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Loi de programmation militaire 2024-2030 : à quoi vont servir les 413 milliards d'euros budgétés pour l'armée ?

Le budget annuel de la défense doit atteindre 69 milliards d'euros en 2030, contre 32 milliards d'euros en 2017. Des hausses prévues par le projet de loi de programmation militaire présenté mardi en Conseil des ministres.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un blindé Serval devant le ministère des Armées, à Paris, le 30 mars 2023. (THOMAS SAMSON / AFP)

Une hausse annuelle historique de 3 à 4 milliards d'euros dans un contexte conflictuel. Le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 est présenté en Conseil des ministres, mardi 4 avril. Comme annoncé par Emmanuel Macron en janvier, il porte le budget total des armées à 413 milliards d'euros en sept ans. Le budget de la défense doit atteindre 69 milliards d'euros en 2030, contre 32 milliards d'euros en 2017. Une somme impressionnante, critiquée par une partie de l'opposition de gauche, en pleine crise autour de la réforme des retraites. Il ne s'agit en outre pas d'un plafond, mais d'une "trajectoire plancher" à laquelle "il faudra éventuellement prévoir des compléments" en fonction de la menace, souligne le ministère, qui espère une adoption de la LPM par le Parlement avant le 14 juillet.

Comment vont être utilisés ces 413 milliards d'euros, sur fond de guerre en Ukraine et de hausse des coûts en matière d'armement ? Tour d'horizon. 

Financer l'aide militaire à l'Ukraine

Le retour de la guerre en Europe est l'un des facteurs clés de ce budget en hausse. Selon le ministère des Armées, cet effort conséquent se justifie en effet par "la dégradation très rapide du contexte géopolitique", marquée par la guerre en Ukraine. Treize milliards de recettes extra-budgétaires serviront notamment à financer l'aide militaire à Kiev. Quelques dizaines de blindés ont été promis à l'Ukraine.

Le conflit initié par la Russie a aussi livré ses enseignements. Il a révélé une faiblesse du dispositif militaire français en matière de drones et de lutte anti-drones, un outil qui sera utilisé pendant les Jeux olympiques et paralympiques à l'été 2024. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, souhaite solliciter une dépense supplémentaire de 1,5 milliard d'euros en 2023 pour parer aux "urgences opérationnelles" de ce type.

Paris veut également augmenter son effort sur les munitions et l'artillerie avec les canons Caesar et le remplacement en 2027 des lance-roquettes unitaires (LRU) par des lance-roquettes américains Himars ou une solution européenne. Mais "ce sujet n'est pas tranché", selon le ministère.

Amortir les effets de l'inflation

Cette dépense supplémentaire vise aussi à amortir les effets de l'inflation. La hausse des prix rogne en effet mathématiquement l'augmentation du budget défense. Son effet est estimé à 30 milliards d'euros sur sept ans, souligne le ministère.

Malgré des moyens en nette hausse, tous les besoins prévus ne seront donc pas satisfaits, certains programmes d'armement étant considérés comme prioritaires, au détriment d'autres. Le programme Scorpion de renouvellement de la composante blindée de l'armée de Terre par des engins connectés entre eux en fera, par exemple, les frais, avec "de l'ordre d'une centaine de Jaguar [blindés] en moins" en 2030, sur les 300 initialement prévus. "Quelques centaines" de blindés Griffon et Serval sont également décalés post-2030. 

De même, les livraisons de 42 avions de combat Rafale prévues entre 2027 et 2030 sont étirées jusqu'à 2032. Et la Marine ne pourra compter en 2030 que sur trois des cinq frégates de défense et d'intervention.

Préserver la dissuasion nucléaire

Les programmes liés à la dissuasion nucléaire, gros poste de dépenses, sont en revanche préservés. "L'enjeu est de garder notre avance dans la propulsion nucléaire", souligne auprès des Echos l'entourage du ministre des Armées. Selon le quotidien, le programme de recherche lancé pour se doter d'une troisième génération de sous-marins nucléaires lanceurs d'engin (SNLE 3G) est confirmé.

Est également préservé le calendrier de construction du porte-avions à propulsion nucléaire de prochaine génération, amené à faire la jonction avec le Charles-De-Gaulle à l'horizon 2038, comme l'a annoncé Sébastien Lecornu dans Le Parisien samedi. "Nous devons continuer à moderniser notre dissuasion nucléaire", a-t-il affirmé. Coût total du projet : 10 milliards d'euros. Alors que ses détracteurs voient dans ce porte-avions une cible pour nos ennemis, l'ancien inspecteur général des Armées Alain Coldefy a balayé cet argument sur franceinfo : "Si c'était une cible et un outil obsolète, on se demande pourquoi le monde entier se dote de porte-avions ?"

Investir le cyber, l'espace et les fonds sous-marins

C'est l'un des autres axes de ce budget : faire face à "l'apparition de nombreux sauts technologiques qui ont un coût", explique le ministère. Parmi ceux-ci, "l'espace, les fonds sous-marins, le cyber", liste Sébastien Lecornu dans Le Parisien, les qualifiant de "lieux nouveaux de conflictualité et de militarisation". Mi-février 2022, l'ex-ministre des Armées, Florence Parly, avait présenté une stratégie visant à élargir "les capacités d'anticipation et d'action de la Marine nationale jusqu'à 6 000 mètres de profondeur"

En matière de cybersécurité, Emmanuel Macron avait annoncé en janvier vouloir "doubler notre capacité de traitement des attaques cyber majeures", défendant des investissements dans le quantique et la cybersécurité.

Dans le domaine spatial, Paris financera les études de la prochaine génération de satellites Celeste de renseignement d'origine électromagnétique et le successeur du programme Yoda de satellite patrouilleur, destiné à tenir à distance des satellites français les engins spatiaux trop curieux. Le troisième satellite Syracuse IV de communication est en revanche abandonné, au profit d'une constellation dont les contours restent à définir.

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