Trois questions sur la scolarisation des enfants en situation irrégulière, que Marine Le Pen veut interdire
La présidente du Front national a annoncé jeudi qu'elle souhaitait mettre fin à la scolarisation des enfants en situation irrégulière.
"Plus de scolarisation des clandestins." Marine Le Pen a frappé fort, jeudi 8 décembre, en proposant la fin de la scolarisation des enfants en situation irrégulière. Invitée de l'institut de sondage BVA, la candidate du Front national à la présidentielle a également réclamé "une contribution au système scolaire de la part des étrangers sauf s'ils cotisent en situation légale". Est-ce réaliste ? Quelles conséquences cette mesure aurait-elle ? Franceinfo fait le point en trois questions.
Que propose Marine Le Pen ?
La présidente du FN a d'abord évoqué la situation des enfants étrangers : "Je n'ai rien contre les étrangers, mais je leur dis : 'Si vous venez dans notre pays, ne vous attendez pas à ce que vous soyez pris en charge, à être soignés, que vos enfants soient éduqués gratuitement, maintenant c'est terminé, c'est la fin de la récréation !'" Face à un début de polémique, Marine Le Pen a ensuite précisé sa pensée, expliquant qu'elle parlait en réalité "des enfants de clandestins". "Plus de scolarisation des clandestins", a-t-elle demandé, citée par l'AFP.
Dans un communiqué, la ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a condamné "avec la plus grande force" la proposition de la candidate frontiste. "Par ces mots (...), Madame Le Pen fait preuve tout autant de son indifférence la plus totale à des situations humainement terribles affectant de jeunes enfants, que sa méconnaissance de tous les principes républicains et de toutes les conventions internationales dont la France est signataire", a-t-elle dénoncé.
Que disent les textes ?
La proposition de Marine Le Pen vient heurter deux principes, à en croire Valérie Piau, avocate spécialisée en droit de l'éducation, contactée par franceinfo : "D'abord, le principe de gratuité de l'enseignement public en France, qui est un principe constitutionnel, mentionné dans le préambule de la Constitution de 1946 et repris dans le Code de l'éducation ; ensuite le principe du droit à l'éducation, quelles que soient sa nationalité, la situation de ses parents…"
Ce droit à l'éducation, inscrit dans la loi française, découle également de principes internationaux. "La Convention européenne des droits de l'homme stipule que nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction : c'est un droit fondamental auquel un Etat ne peut pas se soustraire", affirme la spécialiste, auteure du Guide Piau - Les droits des élèves et des parents d'élèves (L'Etudiant, 2015). Le droit à l'éducation de chaque enfant est également reconnu par la Convention des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, et en particulier son article 28, "qui dit que les Etats doivent s'efforcer de mettre en œuvre pour chaque enfant une scolarité gratuite".
Combien d'enfants sont concernés ?
Impossible de le savoir car ce chiffre n'existe pas, selon l'Education nationale, interrogée par franceinfo. "Ce chiffre n'existe pas justement parce que la France scolarise tous les enfants sur son territoire, et ce depuis très longtemps, c'est l'esprit même de nos lois", indique le ministère. Le seul chiffre connu, c'est celui des élèves allophones, ceux qui ne parlent pas français. Ils représentent 0,5% des effectifs, soit environ 52 000 enfants.
L'Unicef insiste sur la nécessité de scolariser tous les enfants, quelles que soient leur origine et leur situation administrative. "On a encore, et on les suit, des enfants vivant en bidonville qui rencontrent des obstacles à l'accès à une scolarisation régulière, explique à franceinfo Juliette Chevalier, directrice de la communication et du plaidoyer de l'agence de l'ONU. Il y a aussi les mineurs non accompagnés, les mineurs réfugiés qui ont eux aussi le droit à l'éducation, or ils y ont peu accès." Autant de difficultés qui, selon elle, ont "un impact sur le développement de l'enfant".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.