Prix de l'énergie : pour les piscines publiques, une gestion "structurellement déficitaire"
Alors qu'une trentaine de piscines ont été fermées en France, lundi 5 septembre, à cause de la hausse des prix de l'énergie, franceinfo vous explique le coût de fonctionnement d'une piscine publique.
À Limoges, à Brignoles ou encore à Meudon, une trentaine de piscines publiques sont fermées, depuis lundi 5 septembre, à travers la France. L'entreprise Vert Marine gère ces structures pour les collectivités locales et justifie cette décision soudaine et sans précédent de fermetures en évoquant la forte hausse des prix de l'énergie. La cellule décryptage de franceinfo vous explique combien coûte l'exploitation d'une piscine publique.
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La Cour des comptes a publié un rapport sur le sujet en 2018, "Les piscines et centres aquatiques : un modèle obsolète" (document PDF). Il conclut que leur gestion et "structurellement déficitaire".
C'est également ce que pointe le dernier rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL). Les dépenses d'exploitation varient beaucoup selon la taille ou les équipements que l'on trouve dans les centres aquatiques. Dans un document de 2021, le coût de fonctionnement moyen des piscines est estimé à 1 073 euros/m²/an pour les communes. Mais l'OFGL note "de fortes disparités" derrière cette moyenne : 25% des communes ont un coût inférieur à 526 euros/m²/an, et 25% ont un coût supérieur à 1 643 euros/m²/an. Des disparités qui s'expliquent par plusieurs facteurs : piscine saisonnière ou non, présence d’aménagements de confort supplémentaires, bassins découverts ou intérieurs, taille de la collectivité.
Et l'OFGL est très clair sur un point : les recettes tarifaires, c'est-à-dire les billets vendus, ne couvrent qu'une petite partie des frais de fonctionnement, 22% plus précisement.
Le poste de l'énergie en forte hausse
Plus de la moitié du budget, 62,9%, est dédié aux "frais de personnel", c'est-à-dire les salaires et les cotisations sociales. Pour faire tourner une piscine, il faut beaucoup de personnel. Des agents à l'accueil, des maîtres-nageurs sur les bords du bassin, des professeurs de natation, des agents d'entretien...
Viennent ensuite les dépenses d'énergies qui représentent 15,2% du budget dans le cas d'une piscine communale. On parle de l'éclairage et du chauffage, celui du bâtiment mais aussi de l'eau dans les bassins. Et c'est là que l'inflation fait mal. Vert Marine explique que sa facture énergétique est passée "de 15 à 100 millions d'euros", soit "la totalité de son chiffre d'affaires annuel".
La Cour des comptes souligne un gros dysfonctionnement des piscines gérées en régie directe (ce qui concerne 85% des piscines des collectivités) : quand ce sont les collectivités elles-mêmes qui exploitent leur piscine, elles analysent très mal leur budget. La Cour parle même d'un "défaut de transparence" dans la sincérité des comptes. Le même rapport de la Cour des comptes note que dans le cas d'une délégation de service public, en plein développement (elle concerne 30% des piscines mises en service depuis 2005), les conventions entre les sociétés délégataires et les collectivités "sont fréquemment déséquilibrées au détriment de la personne publique, qui ne disposent pas toujours des moyens humains, techniques et financiers adaptés". Résultat : "Les collectivités délaissent fréquemment leurs obligations d’autorité délégante et elles remettent l’exercice entier de la compétence à l’entreprise privée délégataire."
Des frais de rénovation élevés
S'ajoutent aux frais de fonctionnement ceux dédiés à la rénovation des structures, parce que la plupart des piscines françaises sont anciennes. D'après la Cour des comptes, la moitié des centres aquatiques ont été construits avant 1977, dans le cadre du plan national "1 000 piscines" lancé à la fin des années 1960. Et rénover une piscine, ça coûte cher. La Cour des comptes cite l'exemple de la ville de Creil. La commune de l'Oise a rénové sa piscine jusqu'en 2013 pour un coût total de 9,9 millions d'euros hors taxe. Soit plus de deux années d’épargne brute pour la commune et 300 euros par habitants.
Toujours d'après le rapport 2021 de l'OGFL, la pandémie a déséquilibré encore un peu plus le budget des piscines publiques. Certes, les communes (ou les sociétés qui administrent les piscines pour elles) ont pu faire des économies sur certaines dépenses de fonctionnement : les frais de personnel, l'électricité et le chauffage notamment. Ainsi, selon l'Observatoire, ces dépenses ont baissé de 6,4% en 2020 alors qu'elles augmentaient de 2,3% l'année précédente. Mais avec les nombreuses périodes de fermeture en 2020 et 2021, les piscines ont engrangé plus de la moitié de recettes tarifaires en moins (56%), si bien que "le reste à charge pour les communes a augmenté de 10 millions d'euros en 2020 (+7,7%)." L'enchaînement de la crise sanitaire et de la flambée des prix de l'énergie explique donc peut-être en partie la décision de l'entreprise Vert Marine.
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