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"La menace terroriste a changé en quelques années" : les chefs du renseignement font le point sur la lutte antiterroriste en France

Dans "Le Figaro", Bernard Émié, directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), et Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure (DGSI), font un état des lieux de la situation depuis 2015. 

Article rédigé par franceinfo
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Un militaire de l'opération Sentinelle à Marseille, le 3 novembre 2020.  (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

Dans une interview accordée au Figaro, vendredi 13 novembre, Bernard Émié, directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), et Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure (DGSI), font un état des lieux de la lutte antiterroriste en France depuis les attentats islamistes de 2015. 

Depuis cette date, "la France a été frappée par 20 attentats", rappelle Nicolas Lerner qui indique que "19 autres attaques ont échoué et, depuis 2013, 61 projets ont été déjoués par l’action coordonnée des services antiterroristes".  

La DGSI aura gagné 2 000 agents d'ici 2022 

Pour déjouer ces attaques, les deux services expliquent que les moyens mis à leur disposition ont été largement renforcés. "À la fin de ce quinquennat, 2 000 agents supplémentaires auront rejoint la DGSI, dont le budget a doublé en cinq ans (...) Un tel renforcement sur une si courte période est inédit", assure Nicolas Lerner. 

Du côté de la DGSE, "nous avons gagné 1 300 agents depuis dix ans et nous sommes désormais plus de 7 000", ajoute Bernard Émié. 

Les deux services expliquent comment ils ont renforcé leur coordination pour être plus efficace dans la traque terroriste. "Avec la DGSI, nous partageons tout et, de 'cousins éloignés', nous sommes devenus des 'frères complices'", explique Bernard Emié. DGSE et DGSI se partagent la tâche autour d'un "plan d’action contre le terrorisme" qui a été adopté en 2018.

Des attentats "quasiment indétectables"

Si la coordination des services a été renforcée, c'est parce que la menace terroriste "a changé" et est devenue "plus complexe à anticiper" selon Nicolas Lerner, car "la radicalité se développe via une propagande terroriste qui, même en perte de vitesse, demeure résiliente sur les réseaux sociaux".

"Il n’y a plus de profil type du combattant terroriste, dont les antécédents judiciaires et le niveau d’imprégnation religieuse peuvent être très variables , et qui, parfois, souffre de fragilités psychiatriques ou psychologiques", constate le patron de la DGSI. 

Bernard Émié abonde : "Il est vrai que les attentats de type 'low-cost' sont quasiment indétectables car ils nécessitent une faible planification"."Nous nous attendons à tout, ajoute le patron de la DGSE, qui précise qu'un certain nombre de matériels récupérés au Sahel, en Syrie ou en Irak montrent que les organisations terroristes s’intéressent à tous les modes opératoires possibles".

Tous les Etats concernés par la menace terroristes

La France n'est pas le seul pays à être sous menace terroriste. Bernard Émié rappelle que la menace pèse sur tous les Etats "sans exception" comme l'a récemment montré l'attentat de Vienne. Il assure que l'Union européenne mène "un combat collectif et que nous devons renforcer nos liens" dans la lutte contre le terrorisme.

Il ajoute que le risque d'une attaque par des groupes terroristes implantés hors de nos frontières "a été réduit" mais qu'il "demeure". "Le risque d’une attaque comme celle du 13 novembre, s’il a diminué, n’a pas disparu, comme demeure celui d’une action commise par des individus isolés entrés illégalement sur le territoire national", précise Nicolas Lerner. "Pour faire face à cette menace, la coopération entre services intérieurs et extérieurs et avec nos partenaires étrangers est vitale", affirme le directeur général de la DGSI.

Al-Qaida reste "une organisation extrêmement dangereuse"

"Al-Qaida reste une organisation extrêmement dangereuse. Son commandement central, sous les coups de la Coalition, est affaibli mais ils ont un modèle de 'franchise' qui fonctionne encore. C’est le cas avec AQMI qui évolue entre le Sahel, le Soudan et la Libye", analyse Bernard Émié. La ministre des Armées, Florence Parly, annonce justement ce vendredi que l'armée française a tué un cadre opérationnel jihadiste de tout premier plan lié à Al-Qaïda, le Malien Bah ag Moussa. 

"Si l’État islamique n’a plus d’empreinte territoriale structurée, il continue d’exister sous une forme insurrectionnelle comme en témoigne le nombre d’attentats perpétrés en Syrie comme en Irak", assure le chef de la DGSE. "Au plus haut de la menace, l’Etat islamique comptait quelque 50 000 combattants. Aujourd’hui, ces derniers seraient encore quelques milliers. À ce stade, le cancer n’est pas vaincu définitivement et les métastases sont possibles sous une forme clandestine, cachée au sein des populations locales", ajoute-t-il. 

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