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La 1e chaîne tricolore d'information internationale, France 24, a inauguré ses premières émissions le 6 décembre

France 24, détenue à parité égale par TF1 et France Télévisions, a d'abord émis sur internet avant dêtre accessible sur le câble et le satellite ou l'ADSL, en français et en anglais, 24 heures sur 24, sept jours sur sept.Voulue par Jacques Chirac, elle est dotée de 86 millions d'euros de fonds publics et emploie 170 journalistes de 30 nationalités.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 17min
La mission de France 24 : "couvrir l'actualité internationale avec un regard français", selon la charte. (AFP -F. Fife)

France 24, détenue à parité égale par TF1 et France Télévisions, a d'abord émis sur internet avant dêtre accessible sur le câble et le satellite ou l'ADSL, en français et en anglais, 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Voulue par Jacques Chirac, elle est dotée de 86 millions d'euros de fonds publics et emploie 170 journalistes de 30 nationalités.

Premiers sujets : l'Irak, Gaza et Moscou

France 24 a ouvert ses tout premiers journaux sur le rapport Baker critiquant la politique du président américain George Bush en Irak. Diverses personnalités ont été interviewées au cours de cette première soirée de lancement sur internet, dont l'ancien Premier ministre canadien Jean Chrétien ou le Monsieur diplomatie de l'Union européenne Javier Solana, qui ont au passage salué la naissance de la chaîne.

"Nous pourrons avoir accès à la version française de ce qui se passe dans le monde. Pour nous c'est très important, car nous sommes tellement près des Etats-Unis, d'avoir un point de vue qui vient de l'Europe", a souligné M. Chrétien.

Javier Solana, interrogé sur le Proche-Orient, a souligné la nécessité de "faire tous les efforts pour aider les deux côtés à maintenir le cessez-le-feu" entre Israël et les Palestiniens. L'ancien ministre socialiste français des Affaires étrangères Hubert Védrine
a quant à lui développé l'idée d'un "regard français" sur le monde, rejoignant la vision exprimée par le président Jacques Chirac dans une brève interview à la chaîne.

France 24 a présenté un mélange de sujets réalisés par ses propres
correspondants, à Bruxelles et à Beyrouth, par ses envoyés spéciaux, à Gaza ou à Moscou. Sont aussi intervenus le correspondant de la chaîne publique France 2 à Jérusalem, mais aussi, en direct depuis Bagdad, des journalistes francophone, anglophone et arabophone de l'AFP avec qui la chaîne a noué un partenariat.

La petite nouvelle a fait un net effort, par rapport aux chaînes françaises, pour diversifier les origines ethniques de ses présentateurs, tant dans le journal en français qu'en anglais, en rupture avec la quasi-uniformité "blanche" des présentateurs d'information sur les chaînes françaises tant publiques que privées. Le magazine "des cultures" sera par exemple présenté par la franco-camerounaise Elisabeth Tchoungi.

Les journaux d'information en français étaient orchestrés par Sylvain Attal: "Nous tenons à écouter notre audience", a-t-il lancé, en appelant les internautes à réagir au traitement de l'actualité par France 24 . Côté anglais, la soirée était menée par Andrea Sanke, venue de CNN. Les 170 journalistes de la chaîne ont une moyenne d'âge de 30 ans et représentent une trentaine de nationalités. Quant aux publicités, elles concernaient des marques françaises : Peugeot, Air France, ou encore Guerlain.

Une chaîne voulue par Jacques Chirac, depuis 1995.

L'enjeu de France 24 est "de porter partout dans le monde les valeurs de la France et sa vision du monde", selon le président Jacques Chirac.

La façon dont les grandes chaînes comme CNN International ou BBC World avaient présenté les positions de la France sur le conflit irakien avait conforté le chef de l'Etat dans ses intentions de lancer une chaîne française d'information internationale.

