Santé, prix... ce que la vente de médicaments en grandes surfaces changerait
L'Autorité de la concurrence s'est montrée favorable à une libéralisation du marché. Mais le gouvernement se refuse à briser le monopole des pharmaciens. Francetv info passe en revue les arguments des deux camps.
Un avis qui sème le trouble. L'Autorité de la concurrence s'est prononcée, jeudi 19 décembre, en faveur de la fin du monopole des pharmaciens sur la vente des médicaments délivrés sans ordonnance et non remboursés. Ils pourraient ainsi être vendus en grande surface. Depuis, le débat fait rage. Le gouvernement et les pharmaciens sont aussitôt montés au créneau pour s'opposer à cette libéralisation.
Francetv info passe en revue les arguments des deux camps dans trois domaines qui seraient touchés.
Les prix
L'argument des "pour". Avec la libéralisation des ventes, l'UFC-Que Choisir table sur "une baisse des dépenses d'automédication des Français de plus de 16%, soit une économie de 270 millions d'euros pour les patients".
L'Autorité de la concurrence relève, de son côté, de "très forts écarts de prix" entre les officines, allant de 1 à 4 pour le même médicament. La plupart du temps, le malade n'a aucune marge de manœuvre face à ces disparités, car "il découvre les prix une fois au comptoir", relève Bruno Lasserre, son président. L'instance propose de s'inspirer du voisin italien, où les supermarchés ont le droit de vendre certains médicaments sans ordonnance depuis 2006. Résultat : leur prix a dégringolé de 25% en moyenne.
L'argument des "contre". La présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, Isabelle Adenot, rappelle dans Le Parisien que "le prix des médicaments en vente libre restent 46% plus élevés en Italie qu'en France". Elle cite l'exemple du Nurofen (boîte de 12) qui "coûte en moyenne 7,61 euros en Italie... contre 3,94 euros en France".
La concurrence
L'argument des "pour". La grande distribution, qui lorgne sur le marché très lucratif de l'automédication, évalué à environ 2 milliards d'euros par an, se réjouit des recommandations de l'Autorité de la concurrence. Celles-ci interviennent au moment où le projet de loi Hamon sur la consommation (qui autorise la vente des tests de grossesse et des produits pour lentilles en dehors des pharmacies) semble s'attaquer au monopole des officines.
Et ce, sans pour autant les mettre en danger, selon l'Autorité, qui estime que la fin de leur monopole devrait avoir un effet limité sur leurs marges, évalué entre 3,7 et 5%. Pas de quoi "remettre en cause la rentabilité des pharmacies", assure Bruno Lasserre.
L'argument des "contre". "L'économie de la pharmacie se fragilise, deux pharmacies sur trois ont des problèmes de trésorerie et une pharmacie ferme tous les 3 jours", proteste Isabelle Adenot. La profession craint l'apparition de déserts pharmaceutiques dans certaines zones où la pharmacie reste l'un des derniers commerces de proximité.
Dans Le Figaro, Isabelle Adenot explique que c'est ce qui s'est passé, selon elle, au Royaume-Uni, qui "a mis en place une organisation unique dans le monde : 6 000 médecins exerçant dans des régions dépourvues d'officines remplissent également le rôle de pharmaciens. Cela pose des problèmes évidents de conflits d'intérêts".
La santé
L'argument des "pour". L'Autorité de la concurrence prévient : la vente hors officine devrait rester très encadrée, effectuée sous le contrôle d'un diplômé en pharmacie, dans des "espaces dédiés et délimités, avec un encaissement distinct". Le nombre de produits en rayons serait également restreint. Il se limiterait aux médicaments d'automédication.
"Et qu'on ne me sorte pas l'argument arguant qu'on a un meilleur conseil en pharmacie, s'insurge Alain Bazot, de l'UFC-Que Choisir. Notre enquête a montré que dans 50% des cas, les officines spécialisées n'étaient pas capables de signaler aux patients les contre-indications à acheter, et donc potentiellement consommer en même temps aspirine et ibuprofène !"
L'argument des "contre". L'Autorité raisonne en termes "purement économiques, sans faire de véritable analyse des enjeux de santé publique", déplore Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, syndicat majoritaire chez les pharmaciens.
Là encore, la Grande-Bretagne est prise comme contre-exemple. Comme le signale Le Parisien, malgré la présence de pharmaciens dans les rayons des grandes surfaces (qui sont autorisées à vendre des médicaments sur ordonnance), on relève "entre 200 et 300 morts par overdose médicamenteuse, notamment de paracétamol et en particulier chez les jeunes". Et selon le quotidien, "un tiers des 18-24 ans admettent une forme de dépendance et prennent tous les jours des médicaments en vente libre, notamment ceux à base de codéïne".
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