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Réforme des retraites : cinq questions sur les simulateurs censés calculer les pensions

Des sites internet proposent d'estimer le montant de votre retraite après la réforme. Que valent ces simulations ? 

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une agence retraite dans la ville du Crès (Hérault), le 22 mars 2019.  (PASCAL GUYOT / AFP)

Ils se sont multipliés avec les débats sur la réforme des retraites. Des sites internet proposent des simulateurs pour évaluer la future pension des internautes, d'autres comparent les pensions actuelles et celles qui seraient versées avec le système unique à points. 

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Que valent ces algorithmes ? Auxquels se fier ? Pourquoi sont-ils critiqués ? Réponses à ces différentes questions.

1Qu'est-ce qu'un simulateur de retraite ?

Il s'agit d'une calculatrice, qui estime le montant de votre future pension à partir des renseignements fournis : date de naissance, nombre de trimestres cotisés, revenus, situation familiale. L'outil évalue également l’âge auquel vous pourrez prendre votre retraite à taux plein.

2Depuis quand ces simulateurs existent-ils ?

Depuis longtemps. Fort de vos bulletins de paie, qui lui sont transmis, le site officiel info-retraite, géré par les organismes de retraite, est le plus à même d'établir une simulation crédible. Il explique ci-dessous que, dans le système actuel, le montant de la retraite de base représente 50% de la moyenne de vos 25 meilleurs revenus annuels.

Par ailleurs, les banques et les assurances ont mis en place des simulateurs depuis des années. Les questions sont toujours les mêmes : âge, ancienneté professionnelle, salaire. Apparaît alors le montant supposé de votre future pension et, souvent en rouge, "la perte de revenus mensuelle" que vous subirez par rapport à vos actuels revenus.

3Que valent-ils ?

La Caisse nationale d'assurance vieillesse elle-même s'entoure de précautions. Son estimation de pension à taux plein, précise-t-elle, ne vaut que si le futur retraité a réuni le nombre de trimestres nécessaires (par exemple 167 trimestres pour les natifs de 1960). Et elle est délivrée "en l'état de la réglementation" actuelle.

Concernant les simulateurs des banques et assurances, ils sont avant tout publicitaires. Ces simulations sont d'ailleurs "non contractuelles", comme précisé en italique. L'idée est de pousser la cible visée, les cadres et les professions libérales, à se constituer une retraite par capitalisation. Alors, ces outils sont-ils fiables ? Non, puisqu'ils ne disposent pas de l'ensemble de votre relevé de carrière, et se fondent donc sur des données imprécises. D'ailleurs, L'Express mettait déjà en garde contre ces calculateurs intéressés… en 2010.

4D'autres simulateurs ont-ils vu le jour avec le projet de réforme des retraites ?

Oui. A des fins cette fois militantes, plusieurs syndicats proposent des simulateurs pour comparer les pensions avant et après la future réforme.  A partir de l'année de naissance et du montant du salaire, année par année, la CGT propose une estimation de la retraite avec le système à points. Le calcul est simple : votre salaire permet d'évaluer le montant des cotisations salariales et patronales. Dans le futur système défini par le rapport Delevoye, 10 euros cotisés valent un point. Votre retraite annuelle sera donc équivalente au nombre de points cumulés multipliés par la valeur du point (fixée à 0,55 pour l'instant).

La CGT invite ensuite à comparer le chiffre obtenu avec la pension à laquelle vous avez droit dans le régime actuel (en allant consulter le site info-retraite). Les salariés du privé constateront probablement un écart conséquent entre les deux. Un écart logique puisque le système actuel ne tient compte que des 25 meilleures années tandis que le futur système à points prendra en compte l'ensemble de la carrière.

Précision utile du syndicat : il annonce ne pas tenir compte des points qui seront attribués dans le futur système "en cas de chômage, maternité, invalidité et maladie" puisque cette donnée n'est pas encore précisée. Même démarche du syndicat enseignant Snes-FSU. Sur son simulateur, le professeur peut indiquer l'année où il a commencé à travailler, le nombre d'heures supplémentaires effectuées, et combien de temps il compte encore enseigner. La calculette évalue sa retraite dans le système actuel (les fonctionnaires touchent à leur retraite 75% de leur dernier salaire, s'ils ont tous leurs trimestres). Puis dans le futur système à points. 

La conclusion est sans appel : pour un professeur ayant commencé en 1990 et envisageant de travailler quarante-deux ans, la pension serait de 2 677 euros avant la réforme, et de 1 831 euros ensuite, soit une perte de 846 euros mensuelle. Là encore, les mécanismes de solidarité ne sont pas pris en compte.

5Ces nouveaux simulateurs sont-ils fiables ?

De nombreuses critiques ont été émises envers ces simulateurs. "La colère a été attisée par ces simulateurs qui disaient des choses inexactes", a ainsi asséné le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, le 6 décembre. Même agacement, sur BFMTV, de la part de l'ancien conseiller social du président Nicolas Sarkozy, l'économiste Bertrand Martinot. "Il circule sur internet des simulateurs qui sont paramétrés sur des choses que choisissent les syndicats (...) et qui vous expliquent que, dans beaucoup de cas, votre retraite va diminuer de 30, 40, 50%. Forcément, les gens deviennent fous furieux." Mais, ajoute-t-il, "comme le gouvernement n'a pas dit précisément [ce qu'il veut faire], dans ce flou, il y a énormément de désinformation".

C'est tout le problème : la réforme est floue. On ignore encore, entre autres, le mode de calcul du point, le système de gouvernance ou les mécanismes de redistribution. Difficile, donc, d'évaluer précisément les changements induits par le système à points : "On n'en sait rien pour l'instant, faute de simulation sur le site du Conseil d'orientation des retraites, pointe Michaël Zemmour, maître de conférences en économie à Lille et spécialiste du financement de l'Etat social. Le simulateur existant prend en compte différents scénarios dans le système actuel, mais pour la réforme envisagée, c'est le brouillard." 

Néanmoins, on connaît déjà les perdants : fonctionnaires, régimes spéciaux, cadres et, vraisembablement, une bonne partie des salariés du privé. "Aujourd'hui, le système prend en compte les 25 meilleures années, ce qui permet de gommer partiellement les 17 années les plus mauvaises. Avec le nouveau système à points où toutes les années comptent, une femme qui aurait passé 17 ans à temps partiel pour s'occuper de ses enfants et 25 ans à temps plein serait perdante", détaille l'économiste de l'OFCE Vincent Touzé, spécialiste de la protection sociale.

La sélection de franceinfo sur la réforme des retraites

• Décryptage. Cinq questions sur la valeur du point et le calcul des futures pensions

• Explication. On vous explique ce que valent les simulateurs censés calculer les pensions

• Analyse. Martinez, Philippe, Delevoye… Qui sont les acteurs clés qui peuvent influer sur la réforme des retraites ?

• Vrai ou fake. Les syndicalistes continuent-ils à être payés pendant les mouvements sociaux ?

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