"J’ai reçu des coups dans les jambes" : un journaliste raconte sa violente mise à terre par un policier lors d'une manifestation
Journaliste pour l’agence Line Press, Laurent Bortolussi a été violemment frappé par un policier, lundi 5 novembre, alors qu’il couvrait la manifestation des ambulanciers sur le périphérique parisien.
"C'était une manifestation assez banale, je faisais mon travail habituel." Lundi 5 novembre, alors qu'il couvre la manifestation des ambulanciers sur le périphérique parisien, Laurent Bortolussi est brutalement pris à partie par un membre des forces de l'ordre,"de manière totalement gratuite et injustifiée", assure-t-il. Ce journaliste de l'agence indépendante Line Press envisage de porter plainte. Il a publié sur Twitter la vidéo de l'altercation, déjà partagée par plus de 4 700 internautes.
Un policier : « C’est à cause de vous que la France part en couilles » après avoir frappé un de nos journalistes clairement identifié avec caméra et brassard qui couvrait la manifestation des #ambulanciers @CCastaner @NunezLaurent pic.twitter.com/JZqR8zvKoJ
— LINE PRESS (@LinePress) 5 novembre 2018
"J'ai reçu des coups dans les jambes, alors que j'étais à terre"
La scène s'est déroulée sur le périphérique extérieur, au niveau du pont de Bercy. Depuis le début de la journée, plusieurs centaines d’ambulanciers bloquent l’autoroute A4 pour manifester contre la réforme du financement des transports sanitaires entrée en vigueur le 1er octobre. Laurent Bortolussi est sur place pour couvrir l’événement. "Notre mission principale est de fournir des images aux rédactions, principalement des magazines", explique-t-il à franceinfo. Le journaliste interroge des ambulanciers, tourne quelques plans. Vers 17 heures, son regard est attiré par une scène assez inhabituelle : "J’étais sur le périph’, et j’ai vu des policiers courir vers une ambulance qui circulait de l’autre côté."
De loin, je les ai vu taper sur le véhicule, briser des vitres… Je ne comprenais pas ce qui se passait.
Laurent Bortolussi, journaliste pour Line Pressfranceinfo
Pascal, responsable de la société d'ambulances Eden 19, à qui appartient le véhicule visé par les policiers, est vite informé de l'incident. "Mes collègues ambulanciers conduisaient calmement, participant au cortège, assure ce patron qui se trouvait à la manifestation. Les forces de l'ordre leur ont demandé de s'arrêter, mais le conducteur n'a pas vu le signe du policier. Ils se sont alors emportés, ont cassé le pare-brise arrière, la fenêtre côté conducteur, ont fracassé la portière." Le chauffeur, un homme de 25 ans, est menotté et arrêté. Selon Pascal, le jeune ambulancier "a été matraqué et frappé".
Armé de sa caméra, brassard "presse" au bras, Laurent Bortolussi s’approche de l'incident, pour tenter de filmer la scène. "Alors que j'étais à 10 mètres du véhicule, un policier a foncé sur moi, on aurait dit un rugbyman en pleine action, détaille-t-il. J’ai reçu un violent coup de matraque sur mon bras." Le journaliste parvient tout de même à filmer la scène, qu’il publiera quelques heures plus tard sur Twitter. Sur les images, on l’entend crier : "Doucement ! On est journalistes ! C’est la presse, pu***** !" Protégé par les coudières de son blouson de motard, il tombe tout de même au sol. "J’ai essayé de protéger mon matériel, et puis j’ai reçu un ou deux coups de matraque dans les jambes, alors que j’étais à terre, assure-t-il. J’ai ressenti une vive douleur aux genoux, ça a été très rapide." Dans une vidéo non-coupée, envoyée à franceinfo par Laurent Bortolussi, on distingue clairement le journaliste se rapprocher de l'ambulance, et se faire agresser par le policier sans raison apparente.
“C’est à cause de vous que la France part en couilles !”
Allongé au sol, Laurent Bortolussi essaie une dernière fois de calmer le jeu. "C’est la presse ! J’ai une carte de presse !" Le policier stoppe alors son intervention. “C’est à cause de vous que la France part en couilles !", lance-t-il au journaliste avant de s’éloigner. "Je me suis vite relevé, aidé par des ambulanciers et d’autres policiers, qui avaient tenté de s’interposer, raconte Laurent Bortolussi. J’ai essayé de filmer ce policier, de voir son visage, son numéro d’immatriculation, mais il s’est immédiatement retiré de la zone de la manifestation. Impossible de le retrouver."
Pour le journaliste, impossible qu'il ait pu être confondu avec un manifestant. "Je portais un brassard, et j’avais ma caméra. J’étais totalement identifié en tant que reporter, s'emporte-t-il. Le problème, c’est que je me suis approché un peu trop de la scène à son goût."
Selon Laurent Bortolussi, certains policiers ont tout de même tenté d'intervenir. "J’ai reçu le soutien de plusieurs d’entre eux, qui sont venus s’excuser du comportement de leur collègue, et m’ont même encouragé à porter plainte", témoigne-t-il, précisant envisager sérieusement cette option. "Une plainte sera déposée à l'IGPN vendredi après-midi", a-t-il confirmé à franceinfo. "Je fais totalement confiance aux policiers pour réaliser une enquête sérieuse, indépendante, et faire la lumière sur ces faits."
La liberté de la presse est un droit fondamental. Et un représentant des forces de l’ordre n’a pas, en aucun cas, à réagir de cette manière.
Laurent Bortolussi, journaliste pour Line Pressà franceinfo
Contactée à plusieurs reprises par franceinfo, la préfecture de police de Paris n'a pas donné suite à nos demandes d'interview, ne répondant ni sur une éventuelle enquête interne, ni sur la possibilité de sanctions à l'encontre de ce policier. Thomas Toussaint, délégué du pôle national CRS de l'UNSA Police, précise de son côté "qu'il est impossible de prendre position devant quelques secondes de vidéos". "On ne connaît pas le contexte de cet incident, et la présomption d'innocence est valable pour tout le monde, y compris pour les policiers", soutient le syndicaliste. Il précise tout de même que si Laurent Bortolussi porte plainte, "une enquête judiciaire sera obligatoirement ouverte", et qu'une "enquête administrative peut suivre si l'inspection générale de la police juge qu'elle est nécessaire".
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