Inflation : ce qu'il faut savoir sur l'augmentation des salaires en 2023 et 2024

Les hausses de salaire sont attendues à 4,5% en moyenne en 2023 en France, d'après une enquête du cabinet de recrutement PageGroup, pour une inflation à 5%. En 2024, un ralentissement conjoncturel pourrait limiter les augmentations.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Selon une étude du cabinet de ressources humaines LHH, publiée fin août 2023, la moitié des salaires en France connaîtront en 2023 une augmentation supérieure à 4,7%. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS / AFP)

La hausse des prix continue de tirer les salaires vers le haut en France. Les augmentations seront de 4,5% en moyenne en 2023, d'après une enquête publiée mercredi 13 septembre par le cabinet de recrutement PageGroup. Elles devraient ainsi presque compenser l'inflation, attendue à 5% en moyenne dans le pays cette année. Mais des disparités se font jour selon les secteurs d'activité. En 2024, le ralentissement conjoncturel pourrait en revanche compliquer la donne. A quoi faut-il s'attendre ? Franceinfo fait le point.

Des prix qui ont progressé nettement plus vite que les salaires

Ces niveaux d'augmentation des salaires sont exceptionnels. Ils n'avaient évolué que de 0,6% en moyenne par an entre 1996 et 2018, d'après l'Insee. Selon une étude du cabinet de ressources humaines LHH, publiée fin août, la moitié des salaires en France connaîtront en 2023 une augmentation supérieure à 4,7% et 93% des entreprises "ont prévu des mesures salariales" cette année.

Mais ces hausses viennent compenser une envolée des prix à la consommation, de l'ordre de 5% en moyenne pour l'ensemble de 2023, après 5,2% en 2022, toujours selon l'Institut national de la statistique. Cette augmentation est surtout sensible sur les prix des produits alimentaires (+11% sur un an en août). "Avant, on avait une inflation d'énergie, maintenant on a une inflation de supermarché", relève Benoît Serre, vice-président de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), qui pointe "un peu plus de fébrilité chez les dirigeants, parce que l'inflation continue".

Etant donné que les prix ont progressé nettement plus vite que les salaires l'an dernier, "sur deux ans, on n'a pas rattrapé pour la population moyenne le niveau de l'inflation", explique à l'AFP Laurent Blanchard, directeur général de PageGroup France. Eric Heyer, directeur du département analyses et prévisions de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), estime le décrochage des salaires par rapport aux prix à deux points de pourcentage. Mais, pour cet économiste, les employeurs ont aujourd'hui "des marges pour augmenter les salaires sans avoir à répercuter [ces hausses] sur les prix" et sans pour autant provoquer une spirale inflationniste.

Des hausses de rémunération variables selon les catégories de salariés

Face à l'inflation, les hausses de rémunération ont, plus souvent que par le passé, pris la forme d'augmentations générales, tandis que des "mesures salariales complémentaires" ont été prises par 60% des entreprises, relève l'étude de LHH. Parmi elles, la prime de partage de la valeur a été versée par 45% des entreprises, pour un montant médian déclaré de 775 euros, précise ce cabinet.

Les augmentations générales des ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise (Oetam), qui ont pour certains bénéficié des hausses du smic intervenues au 1er janvier et au 1er mai 2023, sont supérieures à 4,6% dans la moitié des cas, contre 4% pour les cadres, selon le cabinet Deloitte.

En tenant compte des dispositifs de rémunération variable et de l'épargne salariale, les augmentations médianes sont de 7% pour les Oetam et 3% pour les cadres. Le pouvoir de négociation reste toutefois très inégal selon les salariés. PageGroup relève ainsi que 40% d'entre eux "ont le sentiment de ne pas avoir eu leur salaire revalorisé au cours des deux dernières années".

Et, selon une enquête réalisée par le cabinet Robert Half, "45% des femmes et 48% des 45-65 ans déclarent n'avoir perçu aucune augmentation au cours des douze derniers mois", contre seulement 35% des hommes en général et 30% des 18-34 ans.

Des augmentations plus fortes pour les cadres dans l'informatique et les télécoms

Même si les salaires des cadres ont moins augmenté, en moyenne, que l'inflation, certains s'en sortent mieux que d'autres, selon leur secteur d'activité. Dans le BTP, selon le baromètre Expectra, un cabinet spécialisé en ressources humaines qui a publié une étude sur le sujet lundi 11 septembre, ils bénéficient de 2,6% de plus en 2023, soit le même niveau que l'année précédente et bien en deçà de l'inflation. Dans la comptabilité et la finance, les cadres perçoivent en moyenne presque 4% de hausse.

C'est dans l'informatique et les télécoms que les augmentations sont les plus fortes, notamment parce que les compétences autour du numérique, de la cybersécurité et de la transformation digitale sont très recherchées. Par exemple, le métier qui connaît la plus forte hausse cette année est "administrateur de service informatique", avec presque 10% de salaire en plus. Ces disparités entre secteurs d'activité se reflètent sur le territoire. Les augmentations sont les plus élevées en Provence-Alpes-Côte d'Azur, justement parce que cette zone héberge de nombreuses sociétés informatiques. La hausse y est de 4,2% contre, par exemple, 3,5% en Ile-de-France.

Pour un cadre sur deux, les augmentations accordées ne sont toutefois pas en adéquation avec l'inflation. Selon cette étude, près de 60% d’entre eux ont pensé à démissionner depuis le début de l'année pour cette raison. Le salaire reste leur priorité numéro 1, même s'ils se disent très sensibles aussi à l'autonomie et à la flexibilité qu'ils peuvent avoir dans leur emploi. Le télétravail ou la semaine de quatre jours peuvent ainsi les amener à être un peu moins regardants sur la seule rémunération.

Un ralentissement conjoncturel en 2024 qui affectera moins les métiers qualifiés

Alors que débutent les négociations annuelles dans les entreprises sur les hausses de salaire pour 2024, le ralentissement conjoncturel pourrait limiter les augmentations à venir. "Qui dit 'ralentissement marqué' dit 'destruction d'emplois et augmentation du chômage'", auquel cas le rapport de force changerait "en défaveur des salariés", note Eric Heyer.

"Le nombre de créations d'emplois est un peu moins dynamique depuis trois, quatre mois", constate de son côté Laurent Blanchard, de PageGroup. Le directeur de cabinet de recrutement ajoute toutefois que le taux de chômage, supérieur à 7% pour l'ensemble de la population, "est plutôt à 4%" dans les métiers qualifiés. Pour ces derniers, les entreprises sont prêtes à accorder des augmentations importantes afin de fidéliser des salariés. Et cette tendance devrait, selon lui, perdurer.

C'est notamment le cas dans l'industrie, avec les secteurs porteurs de l'énergie ou de l'aéronautique, liste Le Parisien. Selon le quotidien, les "métiers verdissants" sont également très recherchés par les entreprises contraintes à des objectifs RSE (Responsabilité sociétale des entreprises). Un consultant RSE avec au moins six ans d’expérience peut prétendre à un salaire annuel brut de 65 000 euros minimum, illustre le journal.

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