Charge mentale liée au travail : "L'exemplarité des managers est extrêmement importante", souligne un psychologue
Ils doivent "impulser le droit à la déconnexion" qui est aussi un "devoir", selon Christophe Nguyen, psychologue du travail. "Cela doit être une exigence managériale de permettre aux gens de se reposer", insiste-t-il.
Invité à réagir sur une étude menée par l’Ifop pour la startup Mooncard montrant l'impact de la charge mentale sur la vie privée des salariés, Christophe Nguyen, psychologue du travail et président de la société Empreinte Humaine, considère mardi 22 juin sur franceinfo que l’"exemplarité" des managers "est extrêmement importante". Les femmes avec enfants sont concernés, ainsi que les cadres et les jeunes qui disent avoir du mal à concilier vie personnelle et vie professionnelle. Selon lui, "des postures psychologiques vis à vis de son travail" sont possibles "pour ne pas être constamment à disposition et quelque part esclave".
franceinfo : Les femmes sont-elles particulièrement touchées par la difficulté de trouver un équilibre de vie entre la vie privée et professionnelle ?
Christophe Nguyen : C'est vrai que depuis des années, les Français sont les plus insatisfaits en matière d'équilibre des vies, la possibilité de bien concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle. On voit que cela touche particulièrement les femmes. Les plus jeunes aussi parce qu'ils ont été particulièrement exposés à la question de la détresse psychologique pendant cette crise. Souvent en télétravail, ils n'ont pas pu aussi avoir de repères professionnels qui leur permettent une certaine contenance, de pouvoir compartimenter mieux la vie professionnelle et la vie personnelle.
La jeune génération est plus précaire. Cela explique l’importance pour eux de leur vie professionnelle ?
On sait qu'un des facteurs de difficultés de la conciliation des vies et cette charge mentale, c'est l'insécurité de l'emploi, la peur de perdre effectivement son emploi, la peur de l'échec et la peur de l'erreur qui se matérialise par des préoccupations anxieuses le soir, le week-end. Les jeunes générations sont plus connectées et moins habituées à compartimenter, segmenter les temps de vie. La crise sanitaire a accéléré ce phénomène pour ces populations. Mais les difficultés de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle existaient déjà bien avant cette crise.
Les managers ont-ils conscience de ce phénomène ?
Oui, ils en ont conscience. Ils le vivent eux-mêmes. Par contre, ils ne voient pas bien forcément le rôle qu'ils peuvent jouer. Leur exemplarité est extrêmement importante s'ils veulent justement impulser ce droit à la déconnexion, mais aussi ce devoir que les uns et les autres doivent pouvoir se permettre. Même dans la journée, avec des pauses parce que la déconnexion peut se faire pendant le travail. Ces moments de respiration et ces pauses qui sont bons aussi pour l'efficacité et la santé des personnes.
Les femmes cumulent, d’une certaine façon, une double charge mentale entre les préoccupations de la maison et du travail ?
Elles ont le double travail, à la maison et au travail. Elle culpabilise beaucoup plus parce qu'on leur incombe bien plus la responsabilité des enfants, des devoirs, de la vie familiale. C’est aussi une exacerbation des inégalités au travail également qu'on peut voir avec cette charge mentale. C’est elles qui vivent le plus le manque de reconnaissance en entreprise, le plus d'iniquité aussi en termes d'évolution de carrière.
"La question du présentéisme, bien franco-français, les amène à être écartées des évolutions professionnelles ou de la reconnaissance. Beaucoup de femmes nous disent devoir parfois raser les murs quand il y a une réunion qui se prolonge et qu'elles doivent partir."
Christophe Nguyen, psychologue du travailà franceinfo
Y a-t-il des clés face à ce phénomène ?
Je crois qu’on peut avoir des postures psychologiques vis-à-vis de son travail qui permettent de ne pas culpabiliser si on ne regarde pas toutes les notifications. Savoir aussi expliciter quand on est disponible pour ne pas être constamment à disposition et quelque part esclave de ces échanges. L’enjeu, c'est de pouvoir déterminer des règles avec son équipe, son management, en disant qu'est ce qui est important ou pas. Quand est-ce qu'on est disponible, quand doit-on aussi débrancher ? Cela doit être une exigence managériale de permettre aux gens de se reposer.
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