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Vrai ou faux Réforme des retraites : participer à une manifestation non déclarée est-il "un délit", comme l'affirme Gérald Darmanin ?

"Etre dans une manifestation non déclarée c'est un délit, qui mérite une interpellation", a assuré le ministre de l'Intérieur, mardi. C'est inexact.
Article rédigé par franceinfo
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Une manifestation spontanée à Nantes, après l'adoption de la réforme des retraites, le 22 mars 2023. (LOIC VENANCE / AFP)

La tension sociale ne retombe pas. Après le rejet, à neuf voix près, d'une motion de censure contre le gouvernement, la réforme des retraites a été adoptée, lundi, en début de soirée. Pourtant, les manifestations spontanées qui ont lieu depuis l'annonce du recours au 49.3 se poursuivent chaque soir, à Paris et dans plusieurs villes de France.

Ces rassemblements, non déclarés auprès de la préfecture ou en mairie, ont été marqués par des tensions avec les forces de l'ordre. Ils ont abouti à des centaines d'interpellations, tandis que plusieurs participants ont dénoncé des violences policières. "Etre dans une manifestation non déclarée, c'est un délit, qui mérite une interpellation", a justifié le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, mardi 21 mars, interrogé par BFMTV. Dit-il vrai ou "fake" ? Franceinfo fait le point sur ce qui est légal, et ce qui ne l'est pas.

"On a le droit de se rassembler de manière spontanée"

En France, le droit de manifester est garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ce droit peut s'exercer dans deux cas : soit la manifestation a été déclarée par ses organisateurs en préfecture ou en mairie et n'a pas été interdite. Soit elle n'a pas été déclarée et c'est alors ce qu'on appelle une manifestation spontanée.

Or, contrairement à ce que dit Gérald Darmanin, la Cour de cassation a entériné en juillet 2021 le droit de manifester, y compris dans ce type de rassemblement. Rejoindre une manifestation improvisée n'est donc pas un délit, c'est-à-dire une infraction de gravité moyenne, entre la contravention et le crime. "En France, on a le droit de se rassembler de manière spontanée, y compris pour protester contre une décision publique : le fait de se rassembler n'autorise pas la police à disperser la foule", confirme à franceinfo Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des questions de police et de sécurité.

En revanche, les personnes qui participent à une manifestation explicitement interdite s'exposent à une contravention de quatrième classe, de 750 euros maximum, selon l'article R644-4 du Code pénal. Parallèlement, les organisateurs qui ne déclarent pas leur manifestation aux autorités, ou qui la maintiennent malgré son interdiction, risquent une condamnation à six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende, selon l'article 431-9 du Code pénal. Reste qu'en l'absence de déclaration, comme c'est le cas dans les manifestations spontanées, le ou les organisateurs sont difficiles à identifier.

Participer à un "attroupement" peut être sanctionné

Cela ne veut pas dire qu'un participant à une manifestation non déclarée ne peut pas être l'auteur d'un délit. "Tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public" peut constituer "un attroupement", dispose l'article 431-3 du Code pénal. D'après les modalités prévues par l'article L. 211-9 du Code de la sécurité intérieure, un "attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser restées sans effet", à certaines conditions. Un manifestant qui participe à un "attroupement" et ne respecte pas la consigne de dispersion se rend alors coupable d'un délit punissable d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende, selon l'article 431-4 du Code pénal. Il existe une marge d'interprétation sur ce qui constitue, ou non, une raison légitime pour ordonner la dispersion, relève Sébastien Roché, qui pointe "une difficulté sur le cadre légal de la dispersion".

D'autres délits sont aussi susceptibles d'être commis en manifestation, qu'elle soit ou non déclarée, comme la "participation à un groupement en vue de commettre des violences", ou l'"outrage" à un policier. De la même manière, le fait que ces délits soient ou non constitués est sujet à interprétation, ce qui permet "malheureusement trop facilement d'arrêter des gens de manière abusive", dénonce Fanny Gallois, responsable du programme Libertés d'Amnesty International France, citée par L'Union.

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