas du tout dans ce cas-là", appuie Pascal Lagoutte. D'autant plus que "c'est la loi qui décide", comme l'a rappelé le porte-parole du groupe LREM à l'Assemblée nationale, Gilles Legendre, jeudi sur franceinfo.

La valeur symbolique : incertaine

Pour qu'elle ait une valeur symbolique, il faut que cette "vot'action" dispose d'"une participation importante" et que ses conditions de déroulement "ne soient pas sujettes à des contestations", selon Pascal Lagoutte. Le référendum chez Air France a été réalisé par un vote électronique, permettant une large participation des salariés (80,33%). Surtout, "le vote a été organisé par la direction, de façon incontestable, en s'appuyant sur des processus qui existaient déjà dans l'entreprise", rappelle l'avocat spécialisé.

Pour la SNCF, les syndicats vont "essayer de faire ça de manière très normée" avec "des bulletins de vote", a indiqué Bruno Poncet, secrétaire fédéral de SUD-Rail, à l'AFP. "C'est ce qui va semer le doute sur le résultat de ce vote, selon Pascal Lagoutte. Il ne faut pas que cela ressemble à une assemblée générale dans un campus universitaire."

Les risques : élevés 

Les organisations syndicales représentatives tirent leur légitimité des élections professionnelles. "En soumettant leur légitimité à un vote populaire, elle s'affaiblissent", explique Pascal Lagoutte. Pour l'avocat, il existe également un risque de délégitimer cette action syndicale "si le vote est une mascarade, si on a 90% de soutien à leur motion avec une participation qui serait faible (...) évidemment le vote sera sujet à caution".

"La plupart du temps, un vote est organisé dans des conditions qui sont déterminées par les deux parties, c'est-à-dire la direction et les organisations syndicales", indique Pascal Lagoute, qui "doute qu'on parvienne à un tel accord".

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