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Grève du 5 décembre : pourquoi les grandes grèves de 1995 sont-elles évoquées ?

Le souvenir des grandes grèves de 1995 plane dans la mémoire collective à l'approche de la mobilisation annoncée du 5 décembre contre la réforme des retraites. 

Article rédigé par franceinfo - Emilie Gautreau
Radio France
Publié Mis à jour
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Manifestation contre le plan Juppé dans les rues de Paris le 12 décembre 1995.  (JOEL ROBINE / AFP)

Il y a 24 ans, pendant près d'un mois, des Français avaient manifesté et fait grève. A l'approche de la mobilisation du 5 décembre contre la réforme des retraites, le souvenir de ces grandes grèves de 1995 est régulièrement évoqué. Explications et rappel historique. 

Parce qu'il était déjà question de réforme des retraites en 1995 

En mai 1995, Jacques Chirac est élu président de la République après avoir fait campagne sur le thème de la "fracture sociale". Il nomme Alain Juppé Premier ministre. Cinq mois plus tard, le 26 octobre 1995, le chef de l'Etat annonce à la télévision des efforts à faire, "durant un ou deux ans", afin de "remettre de l'ordre dans les finances publiques" et de respecter les critères de convergence fixés par le traité de Maastricht. Le 15 novembre 1995, Alain Juppé présente, à l'Assemblée nationale, son plan de réforme de la Sécurité sociale et des retraites, dit plan Juppé, espérant "réussir ce qu’on n’a pas osé entreprendre depuis 30 ans". Les députés votent la confiance au gouvernement. Le lendemain, le journal Libération annonce le plan sous le titre : "Juppé l'audace".

Cette réforme d'ampleur prévoyait, entre autres, des mesures sur la gestion de l'assurance maladie et le contrôle des prescriptions, la mise en place d'une contribution au remboursement de la dette sociale, ainsi que l'allongement de 37,5 à 40 ans de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein, l'alignant sur celle des salariés du privé.

Parce que les syndicats de cheminots avaient, dès le départ, été très mobilisés

Une grève de 24 heures de salariés de la SNCF a lieu dès le 25 octobre 1995. Le 24 novembre, une nouvelle grève est votée pour 24 heures. Elle est reconduite sans discontinuer pendant trois semaines. La mobilisation fait suite à l'annonce du plan Juppé mais aussi au projet de contrat de plan négocié entre l'Etat et la SNCF, prévoyant notamment la suppression de certaines lignes.

"La SNCF ne se porte pas bien, a des dettes considérables, elle perd de l'argent chaque année et résiste mal à la concurrence d'autres modes de transport [...] il y a urgence à agir ", déclare notamment Alain Juppé le 5 décembre 1995. Quelques jours plus tard, le Premier ministre annonce la nomination d'un médiateur à la SNCF pour prendre le temps de la concertation, et suspend la commission de réforme des régimes spéciaux de retraite ainsi que la signature du contrat de plan de la SNCF.

Parce que la grève de 2019 débute en fin d'année, et pourrait durer 

Six grandes manifestations contre le plan Juppé ont eu lieu à partir de 24 novembre 1995. La première est organisée en réponse à l'appel de sept fédérations de fonctionnaires. S'y joignent des étudiants et lycéens. Une nouvelle manifestation est organisée trois jours plus tard. Les leaders de la CGT et de Force Ouvrière - Marc Blondel et Louis Viannet - défilent côte à côte. La CFDT de Nicole Notat soutient, elle, la réforme de la Sécurité sociale. Progressivement, la grève s'étend à la RATP, à EDF-GDF, à la Poste, à France Telecom, aux enseignants... 

Le 5 décembre, plusieurs syndicats appellent à une "puissante journée d'action nationale dans les secteurs publics et privés". Les manifestations culminent le 12 décembre, où selon les décomptes, un à deux millions de personnes manifestent dans plusieurs villes de France aux cris de "Tous ensemble". Durant plus de trois semaines, trains et métros sont paralysés. Dans toute la France, on s'organise et on s'entraide. Certains vont travailler à pieds. D'autres à vélo, à rollers ou font du co-voiturage. Le mouvement de grève est globalement bien perçu dans l'opinion publique. 

Aujourd'hui, les syndicats ne cachent pas leur volonté d'un mouvement dans la durée. Le préavis est reconductible et illimité. Les directions de la RATP et de la SNCF se projettent bien au-delà du 5 décembre. Les commerçants expriment déjà leur crainte de voir leur chiffre d'affaires plombé en cette période de fêtes. En 1995, le mouvement s'arrête le 15 décembre avec le retrait de la réforme des retraites. Celle de l'assurance maladie est maintenue. Le 21 décembre, à quelques jours de Noël, un sommet social est organisé à Matignon et entérine un compromis. Le 30 décembre, une loi est votée pour autoriser le gouvernement à faire passer la réforme de la Sécurité sociale par ordonnance.

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