Commission d'enquête sur la TNT : on vous résume la polémique autour du député Quentin Bataillon après son passage sur "TPMP"

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Le député Renaissance Quentin Bataillon, président de la commission d'enquête sur la TNT, le 14 mars 2024 à Paris. (VINCENT ISORE / IP3 / MAXPPP)
Président de cette commission, l'élu Renaissance a participé à l'émission de Cyril Hanouna, s'attirant les foudres de ses collègues. A gauche, des parlementaires réclament sa démission.

Le président de la commission d'enquête sur la TNT est dans la tourmente depuis son passage dans l'émission de Cyril Hanouna, "Touche pas à mon poste" ("TPMP"), mardi 2 avril. Quentin Bataillon, élu de la majorité présidentielle, y a critiqué l'animateur Yann Barthès, auditionné par la commission le 27 mars. 

"C'était une maladresse et je le regrette", a reconnu jeudi sur franceinfo le parlementaire. Entre recadrage et appels à la démission, franceinfo revient en cinq actes sur la polémique visant l'élu de 30 ans.

Acte 1 : la commission d'enquête auditionne plusieurs figures de la télévision, dont Yann Barthès

Depuis son lancement en décembre à l'initiative de députés LFI, la commission d'enquête  auditionne les responsables des plus grands groupes audiovisuels, dont Vincent Bolloré, ainsi que des présentateurs de CNews et C8 (groupe Canal+), tels Pascal Praud et Cyril Hanouna. Des auditions scrutées par le régulateur des médias, l'Arcom, qui devra décider en fin d'année si C8 et CNews gardent leur fréquence, après de nombreux rappels à l'ordre. La commission, elle, doit rendre ses conclusions le 8 mai au plus tard.  

L'animateur de "Quotidien" sur TMC (chaîne du groupe TF1), Yann Barthès, est entendu le 27 mars par les parlementaires, à la demande du Rassemblement national. Motif : ses membres ne sont pas invités sur le plateau du talk-show. "Le RN boycotte, discrédite et agresse les équipes de 'Quotidien' depuis des années", répond l'animateur devant la commission, déclarant que la "ligne éditoriale" de l'émission était marquée par des "valeurs d'humanisme, antiracistes". Aux élus du RN, Yann Barthès lance : "Je voulais savoir pourquoi vous vouliez absolument venir dans une émission qui ne vous plaît pas ?"

Egalement entendu, Ara Aprikian, numéro 2 du groupe TF1, responsable des contenus, assure que "toutes les sensibilités politiques s'exprim[aient] dans l'émission" et que le "cadre légal" était "parfaitement respecté". 

Concurrent direct de "Quotidien" avec son émission "TPMP", Cyril Hanouna se moque de Yann Barthès sur X après cette audition, pendant laquelle l'animateur s'est brièvement emmêlé dans ses propos après avoir égaré ses notes. C'est "Jean-Marc sans Jeff Panacloc", raille Cyril Hanouna en référence à une marionnette et son célèbre ventriloque.

Acte 2 : Quentin Bataillon, invité de "TPMP", critique l'attitude de Yann Barthès

Le président de la commission d'enquête sur la TNT se rend mardi sur le plateau de l'émission de Cyril Hanouna pour y évoquer les travaux de la commission, souvent critiquée précédemment dans "Touche pas à mon poste". L'élu de la majorité présidentielle égratigne au passage Yann Barthès : "Je crois que c'est la première fois que je me suis énervé, il avait une attitude assez arrogante dès le début, il refusait de répondre à nos questions", a affirmé Quentin Bataillon.

Le député tacle par ailleurs le rapporteur de la commission, l'insoumis Aurélien Saintoul, qui va rédiger son rapport "seul" d'ici début mai. "J'imagine qu'il sera marqué [politiquement]", commente Quentin Bataillon, en souhaitant "sortir de la chasse aux sorcières, de la chasse aux animateurs, aux journalistes, aux chaînes""On ne rentre pas dans les foyers des gens pour leur dire ce qui est bien, ce qui est mal" et, "parfois, le mépris que certains peuvent avoir pour votre émission se reporte sur ceux qui la regardent", déclare le parlementaire à Cyril Hanouna et ses chroniqueurs.

