Macron assure que la loi protégera la SNCF d'une privatisation, la gauche affirme le contraire : qui dit vrai ?
Le chef de l'Etat a affirmé dimanche soir que "l'incessibilité" des capitaux publics de la SNCF figurait dans le texte. Plusieurs responsables de gauche affirment le contraire. Franceinfo vous aide à y voir plus clair.
C'est un mot au cœur de la bataille du rail : "incessibilité". Un terme qui décrit ce "qui ne peut être cédé", selon la définition du Larousse. Dans le cas de la réforme de la SNCF, "l'incessibilité" des capitaux publics signifierait que l'Etat ne peut céder ses parts et que l'entreprise ne peut donc être privatisée. Un mot qui figurerait dans le projet de loi actuellement débattu à l'Assemblée nationale, à en croire Emmanuel Macron. Faux, répondent plusieurs de ses détracteurs, et notamment des élus de gauche qui affirment qu'un amendement déposé en ce sens à l'Assemblée a été rejeté. Alors qui dit vrai ? Franceinfo vous résume l'imbroglio.
Qu'a dit Emmanuel Macron ?
Sur BFMTV et Mediapart, dimanche 15 avril, Emmanuel Macron a redit que l'hypothèse d'une privatisation de la SNCF était exclue. "Je ne veux pas privatiser la SNCF, ça n'a aucun sens", a-t-il assuré.
Ce sera une entreprise publique, je le dis solennellement (...) 100% publique dans la loi.
Emmanuel Macronsur BFMTV et Mediapart
Dans sa réponse, le président de la République a même assuré que les titres de l'entreprise publique étaient... "incessibles", et ajouté que c'était écrit "dans la loi". "Pour donner toutes les garanties, parce que j'entends la crainte", a-t-il justifié, faisant référence aux rumeurs d'une privatisation de la SNCF dans les années à venir.
Que dit l'opposition ?
A gauche, plusieurs élus et responsables ont fait des bonds devant leur télévision. "Macron a multiplié les fake news : il a affirmé que les parts de l'Etat dans la SNCF seraient incessibles", s'est agacée sur Twitter Danielle Simonnet, porte-parole de La France insoumise (LFI).
La majorité LREM a rejeté un amendement qui visait à inscrire dans la loi ce caractère incessible
Danielle Simonnet, porte-parole de La France insoumisesur Twitter
"C'est faux !", s'étrangle également sa camarade Clémentine Autain. Contactée par franceinfo, la députée (LFI) de Seine-Saint-Denis affirme en effet que le terme "incessibles" ne figure "à aucun endroit" du projet de loi du gouvernement. Clémentine Autain a bien cherché : "On ne le retrouve ni dans l'exposé des motifs, ni dans le dispositif juridique du projet de loi initial du gouvernement, ni dans le dispositif du texte adopté par la commission développement durable."
Le 9 avril, son groupe politique à l'Assemblée nationale avait déposé un sous-amendement... qui demandait justement l'ajout de ce terme dans le texte. "Sauf qu'on nous l'a retoqué...", regrette, amère, l'élue "insoumise".
Alors ? Qui a raison ?
Nous avons vérifié : le mot "incessibilité" est uniquement évoqué dans l'étude d'impact, pas dans le projet de loi. Or, l'étude d'impact "n'a aucune valeur législative et juridique. Il s'agit simplement d'un rapport d'information sur les options envisagées", pointe Clémentine Autain.
Mais si le terme "incessibilité" ne figure pas noir sur blanc le texte, un amendement du gouvernement qui a été adopté prévoit bel et bien que "le capital de la société nationale SNCF est intégralement détenu par l'Etat". Interpellée sur ce point le 9 avril par les députés insoumis, la ministre des Transports avait alors affirmé que la formulation du gouvernement était "plus précise" que celle défendue par les députés de La France insoumise dans leur sous-amendement.
Quand on parle d'un capital intégralement détenu par l'Etat, cela me semble effectivement, par construction, incessible !
Elisabeth Borne, ministre des Transportsà l'Assemblée nationale
"Un capital 'intégralement détenu par l'Etat', c'est plus précis et plus fort que des 'titres détenus à 100% par l'Etat', ou 'incessibles', ce qui pourrait laisser place à une augmentation de capital", avait-elle encore argumenté.
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