Réforme des retraites : "Il y a des interrogations qui se posent sur le véhicule législatif emprunté" par le gouvernement, estime un constitutionnaliste
"Il y a des interrogations qui se posent sur le véhicule législatif emprunté" par le gouvernement pour faire adopter sa réforme des retraites, a estimé dimanche 19 mars sur franceinfo le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier.
>> DIRECT. Retrouvez ici les dernières informations sur la réforme des retraites
L'opposition de gauche espère que le texte sera déclaré anticonstitutionnel par le Conseil constitutionnel, faisant référence au choix du gouvernement de faire passer cette réforme dans un texte budgétaire et à la limitation des débats à l'Assemblée nationale.
franceinfo : Faire passer cette réforme dans un texte budgétaire afin de pouvoir utiliser l'article 47.1 qui a limité les débats à l'Assemblée nationale, est-ce dans les clous constitutionnellement ?
Il y a des interrogations qui se posent et le Conseil constitutionnel va devoir les apprécier. Il est vrai que c'est la première fois qu'on fait passer une réforme d'une telle ampleur par la voie d'un texte financier et avec un certain nombre de leviers permettant de contraindre le parlement. Il n'en demeure pas moins que certaines dispositions du texte portent bien sur l'exercice budgétaire de la Sécurité sociale de 2023. Le Conseil constitutionnel aura donc à apprécier s'il faut censurer partiellement, totalement, ou si par un certain nombre d'interprétations, le texte est dans les clous constitutionnels.
Il faudra donc savoir si le gouvernement a contourné, au moins en partie, les règles ?
Si l'on prend de manière isolée les différents leviers que le gouvernement a utilisé, il y a le 47.1, évidemment le 49.3, mais il y en a d'autres sur la recevabilité des amendements. Chacun pris isolément ne viole pas la Constitution, mais l'accumulation peut porter une atteinte à ce qu'on appelle la sincérité du débat parlementaire. Le Conseil constitutionnel considère que cette sincérité doit être respectée et il appréciera donc si ce cumul conduit à l'altérer de façon telle à ce que ce texte doit être déclaré contraire à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel doit-il juger l'intention ou la bonne foi de l'utilisation de ces leviers ?
Le Conseil essaye de ne pas s'immiscer dans cette voie-là et de rester sur le terrain du droit. Cependant, le droit est sujet à des interprétations. Le Conseil constitutionnel prendra nécessairement en compte le véhicule législatif qui a été emprunté, à savoir cet article 47.1 pour une réforme exceptionnelle. Lorsque cet article 47.1 a été inscrit dans la Constitution, il n'a pas été pensé et prévu pour faire passer ainsi, rapidement, une réforme aussi importante.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.