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Tribune "C'est à lui de saisir l'opportunité de sa nouvelle fonction" : douze collectifs et syndicats hospitaliers réagissent à la nomination d'Olivier Véran

Ces représentants du personnel hospitalier appellent le nouveau ministre de la Santé à des négociations urgentes pour sortir de la crise de l'hôpital.

Article rédigé par franceinfo
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Manifestation du personnel hospitalier à Paris, le 14 février 2020. (JEROME GILLES / NURPHOTO)

"L'heure est à l'ouverture d'urgence de négociations." Le personnel hospitalier est fatigué d'attendre. Depuis presque un an, médecins, paramédicaux, internes sont en grève pour exiger plus de moyens pour les hôpitaux et la santé. Le "plan d'urgence" annoncé par le gouvernement, en novembre dernier, qui prévoit entre autres une enveloppe supplémentaire de 1,5 milliard d'euros sur trois ans pour le budget des hôpitaux, a été jugé insuffisant par les soignants. Après la démission de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, dimanche 16 février, pour candidater à la mairie de Paris, les blouses blanches ne se réjouissent pas du choix de son successeur Olivier Véran. Douze collectifs et syndicats hospitaliers s'inquiètent que sa nomination conforte "l'idée que ce ministère n'est finalement qu'une coquille vide". Ils s'expriment ici librement.


Madame Agnès Buzyn démissionne de son poste de ministre des Solidarités et de la Santé pour remplacer le candidat LREM à l'élection à Paris, Benjamin Griveaux, optant ainsi résolument pour la carrière politique et abandonnant les dossiers en cours. Parmi eux, la situation de l'hôpital public, qui vit une crise d'une ampleur inédite dénoncée depuis bientôt un an par les organisations syndicales médicales et paramédicales l'Association des médecins urgentistes de France, l'Action praticiens hôpital, CFE-CGC, CFTC, CGT, CFDT, l'intersyndicale nationale des Internes, SUD et UNSA, le collectif Inter Blocs, le collectif Inter Hôpitaux, le collectif Inter Urgences, le printemps de la psychiatrie et la Coordination Nationale des Comités de défense des Hôpitaux et Maternités de proximité. Ce mouvement, qui pour la première fois uni hospitaliers, usagers et associatifs, met en lumière la dégradation des conditions de travail et de la qualité du travail dans les hôpitaux publics et les établissements de santé et de l'action sociale.

De l'impuissance d'Agnès Buzyn

Depuis des mois, les personnels médicaux, paramédicaux, usagers et organisations sont à l'offensive pour dénoncer la situation en impulsant diverses initiatives : une pétition signée par plus de 300 000 personnes à l'initiative des représentants des usagers, des manifestations à répétition, lettres de soutien d'élu·e·s, démission de plus de 900 médecins de leur fonction administrative, journées mortes pour l'hôpital, etc. La seule réaction du gouvernement aura été la profusion d'effets d'annonces.

La magie des mots s'évanouit à la lumière des chiffres de la loi.

Les signataires de la tribune

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Seuls 200 millions supplémentaires ont été attribués à l'hôpital en 2020 sur un budget total de 84 milliards... Une somme dérisoire pour répondre aux besoins, pour revaloriser les rémunérations des infirmier·e·s qui sont au 28e rang des pays de l'OCDE, pour embaucher et avoir des effectifs aux lits des malades. Car le gouvernement répond par une prestidigitation arithmétique là où il faut des humains, tout en continuant à fermer des lits – voire des structures entières dans le cas de la psychiatrie – tandis qu'il conviendrait, pour le bien des patients, d'en rouvrir d'urgence.

Madame Agnès Buzyn qui se targuait de "vouloir sauver l'hôpital public" n'a pas obtenu les nécessaires arbitrages budgétaires face à Bercy. Il aura fallu deux mois de mobilisation générale d'octobre à décembre 2019 pour que la loi révisée de financement de la Sécurité sociale permette une augmentation du budget hospitalier de 0,2% dérisoire au regard des difficultés objectivées. Les personnels de la santé et de l'action sociale garderont une impression d'impuissance d'une ministre qui partageait parfois le constat mais qui a été incapable d'inverser les politiques d'austérité et économiques qui s'abattent dans nos secteurs d'activités, laissant ainsi sans réponses adaptées et concrètes les personnels en souffrance qui défendent leur outil de travail et la qualité des missions de service auprès de la population.

Prouver qu'il a une marge de manœuvre

Monsieur Olivier Véran succède à celle-ci à la tête du ministère. Il prévient d'emblée qu'il n'y aura pas de "tour de chauffe" et nous n'en avons aucun doute, puisqu'il a été un rapporteur zélé du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et l'un des plus actifs parlementaires sur le domaine de la santé. Il est dès lors, très surprenant que sa première mesure puisse être une enquête sur le mal-être des hospitaliers, monde qu'il dit "si bien connaître".

Cette disposition apparaît comme une provocation et une manœuvre dilatoire alors que la situation empire sur le terrain et que l'heure est à l'ouverture d'urgence de négociations avec les organisations ainsi que les différents acteurs de terrain.

Les signataires de la tribune

sur franceinfo

Le nouveau ministre des Solidarités et de la Santé avant sa nomination s'était déjà exprimé publiquement et auprès de nos organisations sur la nécessité de revalorisation des salaires. C'est à lui maintenant de se saisir de l'opportunité de sa nouvelle fonction et de ses nouvelles responsabilités pour faire sortir de la crise l'hôpital et les établissements de santé et d'action sociale. Toute autre attitude conforterait l'idée que ce grand ministère n'est finalement qu'une coquille vide sans marges de manœuvres, budgétaires et politiques, pour gérer les urgences sociales et humaines que traversent les établissements du sanitaire, médico-social et social de métropole et des territoires ultra-marins. Toute autre attitude conforterait, in fine, la légitimité de notre démarche visant à négocier auprès du Premier ministre.

Liste des signataires :   

L'Action praticiens hôpital (APH), l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF), la CFTC, la CFE-CGC, la CGT, le Comité de défense des hôpitaux, le collectif Inter-Blocs, le collectif Inter-Urgences, le collectif Inter-Hôpitaux, le Printemps de la psychiatrie, SUD et l'Unsa.

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