Dans une brève interview à France 24, Jacques Chirac nterrogé sur l'impartialité de la chaîne, a assuré que, "s'il y avait le moindre souci, ce serait la certitude de l'échec" car "elle ne serait pas crédible". "Il est indispensable qu'un grand pays comme la France puisse avoir son regard sur le monde et diffuser ce regard (...) Et c'est ça, en réalité, qui sera exprimé, je pense, par France 24 ", a-t-il déclaré lors d'une interview diffusée sur TF1 et France 2 à l'occasion du lancement de la nouvelle chaîne tricolore.

"S'il y avait le moindre souci (en matière d'impartialité) ce serait la certitude de l'échec", a-t-il cependant ajouté. "Si cette chaîne pouvait être influencée par quelque (élément) extérieur que ce soit (...) elle ne serait pas crédible."

"Donc, toute sa valeur c'est certes de porter un regard français sur les événements du monde, sur les situations, dans le monde, sur la paix, sur le dialogue des cultures, mais de pouvoir le faire indépendamment de toute considération quelle qu'en soit la nature", a insisté le chef de l'Etat.

Quelques heures avant son lancement, Jacques Chirac s'est rendu, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), dans les locaux de la nouvelle chaîne, dont il a soutenu de bout en bout la création. Sur place, il a pris le temps de saluer les journalistes, dont beaucoup sont étrangers. "D'où venez-vous ?" leur a demandé Jacques Chirac, qui était accompagné par le président de France 24 , Alain Pouzilac, par celui de France Télévision, Patrick de Carolis, et par celui de TF1, Patrick Le Lay.

Chaîne anglophone et francophone

"Notre mission est de couvrir l'actualité internationale avec un regard français, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, et de véhiculer partout dans le monde les valeurs de la France", rappelle la charte France 24. Selon la chaîne, ces valeurs sont l'"ouverture à la diversité du monde", l'"attention particulière portée à la culture, à l'art de vivre et au patrimoine", le "traitement approfondi des problématiques telles que l'Europe, l'environnement, l'humanitaire" et l'"invitation à découvrir ou redécouvrir les richesses et spécificités de la France".

Ambitieuse, France 24 se propose aussi, selon la devise gravée sur sa façade, de "montrer ce que le public n'est pas censé voir, savoir ou comprendre". Pour la première fois, la rédaction d'une chaîne d'information s'exprimera simultanément en deux langues : français et anglais. Diffusée d'abord sur deux canaux, l'un totalement en français, l'autre aux 3/4 en anglais et 1/4 en français, la chaîne disposera dans quelques mois d'un décrochage en arabe de quatre heures sur le canal majoritairement anglais. Plus tard, l'espagnol sera au programme.

A Issy-les-Moulineaux, dans les locaux de France 24, 170 journalistes bilingues - français-anglais, français-arabe -, s'entraînaient à blanc depuis le 10 novembre. Ils viennent de télévisions françaises ou étrangères, mais aussi de groupes de presse américains, britanniques ou australiens et sont âgés, en moyenne, de 31 ans.

La chaîne entend porter un "regard français" sur l'actualité internationale, rappelle encore Alain de Pouzilhac. "On peut dire qu'il repose sur trois valeurs: la diversité des points de vue, le sens du débat, la culture et l'art de vivre alors que les anglo-saxons privilégient l'unité de vue, les faits bruts et l'économie", déclare-t-il.

Marc Owen, présentateur pour l'édition anglaise, venu de la chaîne
britannique ITV, souligne que les Français ont souvent une approche "plus balancée" des problèmes alors que les anglo-saxons sont "plus tranchants et directs" en matière d'information. Mais ce n'est pas parce que France 24 est née d'une volonté politique et que la chaîne bénéficie d'un financement public que cela va avoir "une grande influence", ajoute-t-il. "Moi, je suis de Liverpool, j'ai une nature très indépendante. Je n'ai aucune intention de faire quelque chose qui ne serait pas conforme aux règles journalistiques", souligne-t-il.

