Reportage "Je n'ai aucun crédit, mais je suis à découvert depuis plus de dix ans" : pour sortir du surendettement, de nombreux Français font appel à des associations
Les Français sont légèrement plus nombreux à être concernés par le surendettement. Au premier semestre 2024, le nombre de dossiers déposés devant la Banque de France a augmenté de 14% par rapport à la même période l’an dernier, d’après les chiffres de l’institution, sans atteindre toutefois le niveau d’avant-Covid.
On parle ainsi d’un peu plus de 10 000 demandes par mois et de personnes souvent fragiles financièrement qui viennent parfois trouver de l’aide chez Crésus, une fédération associative qui les accompagne pour sortir du surendettement.
Nicole est une retraitée endettée. À force d’aider financièrement son neveu, son épargne a fondu, elle a pris quatre crédits à la consommation et ne s’en sort plus. "Il est compliqué à lire ce dossier", commente Régine Montfront, l’une des bénévoles de l’association. "Oui, je n'ai pas tout compris...", reconnaît Nicole.
Régine Monfront lui a permis de déposer un dossier de surendettement auprès de la Banque de France : "[Le dossier] est recevable. Ça, c'est une bonne nouvelle. Vous aurez un plan où vous devrez rembourser 256 euros par mois. Ça remplace tous les crédits que vous remboursiez jusque-là. Donc vous allez passer de 1 064 euros par mois à 256. Ça va aller mieux", rassure-t-elle.
"Moi qui ai toujours payé les PV..."
Sauf si l’un de ses créanciers fait un recours. Cela arrive de plus en plus souvent, comme dans un dossier sur cinq actuellement, estime Régine Monfront : "Je me demande s'ils ne tirent pas un peu au hasard en se disant 'Tiens, on va faire un recours', un peu pour faire peur."
"Vous vous rendez compte : en justice ! Moi qui ai toujours payé les PV...", s'inquiète Nicole. La retraitée est en bonne voie pour remonter la pente. "Je vous remercie pour vos bons conseils",sourit Nicole. Mais les profils sont variés et l’on peut très bien être surendetté sans jamais avoir pris un crédit, explique Régine Monfront : "Il suffit de ne pas payer son loyer. Il suffit d'avoir des retards chez EDF, la cantine des enfants... On a aussi beaucoup de dettes dans les hôpitaux. C'est pour ça que quand on dit 'Les gens se sont endettés'. Non, dans la plupart des cas, c'est du surendettement passif. C’est-à-dire qu'ils n'ont pas réussi à payer leurs charges."
"Je vis au-dessus de mes moyens"
Demander cet accompagnement pourtant n’est pas si simple. Ludivine, qui vient pour la première fois, a mis plusieurs années à prendre rendez-vous : "Je n'arrive pas du tout à m'en sortir toute seule pour gérer mon budget depuis que j'ai divorcé. C'était ma crainte et dieu merci je peux vivre décemment mais je vis au-dessus de mes moyens. Je n'ai aucun crédit, mais je suis à découvert depuis plus de dix ans. C'est vraiment un grand SOS, une bouteille à la mer pour moi."
Les femmes sont majoritaires à déposer des dossiers et à se présenter dans ce bureau, note la bénévole, pour trois raisons principales : "Les femmes ont plus tendance à accepter de demander de l'aide. Il y a aussi le problème récurrent des familles monoparentales... Et puis, du côté des établissements financiers, quand il y a des codébiteurs pour un crédit, la consigne est de s'adresser à la femme ! Une femme, ça répond, ça fait tout ce que ça peut pour rembourser. Un homme, ça peut ne pas répondre..."
La France, elle, est pionnière en la matière : cela fait 35 ans qu’existe ce type d’accompagnement, face au surendettement.
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