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"Nous serons dans une attitude très offensive" : comment la gauche entend s'opposer à la réforme des retraites à l'Assemblée nationale

L'examen du projet de loi du gouvernement doit débuter à l'Assemblée lundi 17 février.

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Les députés lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 11 février 2020, à Paris. (THIERRY THOREL / NURPHOTO / AFP)

Le débat parlementaire sur la réforme des retraites va-t-il s'interrompre avant même de commencer ? Alors que le projet de loi doit être soumis à la lecture des députés, lundi 17 février, l'opposition ne compte pas baisser les bras face à ce texte contesté. Si le gouvernement a toujours pour objectif un vote définitif avant l'été, les députés du Parti socialiste, de La France insoumise et du Parti communiste français ont bien l'intention d'utiliser tous les recours en leur possession pour s'opposer à la réforme. "Nous voulons obliger le gouvernement à reculer", prévient Pierre Dharréville, député communiste des Bouches-du-Rhône, interrogé par franceinfo.

Nous serons dans une attitude très offensive face à la gravité de ce projet.

Pierre Dharréville, député communiste des Bouches-du-Rhône

à franceinfo

L'élu du Parti communiste fait partie des 71 membres de la commission spéciale retraite en charge de la première lecture du projet de loi. A l'instar du député socialiste Boris Vallaud, vice-président de commission, il regrette de ne pas avoir eu le temps d'aller au bout du document agrémenté de plusieurs milliers d'amendements – 21 782 pour être exact. "Nous avons étudiés 26 ou 27 articles, soit un tiers du texte", précise Boris Vallaud à franceinfo. "La loi ordinaire sera présentée lundi à 16 heures sans la prise en compte de tous les amendements votés", alerte l'élu socialiste des Landes. L'examen du texte à l'Assemblée s'annonce tout aussi laborieux : 41 000 amendements ont été déposés.

Calendrier serré pour le gouvernement

Même s'il reconnaît que l'étude du texte a été écourtée, elle fut tout de même instructive, estime-t-il : "Cette première lecture nous a permis de soulever beaucoup d'impasses. Notamment sur l'indexation et ses conséquences ou encore sur le taux de remplacement qui concerne aussi la génération née en 1975." Cette lecture menée au pas de course est une "réelle volonté de passage en force de la majorité avec une procédure accélérée" engagée par le gouvernement le 24 janvier, déplore de son côté Pierre Dharréville.

Le gouvernement a décidé de l'interruption des travaux de la commission spéciale alors que le calendrier pouvait être allongé. Mais il fallait que cela se termine le 17 février, coûte que coûte.

Pierre Dharréville

à franceinfo

Cette procédure accélérée réduit en effet à une au lieu de deux le nombre de lectures par chambre, Assemblée nationale et Sénat. Déterminée, l'opposition de  gauche compte donc utiliser toutes les procédures légales à sa disposition : droit de tirage, amendements en nombre et motion référendaire. "Nous ne faisons pas d'obstruction, se défend Boris Vallaud. Nous exerçons la plénitude de notre pouvoir parlementaire."

Vers un référendum pour la réforme ?

A partir de 16 heures ce lundi, lorsque la discussion générale débutera dans l'Hémicycle, socialistes et "insoumis" à l'initiative des communistes auront alors une demi-heure, avant la fin de cette discussion, pour déposer une motion référendaire. Elle permet à leurs auteurs, qui estiment qu'il est "juste et nécessaire" de consulter le peuple, de proposer au président de la République de soumettre au référendum la réforme des retraites.

Puisque le gouvernement refuse de retirer son projet de loi, nous allons l'obliger à le soumettre au vote du peuple.

Pierre Dharréville

à franceinfo

Le Parti communiste français a ainsi fait imprimer un tract à 2,5 millions d'exemplaires. Il se dit même "renforcé" dans son projet de motion référendaire par un sondage Ifop réalisé à l'initiative des quotidiens L'Humanité et La Marseillaise et publié 13 février. D'après cette enquête d'opinion, plus d'un Français sur deux est favorable à la mise en place d'un référendum sur la réforme des retraites. Ils seraient même 56% à voter contre l'instauration d'"un système universel de retraites par points".

Des amendements en pagaille

Pierre Dharréville est "confiant" pour lundi. "Il nous faut pour présenter cette motion 58 signatures soit un dixième de l'Hémicycle. Sur le principe, il n'y a pas de souci." Le débat sera momentanément interrompu par le dépôt de cette motion. "Elle sera alors examinée en vue d'être adoptée par la majorité des présents", précise le député communiste. Mais il n'oublie pas que pour présenter cette motion référendaire, il est nécessaire, contrairement à une motion de censure, que tous les signataires soient présents dans l'Hémicycle au moment de sa présentation. Le PCF s'est attelé à motiver les troupes.

Le PS a quant à lui déjà utilisé son "droit de tirage" pour demander la mise en œuvre d'une commission d'enquête sur l'étude d'impact, le 10 février. Cette commission doit se dérouler en parallèle du débat parlementaire. "Elle n'entrave aucunement les débats. Elle pourra même les enrichir étant donné la piètre qualité et les approximations de l'étude d'impacts", juge Boris Vallaud. Chaque groupe dispose d'un tel droit (une fois par groupe et par session) pour créer ce type de  commission d'enquête.

Le groupe socialiste a également prévu de déposer "plus d'amendements qu'en commission spéciale". "Pour nous, c'est l'occasion d'améliorer les choses et d'interroger le gouvernement afin qu'il réponde clairement à nos questions", justifie Boris Vallaud. Tout comme Jean-Luc Mélenchon, le président du groupe La France Insoumise, qui a d'ores et déjà promis une "noria" d'amendements, comparable à celle en commission. Les "insoumis" avaient en effet déposé plus de 19 000 d'amendements.

L'article 49.3 pour passer en force ?

Comment réagira le gouvernement ? Pour l'instant, l'opposition de gauche ne veut pas penser à l'éventualité d'un "49.3" ou d'un "vote bloqué" que le gouvernement pourrait utiliser afin "d'écourter le débat". Ces deux articles de la Constitution permettent de fait le passage en force du texte : sans le voter avec l'article 49.3 ou en faisant voter le texte en bloc par l'Assemblée nationale, et non article par article, le texte enrichi uniquement des amendements proposés ou acceptés par le gouvernement, comme l'explique Le Monde.

S'ils utilisent le 49.3, cela serait un aveu gigantesque. Cela serait un mépris, un abaissement du Parlement et la démonstration de leur volonté de ne pas tenir compte d'un dialogue.

Pierre Dharréville

à franceinfo

Le Parti communiste français a déjà prévu "d'autres actions", si sa motion référendaire était rejetée lors du vote à l'Assemblée nationale. "Mais vous comprendrez que pour l'instant elles sont tenues secrètes", conclut Pierre Dharréville.

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