Pourquoi le report de la date des soldes ne fait pas l'unanimité chez les commerçants
Le gouvernement a annoncé jeudi le report des soldes au 30 juin, au lieu du 23 juin. Alors que la grande distribution souhaitait maintenir la date initiale, de nombreux commerces indépendants plaidaient pour que le début de la période promotionnelle soit décalé au 15 juillet.
Alors que les magasins voient de nouveau affluer les clients dans leurs rayons après leur réouverture, les commerçants ont appris, jeudi 27 mai, que la date des soldes, initialement prévue le 23 juin, serait repoussée au 30 juin, jour de la dernière étape du déconfinement. L'annonce faite par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, au micro de France Inter, n'a pas fait l'unanimité auprès des associations de commerçants. Parmi eux, certains indépendants plaidaient pour que le début de la période promotionnelle soit décalé au 15 juillet, tandis que les grandes surfaces demandaient le maintien de la date initiale.
Stocks accumulés, manque de trésorerie… Voici pourquoi cette date du 30 juin ne fait pas l'unanimité chez les commerçants.
Parce que ce report "ne permet pas de profiter du rebond"
Au moment où la consommation des ménages croît avec la réouverture des commerces, Bruno Le Maire a estimé que ne pas trop décaler les soldes permettrait de "profiter justement de ce rebond de la consommation des Français".
.@BrunoLeMaire : "Je propose que les #soldes soient décalées au 30 juin" #le79inter pic.twitter.com/OcAuWNYYOq
— France Inter (@franceinter) May 27, 2021
Car pendant la crise et les restrictions sanitaires qu'elle a entraînées, les Français ont mécaniquement moins dépensé et donc accumulé de l'épargne. En France, ce bas de laine s'élève à 160 milliards d'euros, soit environ 7% du PIB, estime l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). La dépense de cet argent permettrait de contribuer au rebond économique et au rattrapage de l'activité.
Ajoutant qu'"il ne faut pas décaler exagérément", le ministre a relevé que le décalage des soldes d'été l'an dernier n'avait pas été une bonne chose pour tous les commerçants.
Que ce soit les grandes surfaces ou les commerces indépendants, tous veulent profiter de la dynamique du déconfinement et du regain de consommation qu'évoque Bruno Le Maire. Mais, pour les premières, il était primordial que les soldes commencent à la date prévue pour soutenir cet élan.
Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, la fédération pour la promotion du commerce spécialisé, était de cet avis. Il explique que pendant la crise et les trois mois et demi de fermeture, les stocks des commerces adhérents n'ont cessé de s'accumuler. "Il faut absolument les écouler, on observe que les Français ont répondu à l'ouverture des magasins, le redémarrage a été bon et il y a une vraie dynamique, il ne faut absolument pas la casser, insiste-t-il auprès de franceinfo. Retarder la date de réouverture ne permet pas de profiter du rebond de la consommation comme le dit Bruno Le Maire."
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Parce que les boutiques ont besoin de trésorerie
Selon la Fédération du commerce coopératif et associé, qui couvre une trentaine de secteurs, la vente en ligne a connu ses limites pendant la fermeture des boutiques et un besoin cruel de liquidités se fait sentir aujourd'hui chez les commerçants. "Notre priorité est de retrouver de la trésorerie et pouvoir enfin nous reconstituer de la marge", explique à franceinfo Alexandra Bouthelier, déléguée générale de la fédération.
La commerçante peine à comprendre la décision du gouvernement de trancher pour un report, d'autant qu'elle observe déjà des promotions dans les magasins : "Les boutiques n'ont pas le choix, il faut écouler les stocks de l'hiver."
Selon la représentante, la décision du gouvernement vient compromettre l'événement majeur que sont les soldes. "Les soldes sont une fête, un rendez-vous national, avec une couverture médiatique. Aujourd'hui, tout est déstructuré. Si on voulait faire mourir les soldes, on ne s'y prendrait pas autrement", estime-t-elle.
Alexandra Bouthelier ajoute que certaines aides annoncées par le gouvernement "n'arriveront pas avant cet été" et qu'il est important pour le commerce de faire tourner les boutiques, y compris le dimanche, pour tenter de retrouver du chiffre d'affaires et si possible des marges.
Parce que les petits commerces veulent écouler la marchandise "au juste prix"
Après l'annonce de Bruno Le Maire, la Confédération des commerçants de France (CDF) s'est dite "déçue de n'avoir pas été suffisamment entendue" et s'inquiète des conséquences sur un plan économique. Les Commerçants artisans des métropoles de France (CAMF) et la CDF s'étaient unis, le 17 mai, pour demander un report de la date des soldes. Dans un communiqué, ils plaidaient pour un décalage de trois semaines avec un démarrage fixé au 15 juillet.
Pour justifier leur demande, ces organisations avaient invoqué des stocks au plus haut qu'il était "vital" de pouvoir vendre au "juste prix", afin de "réaliser une marge bénéficiaire pour assumer leurs échéances et leurs charges".
"Il n'est pas juste d'invoquer le soi-disant échec des soldes d'été de l'année passée : cela ne reflète pas les résultats de la grande majorité des indépendants, pour qui ces soldes s'étaient avérés être un grand succès globalement, juge la CDF dans une note sur son site. Cet argument d'échec a été principalement porté par les grands groupes de la distribution, les enseignes, qui s'inscrivent dans un autre modèle économique, avec des stocks et des coefficients multiplicateurs qui leur permettent des rabais importants."
Le président de la CDF, Francis Palombi, ajoute que l'argument de la situation particulière des commerçants à Paris, soulignée par le ministre de l'Economie, ne représente pas la situation nationale.
Parce que certains commerçants voulaient éviter que les soldes ne se heurtent aux vacances
A l'inverse, pour Procos, la date choisie n'est pas idéale, mais elle est un "bon compromis", bien que la fédération ait été fermement opposée à tout report. "On voulait absolument éviter de reporter la date des soldes, car on sait qu'après le 14 juillet, de nombreux Français partent en vacances et désertent les commerces des grandes villes. Cela aurait pu être désastreux pour nos commerçants", précise Emmanuel Le Roch.
Ce dernier observe au sein de Procos que les établissements d'équipement de la personne ont été très fortement touchés par la fermeture, alors que le secteur de l'équipement de la maison s'en sort beaucoup mieux. "On espère bien voir un rattrapage, poursuit-il. C'est bien de voir que les gens ont besoin de se faire plaisir."
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