Grève contre la réforme des retraites : les syndicalistes continuent-ils à être payés pendant les mouvements sociaux ?
Dans le live de franceinfo, vous avez été plusieurs à nous demander si les syndicalistes continuent à toucher leur salaire lorsqu'ils sont en grève. Si dans certains cas, cela est possible, les syndicalistes interrogés assurent qu'ils n'ont pas recours à cette pratique.
Une grève partie pour durer ? Débuté jeudi 5 décembre, le mouvement social contre la réforme des retraites portée par le gouvernement se poursuit lundi dans les transports en commun. Pour tenir dans la durée, les grévistes s'organisent financièrement grâce à des cagnottes, par exemple. Mais certains lecteurs de franceinfo nous ont demandé si les syndicalistes ne continuaient pas à être payés pendant les périodes de grève en exerçant leur fonction.
Si l'on regarde du côté des salariés, le Code du travail est clair : "L'absence de service fait par suite de cessation concertée du travail entraîne pour chaque journée une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille", selon l'article L2512-5. Autrement dit, un travailleur n'est pas payé s'il est en grève, et ce, pour toute la durée de son absence : "La rémunération d'un salarié participant à une grève, incluant le salaire et ses compléments directs et indirects à l'exclusion des suppléments pour charges de famille, est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève", précise l'article 10 de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007.
Des spécificités pour les délégués permanents
Un délégué syndical est soumis aux mêmes dispositions. Néanmoins, son statut possède plusieurs spécificités. Un délégué syndical "permanent", c'est-à-dire détaché pour remplir sa mission syndicale, reste payé par son entreprise, comme l'explique Fabien Villedieu, délégué syndical SUD-Rail RATP: "Sur la gare de Lyon, on a deux permanents syndicaux qui n'ont donc pas de perte de salaire pendant la grève."
Mais ce n'est pas juste vis-à-vis des collègues et ils font donc un chèque à la caisse de grève pour redonner tout ce qu'ils auraient dû perdre. Cela est redistribué aux grévistes.
Fabien Villedieu, délégué syndical SUD-Rail RATPà franceinfo
Lui-même raconte qu'en 2016, lors d'une grève de la RATP, il avait été mis dans cette situation inconfortable : alors permanent syndical (il l'est un mois sur deux), il avait dû se justifier auprès des grévistes d'être encore rémunéré et donner son chèque de 1 500 euros aux yeux de tous pour balayer tout soupçon.
Même son de cloche du côté de la CGT-Cheminots : Bérenger Cernon, secrétaire général du syndicat à la gare de Lyon, affirme que les délégués permanents versent leur paie dans une caisse de solidarité à destination de tous les salariés grévistes. En revanche, vendredi 6 décembre, aucune caisse n'avait encore été ouverte chez SUD-Rail RATP ou à la CGT-Cheminots. "Pour l'instant, on construit le mouvement", admet Bérenger Cernon.
"Un délégué qui ferait ça, il se ferait crucifier !"
Quant aux délégués syndicaux non permanents, une question se pose : peuvent-ils utiliser leur temps de délégation durant les jours de grève pour continuer à être payés ? Un délégué syndical dispose en effet d'un crédit d'heures de délégation pour exercer ses fonctions : au moins 10 heures par mois pour une entreprise comptant 50 à 150 salariés, 15 heures pour un effectif de 151 à 499 salariés, et 20 heures pour les plus grandes entreprises, comme l'établit l'article L2143-13 du Code du travail. Des heures de délégation dont disposent par ailleurs d'autres catégories du personnel, comme les membres du comité d'entreprise ou les délégués du personnel. Elles sont payées de la même manière que les autres heures de travail, précise le Code du travail.
Les grèves peuvent-elles cependant être considérées comme des temps de délégation ? Selon un arrêt de la Cour de cassation du 27 février 1985, "la grève ne suspend pas le mandat de représentation". Une observation confirmée en décembre 2017 par la même juridiction et qui impose aux entreprises de payer les heures de délégation de leurs délégués syndicaux, y compris en temps de grève. A charge ensuite, si l'entreprise conteste le nombre d'heures de délégation ou leur nature, de saisir la justice, sachant que le crédit d'heures de délégation peut, en droit, être dépassé "en cas de circonstances exceptionnelles". Toutefois, rien n'établit qu'une grève reconductible rentrerait dans ces critères.
Néanmoins, pour les deux délégués interrogés, un tel comportement est impensable.
C'est tout sauf une pratique de chez nous.
Bérenger Cernon, secrétaire général de la CGT-Cheminots à la gare de Lyonà franceinfo
"Et je suppose que c'est pareil chez les autres [syndicats], affirme le délégué syndical. Ce serait trop injuste pour les collègues, ça ne passerait pas et il y aurait des remontrances. Ces accusations [au sujet de la rémunération des syndicalistes grévistes] sont faites pour décrédibiliser le mouvement et les syndicats." Pour Fabien Villedieu, de SUD-Rail RATP, une telle pratique est inimaginable : "On ne peut pas appeler les [salariés] à faire grève et utiliser ses heures de délégation, on a interdiction de les poser. Un délégué syndical qui ferait ça, il se ferait crucifier !"
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