Les terres agricoles sont devenues des "enjeux géostratégiques"
Une loi, visant à réguler l'achat de terres agricoles par quelques sociétés, est examinée mercredi à l'Assemblée nationale. Pour l'économiste Thierry Pouch, le mode de production a changé et l'agriculture est aujourd'hui un enjeu géostratégique.
Les terres agricoles françaises sont-elles en train d’échapper à nos paysans ? Des vignobles français ont déjà été rachetés par de riches investisseurs étrangers. Et le phénomène s’étend à d’autres cultures, notamment les céréales. Par exemple, 1600 hectares ont été vendus l’année dernière dans l’Indre à des groupes chinois.
Une proposition de loi est examinée mercredi 11 janvier à l’Assemblée nationale. Elle vise à limiter l’accaparement et la concentration des terres dans les mains de quelques sociétés.
Thierry Pouch, chef économiste à l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, invité sur franceinfo estime que nous sommes dans "une nouvelle phase de la mondialisation". Il évoque la transformation du modèle de production et l'enjeu que représentent aujourd'hui les terres agricoles.
franceinfo : Faut-il s’inquiéter de ces investisseurs étrangers pour nos terres agricoles ?
Thierry Pouch : On peut s’en inquiéter car, à long terme, c’est la maîtrise de l’outil de production agricole et la souveraineté alimentaire du pays et de l’Union européenne qui sont en jeu. Mais, aujourd'hui, nous sommes dans une nouvelle phase de mondialisation avec une volonté de rechercher des terres, qui sont convoitées pour plusieurs raisons. La Chine va être de plus en plus dépendante de l’extérieur pour se nourrir, notamment à cause des contraintes de production assez lourdes. Parallèlement, les jeunes français sont assez dissuadés de s’installer dans les exploitations agricoles car le coût à l’entrée est très élevé. Doit-on alors laisser l’outil de production à l’abandon, plutôt que d’accueillir des investisseurs qui vont faire vivre ces outils de production ?
C’est donc un nouveau modèle agricole qui émerge et la quasi-fin du modèle de la ferme familiale, de la petite structure ?
Étant donné la crise agricole que nous connaissons, les critiques que l’on a adressées à ce modèle d’exploitation familiale qu’on a accusé d’être trop productiviste, il est clair qu’il y a un essoufflement. Non seulement la crise accélère le tournant, mais les terres et l’agriculture deviennent des enjeux géostratégiques, et on a des investisseurs qui s’intéressent à ce type de secteur pour essayer de construire une sécurisation de l’approvisionnement alimentaire.
Cette proposition de loi qui élargit les compétences des Safer, ces sociétés d’aménagement foncier, peut-elle permettre de réguler l'investissement étranger ?
Il est possible que cette loi puisse octroyer aux Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), de nouveaux moyens pour essayer de contrôler ces investissements. Le cas français n’est pas isolé. En Hongrie ou en Australie, on a des législations qui ont été adoptées pour interdire par exemple la vente, pour fixer des déclarations des investisseurs, quel que soit le seuil d’hectares acheté ou loué. On voit qu’il y a une prise de conscience dans le monde. La terre n’est pas forcément une marchandise qu’on peut acheter ou louer au bon vouloir des investisseurs. Mais il n’est pas moins vrai que depuis une dizaine d’années, les terres cultivables sont l’objet de convoitises de la part d’investisseurs parce que la nourriture devient un enjeu très important.
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