Urgences en grève : l'Association des médecins urgentistes de France réclame "4 milliards d’euros pour les hôpitaux et les Ehpad"
La ministre de la Santé, elle, propose 70 millions d'euros.
Après presque quatre mois de mobilisation dans certains services d'urgences, une nouvelle manifestation a lieu mardi 2 juillet. L'objectif est de "signifier à la ministre [Agnès Buzyn] que ce qu'elle a proposé jusqu'à présent n'est pas suffisant", explique Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France, sur franceinfo. "Elle [la ministre de la Santé] nous propose 70 millions, nous réclamons 4 milliards pour les hôpitaux et les Ehpad [établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes]", poursuit-il.
franceinfo : Que recherchez-vous avec cette nouvelle manifestation ?
Christophe Prudhomme : Elle peut signifier à la ministre que ce qu'elle a proposé jusqu'à présent n'est pas suffisant. C’est même considéré comme une aumône, par les personnels. Parce qu’aujourd’hui, au-delà des services d’urgences, d’autres services se mettent en grève. C’est l’ensemble de l’hôpital qui est en train de s’effondrer, et nous avons besoin d’un véritable plan Marshall pour l’hôpital. Nous demandons des effectifs, des lits supplémentaires et des augmentations de salaire.
Mais la prime de risque, 100 euros net par mois, a été mise en place depuis lundi. N’est-ce pas un premier pas ?
Déjà, il s’agit d’une prime, donc si vous quittez le service d'urgences, vous ne la touchez plus. Ce qui est demandé, ce n'est pas 100 euros, mais 300 euros. Vous savez qu'une infirmière aujourd'hui en France, par rapport à ses collègues des autres pays de l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économique], gagne 400 euros de moins par mois. C'est l'une des raisons pour lesquelles on a du mal à recruter, en particulier dans les grandes villes et à Paris. Et les 70 millions d'euros, la prime, c'est toujours bon à prendre mais c'est très en dessous de ce qu’il nous faut. Aujourd'hui, il y a une solution qui est très simple, c'est supprimer la taxe sur les salaires, qui est un impôt prélevé sur le budget de l'hôpital et qui est un impôt honteux. Ça représente 4 milliards d'euros, et ce sont ces 4 milliards que nous réclamons aujourd'hui pour l'hôpital en général et pour les Ehpad. C'est en train de craquer partout. Nous avons trop de personnes âgées qui arrivent dans les services d'urgences, parce qu'il n'y a pas assez de personnel dans les Ehpad.
La proposition de création de 230 postes à Paris en Île-de-France par l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) ne permettra-t-elle pas de répondre localement au problème ?
Martin Hirsch [directeur de l’AP-HP] se fout de nous. Il nous propose des postes aux urgences, mais dans le même temps, il est en train d'appliquer un plan de retour à l'équilibre qui est en fait un plan d'économies, avec 800 à 1 000 suppressions d'emplois par an jusqu'en 2022. Donc en fait il ne donne pas 230 postes aux urgences, il diminue un peu les suppressions d'emplois prévues. Mais si on supprime des emplois, ça va transférer le problème dans d'autres services. Le directeur général de l'Assistance publique et les directeurs d'hôpitaux aujourd'hui ne peuvent pas mettre l'argent qu'ils n'ont pas. Or, qui décide du budget des hôpitaux ? C'est la ministre de la Santé, dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale. Et aujourd'hui il va falloir serrer les cordons de la bourse, mais pas à hauteur de 70 millions.
Vous avez une obligation de service minimum, y compris pendant cette période de grève. Est-ce que ça vous empêche de réellement mettre la pression sur le gouvernement ?
Le gouvernement a quand même une certaine pression. Nous ne sommes pas le seul service public à se mettre en grève de manière symbolique : nos collègues pompiers sont en grève depuis une semaine et ont déposé un préavis de grève pour les deux mois d'été. Notre meilleur soutien vis-à-vis du gouvernement c'est la population. Un sondage paru la semaine dernière montre que 92% de la population nous soutient. Et puis, notre grève va se poursuivre pendant l'été. Il y aura des rendez-vous à la rentrée. Vous savez, la grève c'est plutôt les initiatives très ponctuelles, pour faire un peu parler de nous. La grève se développe aussi énormément en province, elle est partie de Paris il y a plusieurs mois mais maintenant c'est la province qui se met en branle, avec des services qui rentrent en grève seulement aujourd'hui notamment à Metz, Saint-Flour, Draguignan… Le mouvement s’étend.
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