L'alchimie entre les rédactions francophone et anglophone, qui travaillent totalement en parallèle, "se fait très bien", souligne-t-il. "Chacun apprend quelque chose de l'autre. Cela crée une émulation et un échange", indique Grégoire Deniau, directeur de la
rédaction. Natacha Butler, présentatrice pour l'édition en anglais, travaille main dans la main avec Vanessa Burggraf, son alter ego pour le journal en français. "Nous discutons entre nous pour déterminer les dominantes, nous cherchons un équilibre
entre les points de vue", explique la jeune anglaise tandis que la française se dit "très excitée" de participer à l'aventure de France 24, ce "melting pot culturel".

France 24 veut toucher en priorité les décideurs de l'élite intellectuelle mondiale qui sont anglophones.

Dès son lancement, la nouvelle chaîne prévoyait de toucher "potentiellement", selon ses dirigeants, 80 millions de foyers, soit 190.000 millions de téléspectateurs. Elle pourra être "reçue gratuitement , en clair et en numérique en Europe, y compris dans les anciennes républiques sociétiques, au Proche-Orient, et en Afrique. Elle bénéficiera aussi d'une distribution spécifique dans les villes de New York et Washington DC avant d'étendre sa couverture aux Amériques et à l'Asie, précise Alain de Pouzilhac, son président.

France 24 veut toucher en priorité les décideurs de l'élite intellectuelle mondiale qui sont anglophones, indique-t-il encore. "Ce public représente 25 à 30% de la population mondiale", rapportait-il récemment au Figaro précisant que les leaders d'opinion étaient une "cible qui se sert des technologies pour divulguer son opinion", mais "très sceptique à l'égard de la vision du monde offerte par les anglo-saxons, comme BBC World ou CNN International, qui recherche des opinions contradictoires".

Le 6 décembre, jour de son lancement officiel, la chaîne était lancée non pas à la télévision mais en "streaming" sur internet à 19h20 5heure de Paris) afin d'optimiser son audience mondiale. Mission réussie : ce soir là, quelque 500.000 personnes dans 108 pays se sont connectées au réseau pour voir la nouvelle chaîne. Environ 70 à 75% des connexions provenaient de la France et des pays francophones limitrophes, 15% d'Amérique du Nord(principalement les Etats-Unis) et 10% de l'Europe et du reste du monde, avec une nette prédominance du Royaume Uni, a précisé Stanislas Leridon, directeur internet et nouveaux médias de la chaîne.

Le pic a été atteint peu après le lancement de la chaîne mercredi soir, vers 20h45 (19h45 GMT), avec des connexions en simultané de 42.000 visiteurs. France 24 a démarré http://www.france24. com avec l'ambition de concurrencer CNN, BBC World ou Al-Jazira en faisant valoir un "regard français" sur l'actualité du monde. On la retrouve depuis le 8 décembre à 20h30 via le câble, le satellite ou l'ADSL en Europe, au Proche et au
Moyen-Orient, en Afrique, à New-York et Washington.

Un journal frais toutes les demi-heures et toutes les heures.

Les news, les reportages, et les magazines représentent 50% du temps d'antenne.

"Pour le moment, notre diffusion est essentiellement sur l'Europe, l'Afrique et le Moyen-Orient, ainsi que Washington et New York, ce qui fait que notre grille est axée sur des fuseaux horaires décalés de deux heures (en plus ou en moins) par rapport à l'heure de Paris, explique Grégoire Deniau, directeur de la rédaction.

L'antenne est rythmée par des journaux de 10 minutes toutes les
demi-heures, sachant que les téléspectateurs restent en moyenne entre 3 à 5 minutes, deux à trois fois par jour.

La grille du matin comporte des modules plutôt courts, alors que la grille du soir est plus posée, avec des émissions de débats. En matinée, il y a surtout de l'actu très chaude, du sport, des infos financières, de l'économie, des revues de presse et des reportages brefs.

Dans la journée, il y aura des petites cases qui traitent de l'art de vivre à la française, la cuisine, l'architecture...

Les rubriques sur la culture, l'environnement, les sciences, la santé, dans plusieurs pays du monde sont hebdomadaires et multidiffusées. On fait aussi le tour des continents une fois par semaine et l'on présentera des magazines de grands reportages.

Nous fabriquons beaucoup de sujets nous-même. Si cela n'avait
été qu'une chaîne de récupération d'images, cela m'aurait nettement moins intéressé."

