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Qui est Sophie Binet, la nouvelle secrétaire générale de la CGT qui succède à Philippe Martinez ?

Jusqu'alors secrétaire générale de la Fédération des cadres (Ugict), cette ancienne conseillère principale d'éducation est la première femme à diriger la centrale cégétiste depuis sa création.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Sophie Binet, nouvelle secrétaire générale de la CGT, à Cournon d'Auvergne (Puy-de-Dôme), le 31 mars 2023. (JEFF PACHOUD / AFP)

Son nom avait été très peu évoqué pour succéder à Philippe Martinez, mais les soubresauts de la CGT ont eu raison des autres candidatures : Sophie Binet a été élue vendredi 31 mars secrétaire générale du syndicat, réuni depuis lundi en congrès à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). L'arrivée à la tête de l'appareil de la secrétaire générale de la Fédération des cadres de la CGT est une véritable surprise, alors que l'avenir de la centrale semblait se jouer entre Marie Buisson et Céline Verzeletti.

>> Succession de Philippe Martinez à la CGT : "L'issue du congrès aura plus de conséquences sur des dossiers de long terme que sur la stratégie liée à la réforme des retraites"

En pleine contestation contre la réforme des retraites, les positions et la ligne syndicale de Sophie Binet, 41 ans, seront évidemment scrutées, alors que toute l'intersyndicale se rendra à la réunion avec Elisabeth Borne la semaine prochaine à Matignon, a-t-elle confirmé dès son entrée en fonctions. Franceinfo revient sur le profil de cette militante engagée sur les questions d'égalité femmes-hommes, devenue la première femme à diriger la CGT depuis sa création en 1895.

Une ancienne CPE, militante de gauche depuis les années 2000

Sophie Binet, née en 1982, est une ancienne conseillère principale d'éducation (CPE), qui a exercé à Marseille entre 2008 et 2009 puis au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) de 2009 à 2013, avant d'être détachée pour ses responsabilités syndicales. Elle est, depuis 2018, à la tête de l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT (Ugict). Elle a également milité au PS, rapportent Public Sénat et L'Express.

Mais son engagement à gauche est plus ancien : elle a ainsi été vice-présidente de l'Unef au milieu des années 2000 et a participé à la lutte du syndicat étudiant, historiquement proche du Parti socialiste, contre le contrat première embauche (CPE), en 2006. "Elle était alors chargée des questions universitaires", se souvient auprès de franceinfo la militante féministe Caroline De Haas, devenue son amie. Les deux femmes poursuivent leur engagement dix ans plus tard, au moment de l'opposition à la loi Travail du gouvernement de Manuel Valls. "C'était une expérience incroyable, notre duo avait hyper bien fonctionné. On avait élaboré le contenu d'un site opposé à la loi en 48 heures, moi avec la casquette communication, elle sur le fond et la technique du sujet", détaille Caroline De Haas.

"Elle est militante et sérieuse, avec une grosse force de travail ainsi qu'une capacité à parler à beaucoup de monde, au-delà des réseaux militants habituels."

Caroline De Haas, militante féministe

à franceinfo

La référente de la CGT sur les questions d'égalité femmes-hommes

Au sein de la CGT, une organisation "qui reste très masculine" selon le spécialiste du syndicalisme Dominique Andolfatto, Sophie Binet était jusqu'à son élection la référente du Collectif femmes mixité, chargé des questions d'égalité femmes-hommes. "C'est elle qui a mis en place des procédures pour traiter les violences sexistes et sexuelles au sein du syndicat", rappelle Caroline De Haas, qui souligne le fait que la cégétiste a "depuis 2018, 2019, pris la main sur la journée du 8 mars et la préparation de la manifestation pour les droits des femmes".


Diplômée de philosophie, Sophie Binet est aussi la coautrice du livre Féministe, la CGT ? Les femmes, leur travail et l'action syndicale, publié à l'automne 2019 aux éditions de l'Atelier. C'est sur ce thème qu'elle a plusieurs fois attaqué le gouvernement lors de la contestation contre la réforme des retraites, accusée d'"instrumentaliser la cause des femmes", selon ses propos au magazine Politis.

Mais Sophie Binet se démarque également du logiciel historique de la CGT avec d'autres sujets, comme l'écologie. "Elle s'est aussi beaucoup intéressée aux questions de télétravail, une thématique qui permet de renouveler les grilles d'analyse du syndicat", relève Dominique Andolfatto. "Sa fédération insiste beaucoup sur la nécessité pour la CGT de s'ouvrir au-delà du salariat de l'exécution, expliquait avant le vote Karel Yon, sociologue du syndicalisme. La CGT n’est pas très implantée auprès des ingénieurs et cadres, contrairement à la CFDT qui a des résultats assez homogènes dans les différentes classes de salariés. L'Ugict a porté attention à ce que pouvaient apporter les réseaux sociaux pour s'adresser à des catégories nouvelles du salariat."

Un compromis entre les différentes lignes de la CGT ?

Ancienne membre du bureau confédéral, l'organe de direction le plus restreint du syndicat, Sophie Binet n’était pas officiellement candidate à la succession de Philippe Martinez, mais son nom était parfois évoqué en interne comme une alternative de compromis à la candidature de Marie Buisson, successeure désignée de Philippe Martinez et jugée trop clivante, à l'instar de Céline Verzeletti.

Si elle a été "très bien élue", précise Dominique Andolfatto, Sophie Binet aura la très lourde tâche de faire fonctionner un syndicat profondément divisé sur le bilan de Philippe Martinez et la ligne à adopter face au gouvernement en pleine crise sociale. Dans cette mission, elle devra composer avec d'autres membres du bureau confédéral qui ne partagent pas tous ses combats. A commencer par Laurent Brun, "une sorte de dinosaure de l'organisation", illustre le spécialiste à propos du leader de la CGT-Cheminots, désormais administrateur et donc numéro 2 de la centrale cégétiste. Aura-t-elle les coudées franches pour imposer son propre style ? "C'est un tournant important et inattendu pour le syndicat, conclut Dominique Andolfatto. Avec elle, la CGT entre dans le XXIe siècle."

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