Passoires thermiques : quatre questions sur le changement de calcul du diagnostic de performance énergétique pour les petites surfaces
Christophe Béchu promet un "choc de la simplification du logement". Le ministre de la Transition écologique a annoncé, lundi 12 février dans les colonnes du Parisien, une révision du calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les logements de petites surfaces. Une mesure qui vise à sortir ces habitations de la catégorie des passoires thermiques.
Combien de logements sont concernés ? Pour quelles raisons le gouvernement a-t-il pris cette décision ? On vous explique ce que va changer cette mesure, qui ne fait pas l'unanimité chez les acteurs du secteur du logement.
1 Quels logements sont concernés par cette annonce ?
Le DPE classe les logements de A à G en fonction de leur consommation d'énergie et de leur impact sur le climat. "Plus de 27% des très petits biens" sont "considérés comme des passoires" énergétiques et sont étiquetés F ou G, avance le ministre de la Transition écologique. Une classification " qui ne reflète pas la réalité", selon lui.
Pour y répondre, Christophe Béchu a annoncé la publication prochaine d'un arrêté modifiant le calcul du DPE. Il permettra à 140 000 logements de moins de 40 m² de sortir "de la catégorie des passoires énergétiques". Ces logements ne seront donc plus soumis à l'interdiction de location qui s'appliquera à partir du 1er janvier 2025 à tous les biens classés G, et à partir de 1er janvier 2028 à ceux accompagnés d'un E. Pour rappel, les logements les plus énergivores (G+), sont déjà concernés par cette interdiction depuis le 1er janvier 2023.
Pour les logements qui ont un DPE déjà établi, l'observatoire DPE-Audit de l'Agence de la transition écologique a mis en ligne mardi matin un simulateur afin de savoir si un bien est concerné par le changement de calcul. Il permet de vérifier la classe énergétique du logement et "d'obtenir une attestation valant nouvelle étiquette en cas de bascule", a expliqué Christophe Béchu.
2 Comment le gouvernement justifie-t-il cette décision ?
Le ministre de la Transition écologique juge que les petites surfaces sont pénalisées par "un biais de calcul" du DPE. "On s'est rendu compte que plus la surface d'un logement est petite, plus la part de l'eau chaude sanitaire", qui dépend entre autres de la taille du ballon, "pèse sur son classement, sans lien réel avec le nombre d'occupants", affirme Christophe Béchu. Un coefficient de pondération sur la production d'eau chaude sera donc introduit.
Dans un contexte de crise du logement, cette mesure vise à créer "un choc d'offres pour permettre de débloquer la situation sur le marché de l'offre locative", a plaidé lundi le ministre du Logement sur RTL. "On va s'employer dans les semaines et dans les mois qui viennent à simplifier les choses au maximum", s'engage Guillaume Kasbarian.
3 L'interdiction de location de tous les logements classés G au 1er janvier 2025 va-t-elle être repoussée ?
Non. L'exécutif assure ne pas souhaiter "touche[r] pas au calendrier et à l'ambition". "Mais on va clarifier certaines règles qui s'appliquent au 1er janvier prochain" sur l'interdiction de location des passoires énergétiques, ajoute le ministre de la Transition écologique.
Le gouvernement déposera une série d'amendements au projet de loi sur les copropriétés, examiné au Sénat fin février. Ils préciseront que "la nécessité d'avoir fait des travaux pour relouer une passoire thermique classée G ne s'appliquera qu'au moment du renouvellement du bail, soit par renouvellement tacite, soit au changement de locataire", a annoncé Christophe Béchu.
Ainsi, "aucun locataire ne sera sorti de force de son logement parce qu'il est une passoire", promet le ministre. En cas de reconduction tacite du bail, "le refus par un locataire de déménager d'un logement classé G le temps de sa rénovation" constituera "une clause exonératoire de travaux pour le propriétaire". Cette souplesse s'appliquera également aux "copropriétés qui ont voté des travaux, mais qui n'ont pas eu le temps de les faire", ajoute Guillaume Kasbarian. Dans cette situation, l 'interdiction de louer sera suspendue pendant deux ans à compter de la date du vote en assemblée générale.
4 Comment réagissent les acteurs du secteur ?
La mise en place d'un DPE pondéré pour les petites surfaces était une demande de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers et de la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier. Dans un communiqué commun avec le Syndicat interprofessionnel du diagnostic immobilier, les trois organisations "se félicitent" de cette décision. "Le couperet des interdictions de louer s'éloigne d'au moins un an, ce qui permettra d'inscrire ces opérations indispensables dans un temps plus réaliste", écrivent-elles.
"Cette modification va permettre de remettre des appartements à la location", a pour sa part salué le président de la Fédération française du bâtiment, Olivier Salleron, auprès de l'AFP. "C'est bénéfique même si le gouvernement aurait pu modifier le calcul du DPE des logements chauffés à l'électricité, pénalisés par rapport au gaz", complète le président de la Fédération nationale de l'immobilier, Loïc Cantin. Une telle modification est d'ailleurs souhaitée par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, mais l'arbitrage gouvernemental à ce sujet n'est pas encore arrêté.
Du côté des associations, les réactions sont à l'opposé. Sur franceinfo, le président de la Confédération nationale du logement, première association de locataires HLM, y voit " un tour de passe-passe" et un "formidable cadeau donner aux propriétaires" qui "ne va pas solutionner les problématiques de la qualité des logements". "Compte tenu de la situation actuelle sur le marché de la location", l'association Droit au logement anticipe également les difficultés pour les locataires de trouver une solution de logement d'appoint pendant la durée des travaux de rénovation.
"On ne fait que différer la volonté de mieux isoler les immeubles, tout en préservant la rentabilité pour les bailleurs."
Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l'association Droit au logementà franceinfo
"Il faudra vérifier que le délai laissé aux propriétaires n'est pas une échappatoire pour ne pas faire de travaux", insiste le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre. "Ce qui est normal, c'est de faire des ajustements après concertation, ce qui est inquiétant, c'est de les faire au fil de l'eau en catimini dans la presse, et que ça puisse donner l'impression aux bailleurs qu'ils vont s'en sortir sans faire des travaux", met en garde Manuel Domergue auprès de l'AFP.
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