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Conflit à la SNCF : les grévistes réclament-ils le paiement des jours de grève et une prime de reprise du travail ?

Depuis plus d'une semaine, la circulation des TGV est perturbée sur certains axes, en raison d'une grève au Technicentre de Châtillon, qui assure la maintenance des trains. La direction de la SNCF et les agents ne s'accordent pas sur les revendications des grévistes.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Les grévistes du Technicentre SNCF de Châtillon (Hauts-de-Seine) tiennent une conférence de presse, le 30 octobre 2019. (MAXPPP)

Le conflit dure depuis plus de dix jours et il ne semble pas être sur la voie de l'apaisement. Depuis le 21 octobre, le Technicentre de Châtillon (Hauts-de-Seine) est touché par une grève. Sur les quelque 700 personnes qui travaillent sur ce site stratégique de la SNCF, chargé de la maintenance des TGV Atlantique, environ 200 ont cessé le travail. Ce débrayage a de lourdes conséquences. Les trains ne passent plus les contrôles de sécurité et ne peuvent donc pas être mis en circulation. Et, faute de rames disponibles, le service est très perturbé entre Paris, la Bretagne, les Pays de la Loire et le Sud-Ouest. 

Dans le live de franceinfo, vous nous avez interrogés sur les revendications réelles des cheminots. Vous souhaitez notamment savoir s'il est exact qu'ils réclament le paiement de leurs jours de grève et le versement d'une prime de reprise du travail. Voici des éléments de réponse.

Un projet de la direction à l'origine du débrayage

Au Technicentre, les agents qui entretiennent et réparent les trains travaillent en équipes et font les trois-huit, sept jours sur sept. La grève a débuté lundi 21 octobre avec, pour point de départ, le projet de réorganisation présenté par leur direction. "Ils ont allumé la mèche en disant : 'Dans trois mois, on change tous vos roulements et on vous retire douze jours de repos'", dénonce un des agents grévistes, contacté par franceinfo et qui a requis l'anonymat par crainte de sanctions disciplinaires.

"Les roulements que la direction voulait imposer touchaient aussi les équipes de renfort et le dispositif de nuit. L'idée, c'était de pouvoir changer les roulements 48 heures à l'avance seulement. Les agents pouvaient se retrouver à devoir travailler de 6 heures à 14 heures au lieu de faire une journée de 8 heures à 16 heures, pointe le gréviste. Certains collègues sont parents avec des enfants en bas âge, d'autres divorcés... Comment peuvent-ils organiser leur vie personnelle avec ça ?" La grève est partie de la base, sans préavis, les agents ayant choisi de se passer de l'intermédiaire des syndicats.

Jours de grève payés et prime de reprise ?

Dès mardi 22 octobre, la direction a entièrement renoncé à son projet de réorganisation. Mais la grève n'a pas cessé pour autant. Contacté par franceinfo, la SNCF affirme que les grévistes ont désormais pour revendications le paiement de leurs jours de grève et le versement d'une prime de 3 000 euros en échange d'une reprise du travail.

La compagnie affirme qu'elle refuse de céder à ces deux exigences. Dès dimanche, la directrice des TGV Atlantique, Gwendoline Cazenave, a déclaré : "On est dans une situation de blocage parce que les agents nous demandent le paiement des jours de grève, ce qui est totalement impensable." Le président de la SNCF, Guillaume Pepy, l'a répété mercredi sur Europe 1 : "Il y a une revendication qu'il est impossible de satisfaire : c'est le paiement des jours de grève. Il n'est pas légitime de payer les jours de grève, chacun le sait." 

>> Pourquoi le climat est devenu aussi explosif au sein de la SNCF

La direction est soutenue par l'exécutif. Le secrétaire d'Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a exclu tout paiement d'une prime et des jours de grève. Il l'a affirmé mardi lors de la séance des questions à l'Assemblée nationale et l'a répété jeudi sur France Inter. Le Code du travail est d'ailleurs formel : pour les fonctionnaires et les employés des entreprises opérant un service public, comme la SNCF, toute "absence de service", consécutive à une "cessation concertée du travail""entraîne pour chaque journée une retenue du traitement ou du salaire".

Des revendications clarifiées par les grévistes

Le gréviste interrogé par franceinfo affirme que ses camarades n'ont jamais formulé de telles exigences. "C'est complètement faux", assure-t-il, ne faisant pas mystère de la défiance de ses collègues à l'égard des journalistes. En effet, deux articles du Parisien et de Libération rapportaient bien, témoignages à l'appui, qu'une partie des grévistes avaient demandé le paiement des jours de grève. Aucun syndicat n'encadrant le mouvement, il est difficile d'identifier un interlocuteur représentant l'ensemble des grévistes.

Dimanche 27 octobre, afin d'expliquer leur action, les agents ont rédigé un premier communiqué, consultable notamment sur la page internet de la cagnotte lancée pour les soutenir. Il n'y est fait aucune mention de ces deux revendications évoquées par la direction. "Nous demandons d'exercer notre métier avec respect et dignité", écrivent les agents, qui disent en avoir "marre des réorganisations, des bas salaires, des suppressions d’emplois et des sous-effectifs" et réclament "l'amélioration de [leurs] conditions de travail".

L'entrée du Technicentre SNCF de Châtillon (Hauts-de-Seine), le 28 octobre 2019. (MAXPPP)

Mercredi 30 octobre, un nouveau communiqué des grévistes a été lu à la presse, afin de répondre aux affirmations de la direction aux sujets de leurs revendications. Quelques heures plus tôt, une cinquantaine d'agents s'étaient présentés devant le siège de la SNCF à Saint-Denis, demandant à être reçus par leur direction. Sans succès. 

Selon ce communiqué, les grévistes demandent que leurs jours de grève ne soient plus considérés comme des absences irrégulières par leur direction – ce qui les exposent à des sanctions disciplinaires –, mais ils n'en exigent pas le paiement. Ils réclament bien, en revanche, "une prime exceptionnelle au titre de la revalorisation de [leurs] conditions de salaire, de la charge de travail qui a augmenté, du sous-effectif et des chiffres de production".

Mais cette prime n'est pas présentée comme un bonus financier pour la reprise du travail. Les grévistes veulent en outre "une amélioration financière des astreintes et des dépannages en province". Ils n'avancent toutefois aucun montant. Enfin, ils dénoncent une direction "jusqu'au-boutiste" qui refuse le dialogue, ne leur fait "aucune contre-proposition" et "préfère jouer le pourrissement".

Le gréviste contacté par franceinfo parle d'un "climat délétère depuis plusieurs mois" au sein du Technicentre, voire de l'entreprise. "C'est un ras-le-bol général. On est des petites mains. Je gagne 1 700 euros après douze ans de boîte. Et les salaires sont gelés. On a davantage de départs que d'embauches, on n'a pas de reconnaissance de l'entreprise, on veut que ça cesse. Alors là, ça pète en atelier."

Jeudi 31 octobre, deux autres sites de maintenance des TGV situés en banlieue parisienne ont été touchés par des débrayages, selon Sud Rail : le Technicentre du Landy, en Seine-Saint-Denis, qui s'occupe de la maintenance des TGV de l'axe Nord, de l'Eurostar et du Thalys, et le Technicentre sud-est européen (TSEE), situé dans le Val-de-Marne, qui répare et entretient les TGV de l'axe sud-est.

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