"Je saignais énormément, j'ai commencé à faire un malaise" : une manifestante frappée à coups de matraque à Paris témoigne
Les faits se sont déroulés jeudi, lors des manifestations dans la capitale contre le projet de réforme des retraites.
Une nouvelle manifestation contre la réforme des retraites émaillée de violences. Jeudi 9 janvier, quelque 450 000 personnes ont manifesté leur opposition au projet de loi à travers le pays, dont 56 000 à Paris, d'après le ministère de l'Intérieur. Un bilan provisoire, jeudi soir, faisait état de 16 blessés parmi les forces de l'ordre et de 20 blessés dans les rangs des manifestants, a appris franceinfo auprès de la préfecture de police de Paris.
Comme le rapportent des journalistes de l'AFP sur place, des heurts ont notamment éclaté vers la fin de la manifestation à Paris, autour de la place Saint-Augustin et de la gare Saint-Lazare, dans le 8e arrondissement de la capitale. Comme l'explique Le Parisien, des manifestants "ont démonté du mobilier urbain" et ont lancé des projectiles sur les forces de l'ordre. Lesquelles ont répliqué avec des tirs de grenades de gaz lacrymogènes et, ensuite, par des charges sur une partie des manifestants, selon l'AFP.
Une vidéo, largement partagée sur les réseaux sociaux, montre, en marge du cortège, une manifestante ramassant son téléphone portable tombé à terre, frappée à coups de matraque par un policier. A ses côtés, un autre manifestant est brutalement mis à terre puis retenu et plaqué contre un mur par plusieurs membres des forces de l'ordre.
Les affrontements se poursuivent place Saint-Augustin. Violence inouïe.#GreveGenerale #greve9janvier #paris pic.twitter.com/bSdSXVCEYM
— Brice Ivanovic (@bi1192) January 9, 2020
Dans quelles circonstances ces faits ont-ils eu lieu ? Que s'est-il passé exactement, et quelles sont les blessures des manifestants ? Eléments de réponse.
"Je saignais énormément"
La femme filmée sur cette vidéo, Irène, est conductrice sur la ligne 9 du métro parisien, et élue du syndicat Unsa-RATP. Elle se trouvait avec plusieurs de ses collègues syndiqués près de la tête du cortège, vers la gare Saint-Lazare, lorsque ces heurts ont éclaté. Il était alors près de 17 heures, assure auprès de franceinfo la conductrice. "Cela se passait dans un climat tout à fait normal (...). D'un seul coup, nous avons vu un nuage de fumée. La police chargeait", décrit Jean-Christophe Delprat, secrétaire général Sud-RATP, qui accompagnait Irène à la manifestation.
Quand la police a souhaité, selon elle, "couper le cortège", "nous nous sommes mis sur le côté [du cortège] avec mon collègue Damien", l'autre manifestant visible sur la vidéo, relate Irène, âgée de 36 ans. Une fois sur le trottoir, "nous étions en train de discuter quand il y a eu une bousculade. Mon téléphone est tombé", poursuit-elle. D'après la conductrice, un policier leur a indiqué de ramasser rapidement le téléphone. "Damien a voulu le récupérer et tout de suite, trois à quatre policiers l'ont collé contre le mur." Irène est quant à elle frappée par un autre agent des forces de l'ordre.
Je reçois trois, quatre premiers coups au niveau de l'avant-bras. Je reçois un nouveau coup au bras en étant de dos, et quand j'essaie de récupérer mon téléphone qui est retombé, je reçois un coup de matraque télescopique sur le crâne.
Irène, manifestante blesséeà franceinfo
La manifestante raconte avoir "commencé à tituber un peu", sous le choc du coup. "Il était vraiment, vraiment fort, je saignais énormément. J'ai commencé à faire un malaise", relate la conductrice. C'est alors que des "street medics" ont commencé à la soigner, avant l'arrivée d'autres collègues syndiqués, parmi lesquels Jean-Christophe Delprat.
"Nous l'avons retrouvée le visage et le pantalon maculés de sang", rapporte le secrétaire général Sud-RATP. "Elle avait des plaies ouvertes au crâne, des plaies au bras, l'envie de vomir et la tête qui tournait", assure le syndicaliste. Ce dernier l'a ensuite emmenée dans un magasin d'optique situé boulevard Haussmann, près de la gare Saint-Lazare. Joint par franceinfo, l'enseigne confirme avoir recueilli la manifestante blessée, avant sa prise en charge par des pompiers et son arrivée aux urgences de l'hôpital Lariboisière, où on lui a posé "deux, trois agrafes" sur le cuir chevelu.
La manifestante souhaite porter plainte
Vendredi matin, Irène souffrait encore de nausées après ces blessures. "Je suis toujours en état de choc", souligne la conductrice, qui a l'intention de porter plainte. Quant à Damien, il a été interpellé et "devrait être déféré devant le procureur", d'après Jean-Christophe Delprat. "Nous n'en savons pas plus" sur ses blessures et son état de santé, s'inquiète le secrétaire général de Sud-RATP. "Nous espérons le récupérer sans séquelle", renchérit Irène.
Je ressens de la rage, de l'incompréhension et de la colère contre cette police qui n'est plus là pour nous défendre.
Irèneà franceinfo
"Nous avons le droit de grève et le droit de manifester, insiste la conductrice. Et maintenant, il faut faire attention. On se sent en danger à cause d'eux [les policiers]."
Correctif : dans un premier temps, une source judiciaire a indiqué, par erreur, à franceinfo l'ouverture d'une enquête après la diffusion de cette vidéo. Il n'en est rien : il n'y a bien qu'une seule enquête ouverte pour l'instant concernant un probable tir de LBD à bout portant sur des manifestants.
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