Acte 3 : plusieurs députés fustigent cette intervention et appellent à la démission

Aurélien Saintoul ne tarde pas à réagir sur X aux propos de son collègue. "Merci de votre démarche expérimentale pour faire avancer la commission d'enquête." "N'oubliez pas de vérifier si on peut désormais nommer, voire critiquer Vincent Bolloré dans 'TPMP' sans risquer de se faire agresser par Cyril Hanouna", ajoute-t-il en référence à un épisode de novembre 2022 où le député LFI Louis Boyard, invité de l'émission, a été insulté en direct après avoir mis en cause le patron du groupe.

Plusieurs autres députés dénoncent sur X l'intervention de Quentin Bataillon sur la chaîne C8. Pour Alexis Corbière (LFI), "plus personne ne peut croire à son indépendance et son objectivité". "En voilà encore un qui abîme le Parlement et se marre de saccager la démocratie", appuie l'écologiste Benjamin Lucas. Olivier Faure, chef du Parti socialiste, dénonce le fait d'"aller chez Hanouna pour cracher sur Barthès tout en présidant une commission d'enquête sur la TNT".

Comme le premier secrétaire du PS et d'autres à gauche, la maire de Paris, Anne Hidalgo, appelle mercredi au départ "sans délai" de Quentin Bataillon, estimant que sa venue et ses propos dans "TPMP" sont "un véritable scandale". La députée écologiste Sophie Taillé-Polian annonce de son côté saisir le déontologue de l'Assemblée nationale, en demandant sa "révocation".

Pour autant, rien, dans le règlement de l'Assemblée nationale ne prévoit de procédure de destitution pour un président de commission d'enquête. Une commission d'enquête a en effet son propre bureau, dont émanent le président et le rapporteur, rappelle une source parlementaire à franceinfo.

Acte 4 : Quentin Bataillon recadré par la majorité

Dès mardi soir, Sylvain Maillard, président du groupe Renaissance à l'Assemblée, se fend d'un appel à Quentin Bataillon, selon l'entourage du patron des parlementaires de la majorité, interrogé par franceinfo. Toujours d'après cette source, Sylvain Maillard "lui a rappelé ses responsabilités en tant que président de la commission en enquête, l'impartialité, qu'aller sur un plateau d'un auditionné pour en critiquer un autre, ce n'était pas possible. Et que sa parole n'engageait que lui et pas le groupe" Renaissance. 

Mercredi, c'est Yaël Braun-Pivet qui s'entretient avec le président de la commission, a appris franceinfo auprès de la présidente de l'Assemblée nationale. Un peu plus tôt dans la journée, elle avait appelé dans un communiqué le député Renaissance à la "réserve" et "au discernement" dans ses "prises de position" publiques.

Pour sa part, Yann Barthès prend la parole sur le sujet mercredi soir, dans son émission. "Je tiens simplement à dire au président de la commission qu'il a foutu en l'air une commission qui aurait pu apporter quelque chose au débat démocratique, qu'il a alimenté la machine à haine. Pour un élu de la nation, c'est très grave", lâche-t-il. "Je ne comprends pas du tout ce qu'il a fait. A quel moment il se dit que c'est une bonne idée ? Il gâche tout le travail de la commission...", appuie un député Renaissance auprès de franceinfo jeudi. 

Acte 5 : Quentin Bataillon reconnaît une "maladresse" mais assume un "acte de pédagogie" 

Invité sur franceinfo jeudi, Quentin Bataillon fait finalement acte de contrition : "C'était une maladresse et je le regrette", dit-il à propos de ses déclarations sur Yann Barthès. Pour autant, le député se défend en expliquant avoir accepté l'invitation de Cyril Hanouna pour "faire acte de pédagogie" et expliquer "le rôle de la commission d'enquête", maintenant que les auditions sont terminées. "Oui, j'ai un avis, j'ai une position politique", assure l'élu de la majorité tout en voulant se démarquer de son rapporteur LFI Aurélien Saintoul : "Je ne suis anti personne et pour personne, c'était le sens de ma présidence. C'est pour ça que j'ai dit que j'irai dans tous les médias. Le public de 'TPMP' et notamment les jeunes, c'était important de leur parler." 

Envisage-t-il de démissionner ? "Aujourd'hui, je suis dans un travail de pédagogie", répète Quentin Bataillon. Quant à la crédibilité de cette commission après cette polémique, son président assure que les "44 auditions se sont faites correctement". "Le rapport, ce n'est pas moi qui vais l'écrire, je n'ai aucune influence dessus", fait-il valoir.

Le député Renaissance glisse au passage avoir "contacté TF1 pour "transmettre" qu'il n'a aucune "forme d'animosité contre eux". "J'ai beaucoup de respect pour cette émission et si Yann Barthès m'invite, j'irai avec plaisir". 

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