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"On n'avait plus le choix" : des maires expliquent pourquoi ils ont augmenté la taxe d'habitation

Les élus locaux interrogés par franceinfo rejettent tous la faute sur l'Etat. Ils accusent le gouvernement de les priver de leurs ressources.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le 12 février 2014 à Lille (Nord). (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Une bien mauvaise surprise pour certains contribuables. En 2018, la taxe d'habitation a augmenté dans plus de 11 000 communes françaises, en raison d'une hausse des taux d'imposition décidés soit par les municipalités elles-mêmes, soit par les intercommunalités auxquelles elles appartiennent. Pour comprendre les raisons de cette augmentation, franceinfo a interrogé des maires et responsables administratifs des 20 communes où la hausse du taux d'imposition communal a été le plus fort.

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"On n'a pas augmenté pour le plaisir"

A Sassenage, dans l'Isère, la part communale* de la taxe d'habitation a par exemple grimpé de 11,98% entre 2017 et 2018. "On n'a pas augmenté pour le plaisir", proteste le maire de cette ville de 11 000 habitants environ, Christian Coigné (UDI), joint par franceinfo. "Les impôts n'avaient pas augmenté depuis quinze ans", rappelle-t-il. Mais cette fois, il a dû s'y résoudre. "En 2001, le budget de la commune était de 23 millions d'euros. Aujourd'hui, il est de 17 millions d'euros. On n'y arrive plus. On est en plein dans l'effet ciseau."

Augmenter la taxe d'habitation, c'est la seule solution qu'on a trouvée pour éviter de réduire les services aux habitants.

Christian Coigné, maire UDI de Sassenage (Isère)

à franceinfo

Et d'autres facteurs ont joué. "Depuis cinq ans, la commune est classée risques naturels et on ne peut plus construire. Cela représente huit millions d'euros de manque à gagner sur cinq ans pour la commune. Et, parallèlement à ça, l'Etat nous taxe de 200 000 euros par an parce qu'on n'a pas 25% de logements sociaux", fustige-t-il. L'élu isérois, "très en colère", dénonce le "racket" de l'Etat. "Les communes sont complètement étranglées, juge-t-il. L'Etat nous demande d'être vertueux, d'avoir des budgets à l'équilibre, mais lui n'est pas vertueux et, pour équilibrer son budget, il ponctionne les communes." "Ce gouvernement, c'est 'en marche ou crève' et pour les communes, c'est 'crève', lâche l'édile, très déçu".

"Maltraités" par l'Etat ?

A Puget-sur-Argens, dans le Var, la part communale de la taxe d'habitation a bondi de 20,17% pour les quelque 7 500 habitants. "C'est une des rares taxes qu'on pouvait encore bouger", plaide le maire divers droite, Paul Boudoube. L'édile estime lui aussi avoir été "maltraité" par l'Etat. "Notre dotation globale de fonctionnement a été quasi supprimée par l'Etat. Elle est passée de 1,2 million d'euros à un peu plus de 80 000 euros", déplore-t-il.

Le maire varois fait cependant valoir une autre statistique. Si la hausse de la part communale de la taxe d'habitation est brutale, son taux reste "bas". Entre 2017 et 2018, il est passé de 11,9% à 14,3%. "Nous avons un des taux les plus bas du département par rapport aux communes comparables, d'après la Chambre régionale des comptes", assure l'élu. Paul Boudoube n'est "pas trop inquiet" pour son avenir, car ses concitoyens, affirme-t-il, ne sont "pas trop mécontents" de sa gestion.

"A un moment, on ne peut plus"

A Vaires-sur-Marne, en Seine-et-Marne, la mairie a porté la part communale de sa taxe d'habitation de 19,37% à 22,28%, soit une hausse de 15,02% pour les quelque 13 500 habitants. "A un an et demi des élections municipales, ce n'est pas terrible", reconnaît le cabinet de la maire (LR), avant de se défendre.

On n'avait plus le choix. Ce n'était plus possible de faire des économies.

Le cabinet du maire de Vaires-sur-Marne

à franceinfo

"Le taux d'imposition n'avait pas bougé depuis 2005, explique la mairie. L'Etat nous demande sans cesse de faire des économies. Ici, les économies ont été faites pendant treize ans. A un moment, on ne peut plus. On s'était déjà posé la question l'an passé. C'était soit augmenter la taxe d'habitation, soit supprimer des services. Le cabinet d'audit que nous avons missionné proposait 20% de hausse."

"On est en train de palier les insuffisances de l'Etat"

A Maizières-lès-Metz, le maire, Julien Freyburger (LR) s'emporte contre cette liste des bons et mauvais élèves "opportunément" et "scandaleusement" publiée par Bercy. "On est en train de palier les insuffisances de l'Etat et en plus on est montré du doigt." Dans cette ville de quelque 12 000 habitants, la hausse de la part communale de la taxe d'habitation a atteint 18,02% en un an. Mais "on part d'un taux relativement bas", proteste l'élu local. "Le gouvernement nous a conduits à ça", accuse l'édile. "La dotation de l'Etat est passée de 1,3 million d'euros en 2014 à 465 000 euros en 2018, chiffre-t-il. On m'explique que la ville est sous fiscalisée, sous endettée et donc sous dotée. Bref, on pénalise les bons élèves."

Julien Freyburger me ten avant les "efforts surhumains" réalisés par sa municipalité : "On a réduit de 20% les dépenses courantes, on a 17% d'agents municipaux en moins. Et en même temps, les charges transférées par l'Etat ont augmenté de 12%. A un moment, ça devient compliqué." Et le maire de s'interroger sur les conséquences de la mesure fiscale phare du quinquennat d'Emmanuel Macron : "Où en sera-t-on quand la suppression de la taxe d'habitation sera entérinée ?"

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