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Immobilier : les "exclus" de Paris et sa proche banlieue

Les prix des logements anciens dans la capitale continuent de battre des records. A tel point que certains Français renoncent à acheter. Ils ont livré leur témoignage à francetv info.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Comme Caroline et son compagnon, certains Français qui imaginaient s'installer à Paris et sa proche banlieue renoncent, car les biens immobiliers en vente sont trop chers pour eux. (PASCALE BOUDEVILLE / FRANCETV INFO)

Comment a évolué votre pouvoir d'achat immobilier depuis 2000 ? Combien avez-vous perdu ou gagné de mètres carrés ? C'est la question à laquelle francetv info va tenter de répondre toute cette semaine à travers une série d'articles et un moteur de recherche exclusif à retrouver ici : "Prix de l'immobilier, calculez l'évolution de votre pouvoir d'achat".

Paris va-t-il devenir un musée ? Avec un mètre carré qui a atteint 8 440 euros en moyenne au troisième trimestre 2012, les prix des logements anciens dans la capitale continuent de battre des records. Et ceux de la proche banlieue parisienne s'en rapprochent. A tel point que certains Français qui imaginaient s'y installer renoncent aujourd'hui à acheter.

"Entre la fin des années 90 et mi-2008, les prix des logements anciens ont augmenté de façon ininterrompue", indique l'Insee, qui évalue cette hausse à 110%. A Paris, elle a été encore plus importante. "Les prix des biens les moins chers ont augmenté de 130% pendant la crise, indique Claire Juillard, auteure d'une étude de la chaire Ville et Immobilier de Paris-Dauphine (document PDF), contactée par francetv info. Avec de telles augmentations sur les biens les moins valorisés, ce sont les classes moyennes qui ont de plus en plus de mal à accéder à la propriété."

Pour illustrer ce phénomène, francetv info a demandé à des Français de raconter leur expérience dans l'immobilier.

1Cécile a renoncé à acheter après 11 mois de recherche

Un appartement de deux pièces de 35 m2, au minimum, plutôt lumineux et pas en rez-de-chaussée, situé dans le sud de Paris intra-muros ou dans le 9e arrondissement. C'est le logement que Cécile, 32 ans, psychomotricienne, souhaitait acheter seule en 2011. "Je ne voyais pas l'intérêt de me retrouver en banlieue, n'ayant pas d'attaches dans la région", explique-t-elle. Payée 1 900 euros net par mois, elle comptait surtout sur un apport personnel, qui s'élève à environ 70 000 euros et provient d'un héritage perçu en 2008.

Après onze mois de recherche, Cécile a renoncé à acheter. Les appartements qu'elle a visités étaient trop petits (moins de 30 m2) ou nécessitaient de nombreux travaux. "J'ai visité un appartement de 35 m2 à 270 000 euros sans rien, même la salle de bain était à créer", raconte-t-elle. "Je pense que j'aurais pu acheter un appartement convenable avant 2009, juge-t-elle. Aujourd'hui, c'est trop cher pour la surface que je souhaite."

2Caroline, en couple, a abandonné tout projet à Paris

En 2008, Caroline (le prénom a été changé), 27 ans, ingénieure, originaire de Nîmes (Gard), s'est installée avec son compagnon à 10 km du centre de Paris, dans les Hauts-de-Seine, pour des raisons professionnelles. Deux ans plus tard, le couple a voulu acheter un appartement en région parisienne. Avec un budget d'environ 250 000 euros et un apport qui représentait 10% de cette somme, ils se sont mis en quête d'un T2. Aujourd'hui, après avoir consulté de nombreuses annonces immobilières sur internet, sans même effectuer de visites, ils ont abandonné leur projet : tout était trop cher pour eux.

Le couple aurait dû s'éloigner de Paris et de sa petite couronne, mais ni l'un ni l'autre n'en avait envie. Finalement, ils ont déménagé en août, et louent un appartement de 50m2 à Vanves (Hauts-de-Seine). Plus grand que leur précédent logement, il correspond à leurs besoins et à leurs envies. "S'il était à vendre, on n'aurait pas les moyens de l'acheter." Caroline et son compagnon achèteront plus tard, ailleurs. Le couple envisage de quitter Paris dans quatre ou cinq ans, par opportunité professionnelle avant tout. Mais aussi personnelle : ils préfèrent fonder une famille dans une autre région. "Lyon nous plairait bien", dit-elle. Les prix de l'immobilier à Paris et en proche banlieue parisienne ont conforté ce choix.

3Laurence et William, en couple avec un enfant, vont élargir leurs recherches

Laurence (les prénoms du couple ont été changés), 40 ans, scénographe, a récemment hérité de 70 000 euros et veut investir cette somme "dans la pierre". Aujourd'hui, elle est locataire d'un appartement dans le 12e arrondissement de Paris avec son compagnon, William, 33 ans, lui aussi scénographe, et leur enfant de 3 ans. Le couple cherche un appartement d'environ 75 m2, pour 350 000 euros maximum, dans la banlieue proche de Paris. Il doit comporter quatre pièces, car Laurence a besoin d'un bureau pour exercer son travail à domicile. Leurs premières visites n'ont pas été fructueuses : "Il y a toujours de gros défauts, comme l'emplacement de l'appartement, ou alors c'est trop cher."

Laurence se dit maintenant prête à élargir les recherches jusqu'aux dernières stations de RER, notamment Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), pour avoir une terrasse, voire un petit jardin. William, son compagnon, n'est pas du même avis : il préfèrerait rester près de Paris. Trouver une forme de compromis dans un logement sans dépasser leur budget est donc un véritable casse-tête. "Cela nous oblige à repenser notre idéal de vie", résume Laurence.

Que révèlent ces témoignages ?

Comme le montrent ces récits, la capacité d'achat immobilier des ménages franciliens est faible. La situation s'est particulièrement dégradée à partir de 2005, selon le baromètre Dauphine-Crédit Foncier de l'immobilier résidentiel, 2008 étant le point le plus bas. "Au troisième trimestre 2010, moins de 3 ménages franciliens sur 10 pouvaient accéder à la propriété à Paris", selon un de ces baromètres (document PDF) publié en janvier 2011. Un chiffre qui a peu évolué depuis.

La situation familiale joue aussi sur la capacité d'achat, révèle le baromètre Dauphine-Crédit Foncier d'avril 2011 (document PDF). Ainsi, les couples sans enfants, comme Caroline et son compagnon, ont une capacité d'achat plus importante que les autres ménages. Toutefois, près de six ménages de ce type sur dix seulement "sont éligibles", selon le baromètre. Quatre sur dix ont donc une capacité d'achat réduite. Quant aux couples avec enfants, comme Laurence et William, ils ont souvent des besoins plus grands et donc une capacité d'achat plus faible par rapport aux autres ménages.

"Entre ces deux extrêmes, on retrouve une situation intermédiaire propre aux ménages célibataires", relève l'auteur du baromètre, Kevin Beaubrun-Diant. En Ile-de-France, seuls 35,2% des ménages célibataires peuvent s'acheter un bien correspondant à leurs besoins. Cécile fait partie des 64,8% restants.

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