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Réforme des retraites : sept questions pour comprendre le débat sur les pensions de réversion

Le gouvernement entend remettre à plat ce système qui permet à un veuf ou à une veuve de percevoir une partie de la retraite de son conjoint défunt. Les syndicats craignent un nivellement par le bas.

Article rédigé par franceinfo
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Des manifestants défilent pour protester contre la réforme des retraites à Paris, le 14 juin 2018.  (THOMAS SAMSON / AFP)

La question, explosive, a émergé début juin. Dans un document destiné aux partenaires sociaux, le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, chargé d'une grande concertation en vue de la réforme des retraites, s'interrogeait : "Doit-on maintenir des pensions de réversion (...), avec quels objectifs et sur quels critères ?"

Depuis, l'exécutif tente d'éteindre l'incendie et de rassurer les principales bénéficiaires de ce système : les veuves, qui perçoivent une partie de la retraite de leur défunt mari. Les principales associations de retraités craignent malgré tout un nivellement par le bas du dispositif, créé pour réduire les inégalités entre hommes et femmes. Voici sept questions pour vous aider à mieux comprendre la polémique.

Qu’est-ce qu’une pension de réversion ?

C'est un dispositif qui permet au conjoint d'une personne décédée de toucher à vie une partie de la pension de son défunt partenaire. A l'origine, la pension de réversion a été créée pour les veuves des agents de la fonction publique. Puis elle a été étendue au secteur privé en 1945 et aux hommes veufs. Jusqu'en 1975, ce système était réservé aux personnes qui ne percevaient aucune retraite. A compter de cette date, les bénéficiaires ont pu cumuler une pension de réversion avec une retraite personnelle.

Combien de personnes en bénéficient ?

Les pensions de réversion ont bénéficié, en 2016, à 4,4 millions de personnes, sur plus de 17 millions de retraités en France, soit un quart d'entre eux. Les femmes représentent 89% des bénéficiaires. Souvent plus jeunes que leur mari et avec une espérance de vie supérieure, elles sont plus nombreuses à être veuves (11,2%, contre 2,8% pour les hommes en 2017). Pour 1,1 million d'entre elles, la pension de réversion constitue l'unique pension de retraite.

Quel est le montant moyen d’une pension de réversion ?

Selon les dernières données disponibles datant de 2012, compilées par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), le montant moyen de ces prestations est de 304 euros pour les hommes et de 642 euros pour les femmes. La pension de réversion ne peut pas être inférieure à 286,14 euros par mois et supérieure à 893,97 euros par mois.

Carrières plus courtes que les hommes ou interrompues, écarts salariaux, temps partiel… Les inégalités de la vie professionnelle subsistent à la retraite. Les retraites dites "de droit direct" des femmes "restent inférieures de 40% à celles des hommes", selon le Haut commissariat à la réforme des retraites. La réversion permet alors de "compenser" cet écart, le réduisant à 25%.

Malgré tout, les retraités ne sont pas tous logés à la même enseigne. Le montant de la réversion, par exemple, va de 50% de la pension du défunt pour les fonctionnaires à 54% pour la retraite de base des salariés du privé, des agriculteurs ou des artisans, ou 60% pour la plupart des régimes complémentaires.

Quelles en sont les conditions d’attribution ?

Le mariage. La première condition est d'être marié. Cette pension n'est pas ouverte aux personnes pacsées ou en concubinage. Dans la fonction publique, des contraintes supplémentaires ont été ajoutées : il faut avoir été marié au moins quatre ans, ou deux ans avant le départ en retraite du défunt, ou avoir eu des enfants. En cas de remariage, les droits ne sont pas les mêmes selon les régimes. La pension de réversion peut être maintenue, s'interrompre (jusqu'à un éventuel divorce), ou bien être complètement supprimée.

L’âge. Dans le privé (régime général, agricole, indépendants et professions libérales), il faut être âgé d'au moins 55 ans (ou 51 ans si le cotisant est mort avant 2009) pour percevoir la pension de réversion. Dans la fonction publique, il n'y a pas de conditions d’âge. Pour les complémentaires, il faut attendre 60 ans si l'on cotise à l'Agirc, à moins d'être invalide ou d'avoir deux enfants de moins de 21 ans ou invalides à charge au moment du décès. 

Les ressources. Dans le régime général, il ne faut pas dépasser un plafond de ressources de 20 550 euros annuels pour en bénéficier. En revanche, il n'y a pas de conditions de ressources pour les retraites complémentaires ou pour les fonctionnaires.

Que pèsent les pensions de réversion dans le budget de l’Etat ?

Elles représentent 11% des dépenses de retraite, soit une somme de 36 milliards d'euros environ (1,5% du PIB).

Que veut faire le gouvernement ?

Ce n'est pas encore très clair. La réforme des retraites, annoncée pour 2019, prévoit une uniformisation des 42 régimes différents existants ainsi que la mise en place d'un système par points. Elle vise également à gagner en lisibilité pour que le régime soit "plus juste et universel". "Actuellement, les règles en matière de réversion sont particulièrement complexes et surtout extrêmement différentes d'un régime à l'autre. C'est ce qui donne lieu à de nombreuses inégalités", a indiqué la ministre de la Solidarité et de la Santé, Agnès Buzyn, lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.

L'idée est donc de lisser le système. Quitte à "baisser" ou "augmenter" le montant de certaines pensions de réversion, comme l'a indiqué Christophe Castaner, le secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement, jeudi 28 juin sur LCI. Emmanuel Macron avait pourtant assuré sur Twitter, mardi, que "les futurs retraités [bénéficieraient] des mêmes prestations pour chaque euro cotisé". Le président a par ailleurs précisé qu'aucun bénéficiaire actuel ne verra "sa pension de réversion diminuer, ne serait-ce que d'un centime".

Que craignent les syndicats ?

Ils redoutent une harmonisation "par le bas" qui ferait "beaucoup de perdantes", avec, par exemple, un nivellement à 50% ou à 54% de la pension, qui désavantagerait les bénéficiaires du régime Agirc-Arrco qui en perçoivent actuellement 60%, comme l'explique Le Monde"Le risque majeur, c'est la mise sous conditions de ressources. Seuls les conjoints qui n'auront pratiquement pas eu d'activité auront droit à quelque chose" et "on exclura discrètement toute une partie de la population", craint Philippe Pihet, secrétaire confédéral de Force ouvrière.

Au contraire, les principales associations de retraités plaident pour une harmonisation par le haut. "L'essentiel des charges supportées par le conjoint survivant resteront quasiment les mêmes (loyer, entretien des biens, véhicule...), expliquent-ils dans une tribune publiée sur franceinfoPermettre aux veuves et veufs de vivre dignement leur retraite serait une marque de respect envers les plus âgés."

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