"Gilets jaunes" : quatre questions sur l'enquête réclamée par l'ONU sur l'"usage excessif de la force" lors des manifestations
Le cas de la France a été cité par l'ONU, tout comme les répressions violentes des manifestations qui se sont produites récemment au Soudan, au Zimbabwe et en Haïti.
La gestion par les forces de l'ordre des manifestations des "gilets jaunes" a été suivie de près à l'étranger. La Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU a réclamé, mercredi 6 mars, à la France une "enquête approfondie" sur les violences policières qui émaillent cette crise démarrée à la mi-novembre. Franceinfo fait le point sur ce rappel à l'ordre.
Qui est à l'origine de cette demande ?
Dans un discours prononcé mercredi devant le Conseil des droits de l'homme à Genève, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU Michelle Bachelet, ancienne présidente du Chili, a encouragé "le gouvernement [français] à poursuivre le dialogue" et a demandé "urgemment une enquête approfondie sur tous les cas rapportés d'usage excessif de la force".
Michèle Bachelet a estimé que les "gilets jaunes" manifestaient contre "ce qu'ils considèrent comme [leur] exclusion des droits économiques et de [leur] participation aux affaires publiques". Elle a rappelé que "les inégalités touchent tous les pays" et que "même dans des Etats prospères, des gens se sentent exclus des bénéfices du développement et privés de droits économiques et sociaux".
La France a été le seul pays prospère cité dans son discours. La Haut-Commissaire aux droits de l'homme a dans le même temps dénoncé les répressions violentes des manifestations qui se sont produites récemment au Soudan, au Zimbabwe et en Haïti.
Dans quel contexte intervient-elle ?
Les violences policières au cours des manifestations sont dénoncées par les "gilets jaunes" mais aussi par de nombreux défenseurs des droits de l'homme ainsi que des représentants de l'opposition. La polémique a enflé, début janvier, après la grave blessure à l'œil à Paris de Jérôme Rodrigues, l'une des figures du mouvement. Les médecins lui ont diagnostiqué la perte de l'usage de l'œil droit. Selon le collectif militant "Désarmons-les", 20 personnes ont été gravement blessées à l'œil depuis le début du mouvement.
Plusieurs actions ont été intentées par des syndicats et des associations pour obtenir la suspension de l'utilisation du lanceur de balles de défense (LBD). En vain. Le Conseil d'Etat a en effet rejeté le 1er février les demandes de la CGT et de la Ligue des droits de l'homme (LDH), estimant que le risque de violences lors des manifestations de "gilets jaunes" rendait "nécessaire de permettre aux forces de l'ordre de recourir à ces armes".
Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a lui aussi réclamé dès janvier la suspension de l'usage des lanceurs de balles de défense en raison de leur "dangerosité". Le Conseil de l'Europe avait également appelé le 26 février à "suspendre l'usage du LBD dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre", afin de "mieux respecter les droits de l'homme".
A Paris, le Sénat débat, jeudi 7 mars, d'une proposition de loi destiné à interdire l'utilisation des lanceurs de balles de défense par les forces de l'ordre. Le texte, qui émane du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), a quasiment aucune chance d'être adopté.
Quelles peuvent être les conséquences ?
L'ONU ne met pas en place une enquête. Il s'agit d'une demande, qui est en réalité symbolique. Michelle Bachelet ne demande pas un dispositif international mais simplement aux autorités françaises de faire la lumière sur les cas de violences policières supposées, rappelle Le Journal du dimanche.
Néanmoins cette requête s'ajoute à une longue liste d'interpellations. "La demande de la Haut Commissaire vient relayer une demande qui a déjà été faite par plusieurs rapporteurs spéciaux à la France d'enquêtes approfondies sur les violences policières. (...) Cette persistance d'interrogations de la part de la communauté internationale devrait faire réfléchir la France", estime ainsi Michel Forst, un des rapporteurs spéciaux de l'ONU.
Comment réagit le gouvernement ?
Paris a sèchement répondu à cette demande de l'ONU. "Il faudra expliquer à Madame le Haut-Commissaire l'ensemble des faits d'extrême violence" notamment contre "les forces de l'ordre" ou les "biens publics", a ainsi répliqué sur BFMTV le Premier ministre Edouard Philippe, rappelant qu'"en France, on a un Etat de droit". "On n'a pas attendu le Haut-Commissaire pour faire la lumière sur l'ensemble des faits dès lors qu'il y a des plaintes", a-t-il ajouté.
Gilets jaunes: Edouard Philippe affirme que "nous n'avons pas attendu la haut-commissaire de l'ONU pour faire la lumière sur les faits" pic.twitter.com/pwYX64Wmxn
— BFMTV (@BFMTV) 6 mars 2019
Au total, "111 enquêtes [ont été] ouvertes" par l'Inspection générale de la police (IGPN) pour "9 228 cas d'utilisation du LBD", selon un bilan provisoire daté du 30 janvier et cité par la représentante du ministère de l'Intérieur, lors d'une audience au Conseil d'Etat.
Par ailleurs, l'éxécutif n'a pas apprécié que la France soit citée au même titre que d'autres pays en proie à des violences. "Il faut, je le dis, s'étonner tout de même de se retrouver, cité dans une liste entre le Venezuela et Haïti, où il y a eu des morts", a déclaré Benjamin Griveaux lors du compte-rendu du Conseil des ministres. "Est-ce bien raisonnable ?" s'est pour sa part demandé le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, sur Twitter.
La France citée par Michelle Bachelet entre Haïti (41 morts) et le Venezuela (où N. Maduro refuse l'aide humanitaire à son peuple), est-ce bien raisonnable ?
— Christophe Castaner (@CCastaner) 6 mars 2019
Les Français s'expriment chaque jour dans le #GrandDébat.
Les suspicions de violences policières font l'objet d'enquêtes.
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