Crédit immobilier : que vont changer les nouvelles règles d'emprunt pour vous ?

Le Haut conseil de stabilité financière a annoncé des mesures pour allonger le délai d'emprunt ou encore réexaminer les dossiers en cas de refus de prêt.
Article rédigé par Alice Galopin
France Télévisions
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Un appartement à vendre à Paris, le 5 décembre 2023. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS / AFP)

Des "ajustements techniques", mais qui ne reviennent pas sur les "fondamentaux" des règles d'octroi des crédits immobiliers. A l'occasion d'une réunion du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), le ministère de l'Economie et la Banque de France ont annoncé, lundi 4 décembre, plusieurs mesures pour assouplir le recours à l'emprunt, et réveiller un marché de l'immobilier au ralenti.

Même si ces annonces ne chamboulent fondamentalement pas les conditions d'accès au crédit, elles vont "remettre un peu d'huile dans les rouages" et apporter "de petites améliorations pour certains profils" d'emprunteurs, observe Cécile Roquelaure, directrice d'études chez Empruntis. Franceinfo fait le point sur ces mesures.

Des prêts jusqu'à 27 ans en cas de gros travaux

Pour lutter contre le surendettement, le Haut conseil de stabilité financière interdit depuis 2022 aux banques d'accorder un crédit immobilier si les dépenses liées à l'habitation (remboursement d'emprunt, loyer, factures énergétiques, etc.) dépassent 35% des revenus des emprunteurs. C'est ce qu'on appelle le taux d'effort. Le HCSF limite également la durée maximum des crédits à 25 ans, à quelques exceptions. "Si vous achetez dans le neuf, vous avez déjà le droit de rajouter deux ans de différé, le temps de faire construire", rappelle Cécile Roquelaure. 

Cette durée maximale d'emprunt était déjà allongée à 27 ans en cas de travaux de rénovation représentant 25% du coût total du projet. La nouvelle décision du HCSF (document PDF), publiée lundi, abaisse ce seuil et permettra de bénéficier d'un crédit sur 27 ans dès que les travaux représentent "10% du coût total de l'opération". Cette mesure s'appliquera à "tous types de travaux", assure le ministère de l'Economie à franceinfo, qu'il s'agisse de travaux de rénovation énergétique, d'aménagement ou de modernisation.

Allonger la durée de crédit permet de réduire le poids des mensualités pour les emprunteurs. A taux d'intérêt inchangé, cette extension de 25 à 27 ans diminuera de 22 euros les mensualités d'un ménage qui emprunte 100 000 euros, et de 45 euros pour un crédit de 200 000 euros, calcule la directrice d'études d'Empruntis. "En diminuant les mensualités, mécaniquement, le HCSF fait baisser le taux d'effort et va donc permettre à quelques ménages supplémentaires d'avoir droit au crédit", expose Cécile Roquelaure.

L'impact de cette mesure risque toutefois d'être "extrêmement limité", selon l'experte. Cette mesure "va jouer à la marge" pour les ménages qui dépassaient de très peu le seuil de 35% de taux d'effort. Caroline Arnould, directrice générale du réseau de courtiers Cafpi, argumente également auprès de Ouest-France que "les dossiers avec des travaux ne sont pas très nombreux", et que "les prêts avec travaux représentent 2% chez Cafpi". "Et puis surtout, vous allez ajouter du coût de crédit, car rallonger un prêt, cela veut dire payer plus d'intérêts", déplore Cécile Roquelaure.

Les intérêts des prêts-relais exclus du taux d'effort

La deuxième annonce s'adresse aux foyers qui ont souscrit à un prêt-relais et qui souhaitent en parallèle décrocher un crédit immobilier classique. Le HCSF a décidé d'autoriser les banques à exclure les intérêts versés dans le cadre d'un prêt-relais du calcul du taux d'effort de l'emprunteur. A condition cependant que le montant du prêt-relais ne dépasse pas 80% de la valeur du bien vendu. 

"Le prêt-relais est destiné à des ménages qui font une opération d'achat et qui revendent leur logement en même temps. Ces profils représentent une petite partie des emprunteurs."

Cécile Roquelaure, directrice d'études d'Empruntis

à franceinfo

Les secundo-accédants ne représentent qu'environ "20% des acquéreurs d'une résidence principale", souligne la spécialiste. Par ailleurs, la Banque de France estime que les prêts-relais concernent seulement 7 à 8% de la production de crédits immobiliers. "Ce n'est pas une révolution. Aujourd'hui, les banques ont déjà accès à des dispositifs, comme le prêt-relais acquisition ou le différé partiel ou total, qui permettent de ne pas inclure le prêt-relais dans le calcul du taux d'effort", analyse la courtière Caroline Arnould auprès de Ouest-France.

Maël Barnier, porte-parole du site du courtage MeilleurTaux, regrette sur franceinfo que le HCSF ne revienne pas sur la règle des 35% de taux d'effort. "Sur le terrain, on voit qu'elle bloque près d'un dossier sur deux, y compris parmi des Français qui ont des revenus confortables", affirme la spécialiste, qui déplore des dossiers refusés à "36, 37 ou 38% d'endettement".

Plus de flexibilité pour les banques

Les banques disposent en outre d'une marge de manœuvre pour accorder des crédits au-delà de la durée réglementaire ou à un ménage dont le taux d'effort dépasse 35%. Au total, 20% des dossiers validés par un établissement de crédit chaque trimestre peuvent contourner ces règles, à condition que cela concerne en priorité des emprunts pour l'achat d'une résidence principale. 

En réalité, ces quotas d'exception sont sous-utilisés par les banques. Le HCSF constate que "l'utilisation de la marge de flexibilité des banques reste nettement en dessous du plafond de 20%, à 14,3 % au troisième trimestre 2023". Pour y remédier, l'autorité a décidé de lisser cette marge de dérogations sur trois trimestres glissants. Elle espère ainsi donner un peu plus de flexibilité aux banques pour qu'elles ne refusent pas en cours de trimestre un crédit à des emprunteurs, de crainte d'avoir déjà épuisé leurs quotas d'exception. 

Cécile Roquelaure redoute que ce nouveau mode de calcul "ne change rien". "C'est difficile pour les banques à la tête d'un réseau d'agences de piloter agence par agence le taux de dérogation. Avec cette nouvelle complexité, beaucoup préféreront être prudentes", abonde Caroline Arnould auprès de Ouest-France.

Un droit de réexamen en cas de refus de prêt

Enfin, le HCSF s'est prononcé en faveur d'un dispositif de réexamen en cas de refus de prêt immobilier. "Un mécanisme de réexamen des dossiers va être mis en place par les banques pour qu'un second regard puisse être porté à des dossiers solvables qui auraient été rejetés", détaille dans une note Agnès Bénassy-Quéré, seconde sous-gouverneure de la Banque de France. 

Le ministre de l'Economie explique vouloir instaurer "une procédure à l'amiable, entre l'emprunteur et le banquier". "Cette procédure doit permettre d'aider à comprendre pourquoi le prêt a été refusé et éventuellement, si la situation de l'emprunteur le permet, conduire à une révision de la décision", avance Bruno Le Maire au Parisien. Le dispositif doit entrer en vigueur en février, complète le ministère auprès de franceinfo.

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