Avec 87 millions d'euros, son budget reste inférieur à celui d'autres chaînes internationales comme CNN

Sur les 80 millions d'euros de fonds publics alloués à France 24 pour son lancement, 40 millions sont consacrés à l'antenne, 20 millions à la technique et 10 millions à la distribution.

Son budget pour 2007, fixé à 87 millions d'euros, est relativement modeste comparé à celui de CNN (1,2 milliard de dollars) ou de BBC World (600 millions d'euros).

Fondée sur un partenariat entre le groupe privé TF1 et la holding publique France Télévisions, France 24, a connu depuis quatre ans de nombreuses péripétie politiques, juridiques, budgétaires et de management.

Pour mettre sur pied des réseaux de correspondants à l'étranger indispensables à sa mission, France 24 a noué des partenariats avec des médias spécialisés dans l'information étrangère, dont l'Agence France-Presse. Elle compte aussi sur l'aide de ses deux maisons-mères, mais puiser également dans les banques d'images mises à la disposition des télévisions.

France 4 est le pendant français de chaînes d'information internationales telles que CNN BBC World ou Deutsche Welle.

- CNN (Cable News Network): Chaîne américaine créée en 1980 à Atlanta, contrôlée par le groupe Time Warner. Avec plus de 4.000 salariés, elle dispose d'une quarantaine de bureaux dont plus de 20 à l'étranger. CNN International, filiale de CNN USA, diffuse en anglais, espagnol, turc et allemand. La chaîne, pionnière de l'information en continu, est financée par les abonnements et la publicité. Elle diffuse dans plus de 200 pays.

- BBC World: Chaîne britannique, créée en 1991, contrôlée par le Conseil des gouverneurs de la BBC. Avec 250 correspondants et 58 bureaux, elle est diffusée en anglais auprès de 270 millions de foyers. Une chaîne en arabe, BBC Arabic Television, est prévue pour 2007.

- MSNBC: Chaîne américaine, créée en 1996, contrôlée par Microsoft et NBC Universal News, diffuse en anglais, financée par les abonnements et la publicité.

- FOX: Chaîne américaine, créée en 1996, contrôlée par News Corp (groupe Murdoch). Elle compte 1.250 salariés et 11 bureaux aux Etats-Unis, six dans le reste du monde. La chaîne diffuse en anglais.

- EURONEWS: Chaîne créée en 1993, contrôlée par 19 chaînes européennes de télévision publique. Avec 250 permanents dont 160 journalistes au siège de Lyon et disposant d'un bureau à Bruxelles, elle diffuse en sept langues (anglais, français, allemand, italien, portugais, espagnol, russe) auprès de 185 millions de foyers.

- TV5Monde: Chaîne francophone multilatérale créée en 1984 diffuse une programmation généraliste "construite autour de l'information" et dont le capital est partagé entre différents groupes audiovisuels publics français, canadiens, belges et suisses. Le principal actionnaire est France Télévisions avec 47,38% du capital. Ses programmes sont sous-titrés en 10 langues à destination de plus de 160 millions de foyers.

- DEUTSCHE WELLE (radio et TV): La radio et la télévision comptent environ 1.500 journalistes à Bonn (siège) et Berlin (radio et télévision) et trois bureaux à l'étranger (Bruxelles, Moscou et Washington). La DW diffuse dans le monde en allemand et au total en 30 langues.

- AL JAZIRA: Créée en 1996 et contrôlée par le gouvernement du Qatar. Avec quatre centres régionaux à Doha, Kuala Lumpur, Londres et Washington Al-Jazeera International disposera avec Al-Jazira, la chaîne-mère en arabe de plus de 60 bureaux dans le monde. D'autres bureaux seront ouverts dans les prochains mois. La chaîne a émet également en anglais sous le nom d'Al-Jazeera
International, depuis le 15 novembre.

- AL ARABIYA: Créée en 2003 et contrôlée par des capitaux privés, saoudiens et libanais, la chaîne, qui diffuse en arabe, emploie 400 salariés dont 120 journalistes.

Infographie








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