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"Pandora Papers" : sur les traces de Guy Forget aux Îles Vierges britanniques

Pendant plusieurs années, l’actuel patron de Roland-Garros était le bénéficiaire d’une société basée aux Îles Vierges britanniques. Plaidant l’incompétence, l’ancien champion explique aujourd’hui qu’il déléguait la gestion de ses revenus à l'agence IMG.

Article rédigé par franceinfo - Abdelhak El Idrissi de la cellule investigation de Radio France avec l’ICIJ et ses partenaires
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'ancien joueur de tennis et actuel patron du tournoi de Roland-Garros Guy Forget, à Paris le 21 mars 2019. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

C’est une société noyée au milieu d’un océan de coquilles vides. Mainland Group Limited apparaissait déjà dans les Panama Papers, cette fuite de données qui avait donné lieu à une vaste enquête conduite sous la houlette du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ). Elle était mentionnée dans un document daté de 2005 adressé au cabinet d’avocats Mossack Fonseca. Mais à l’époque, impossible de savoir à qui elle appartenait. Les gérants mentionnés dans les documents étaient tous britanniques et installés sur l’île anglo-normande de Jersey.

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Aujourd’hui, la société réapparaît dans les "Pandora Papers", cette nouvelle fuite massive de données obtenue et partagée par l’ICIJ avec ses partenaires, dont la Cellule Investigation de Radio France. On découvre ainsi qu’en 2014, un nouveau cabinet Trident Trust, a été chargé de la gestion administrative de Maindland Group Limited auprès des autorités des Îles Vierges britanniques. Trident Trust est l’une des 14 structures spécialisées dans l’offshore dont les données ont fuité. Mais lorsqu’on examine les documents de 2014, rien ne permet encore de découvrir qui se cache derrière cette société.

Ironie de l’histoire : ce n’est qu’au moment de sa dissolution qu’on va découvrir l’identité de son réel bénéficiaire, en l’occurrence le Français, ex-tennisman et actuel patron du tournoi de Roland-Garros, Guy Forget. Le 29 mars 2016, moins d’une semaine avant la révélation des Panama Papers, STM Fiduciaire transmet en effet à Trident Trust les éléments nécessaires à la liquidation de la société et fournit plusieurs documents sur le bénéficiaire de la société offshore. On peut alors y lire “profession : sportif à la retraite”. Les informations personnelles correspondent bien au tennisman français.

"Incompétence fiscale"

Guy Forget réside depuis plusieurs années en Suisse. Une décision justifiée par la nécessité, selon lui, d'optimiser des revenus engrangés durant une carrière courte dans le monde du tennis professionnel. “Je suis et j'étais résident suisse, je paie mes impôts comme un Suisse”, déclarait-il en 2013 devant les sénateurs de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale.

Cette réponse semble pourtant en contradiction avec le choix d’une structure opaque basée dans les paradis fiscaux, rendant impossible toute identification du bénéficiaire réel. Les documents de dissolution de Mainland Group Limited apportent cependant quelques précisions sur ce qu’était l’activité de la société. Elle avait pour mission de “détenir des droits de propriété intellectuelle”. Quant aux actifs détenus par Mainland Group Limited, ils sont décrits comme des “droits de propriétés intellectuelles de divers sportifs”. La société aurait-elle donc pu servir à d’autres sportifs ?

À cette question, Guy Forget n’apporte pas de réponse, pas plus qu’il n’a commenté la balance comptable affichée par sa société offshore au moment de sa dissolution, à savoir un actif global de 1,4 million d‘euros, ou encore l’existence d’un compte bancaire multidevises (Euro, Livre Sterling, et Dollar américain). “Je suis dans l’incapacité de pouvoir répondre à vos nombreuses questions techniques”, a-t-il fait savoir à la cellule investigation de Radio France dans le cadre de l’enquête des "Pandora Papers". “Depuis mon adolescence, et au début de ma carrière professionnelle dans les années 1980, jusqu’à ma période de capitaine des équipes nationales, la Société, mondialement connue IMG, gérait mes intérêts et mes contrats comme ceux de très nombreux sportifs de haut niveau dans la plus grande légalité”, explique-t-il.

Nous lui avons donc demandé s’il connaissait l’existence de la société Mainland Group Limited dont il apparaît comme étant le bénéficiaire économique, et plus globalement s’il avait connaissance des montages et des structures utilisées pour son compte par la société International Management Group (IMG). “Si j’ai fait appel à la société IMG, c’est précisément parce que je suis parfaitement incompétent pour régler et gérer ces questions financières, juridiques et fiscales”, nous a répondu Guy Forget

L’agent chargé de la carrière de Guy Forget au sein de l’agence IMG s’appelle Régis Brunet. C’est le directeur France du groupe IMG. Sa relation avec le joueur n’est pas un secret. Il évoque publiquement son travail d’agent, et le plaisir qu’il a eu à travailler avec Guy Forget : "Guy a été pour moi une totale réussite parce qu’on a tout fait ensemble en termes de carrière sportive et d’après-carrière. (…) Pour moi c’était un business-model qui était génial et une longue partie de mon business chez McCormack [devenu IMG] a été un succès grâce à lui."

Selon sa fiche professionnelle consultable en ligne, Régis Brunet a quitté IMG en janvier 2016. Désormais à la retraite, il n’a pas répondu à notre demande d’entretien. Du côté de l’agence IMG, voici la réponse qui nous a été faite : “Nous n'avons aucune trace d'une association entre Mainland Group Ltd et IMG. Guy Forget était un client d'IMG lorsqu'il était joueur de tennis professionnel, jusqu'en 1997, date à laquelle son contrat de représentation a officiellement pris fin.” Le contrat entre IMG et Guy Forget se serait donc arrêté huit ans avant la création de la société offshore.

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