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Télétravail : des mesures d’encadrement trop strictes seraient "contre-productives", prévient une avocate en droit du travail

Éviter les dérives des patrons comme des salariés, c'est l'objectif d'une réunion des partenaires sociaux mercredi. Ils vont discuter de la pertinence d'un cadre juridique plus spécifique pour le télétravail.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Une femme poursuit le télétravail à son domicile après le confinement (photo d'illustration). (CLAIRE LEYS / RADIOFRANCE)

Alors que le gouvernement continue à recommander le télétravail pour freiner la propagation de l’épidémie de coronavirus, faut-il imposer un cadre juridique plus strict ? Les partenaires sociaux se retrouvent mercredi 2 septembre pour en discuter. Si des "dérives" ont été constatées, notamment lors du confinement, Me Sabrina Kemel, avocate en droit du travail au cabinet FTMS Avocats, appelle à ne pas imposer des mesures qui seraient "contre-productives", comme la "déconnexion de certaines plages horaires de travail". En revanche, elle suggère la mise en place d’une "indemnité télétravail qui puisse être forfaitaire et qui couvrirait tous les frais du salarié".

franceinfo : Faut-il, selon vous, un cadre juridique plus strict pour le télétravail ?

Me Sabrina Kemel : Aujourd'hui, on a un cadre juridique pour le télétravail. On sait comment on doit le mettre en place au sein d'une entreprise et on sait quelles sont les obligations des employeurs. La difficulté, c’est que durant la crise, il y a eu une explosion du télétravail et on s'est rendu compte qu'il y avait eu des dérives. C'est pour ça qu'on cherche aujourd’hui à avoir des discussions au sujet du télétravail. Mais il faut faire très attention, parce que ces discussions, qui vont avoir lieu, peuvent aussi être contre-productives. Un salarié, par exemple, qui va faire du télétravail parce que cela lui convient, parce qu’il peut aménager ses horaires, emmener son enfant à la crèche, s’en occuper le soir et puis se connecter à 22h, si on apporte un cadre très strict, en déconnectant certaines plages horaires de travail, ça ne lui ira pas. Il ne faut pas confondre ce fameux droit à la déconnexion avec un manque de flexibilité. Ce sont deux choses complètement distinctes.

Mais comment fait-on, justement, pour faire respecter ce droit à la déconnexion, quand on travaille depuis chez soi, que l'ordinateur personnel est toujours à portée de main ? Il peut y avoir des dérives...

Bien sûr et il y en a eu. Et c'est peut-être là où les discussions pourraient être utiles. Ce droit à la déconnexion a été fixé par la loi El Khomri en 2017. Problème : le Code du travail ne définit pas les modalités d'exercice du droit à la déconnexion et ne définit pas non plus les sanctions. Donc les entreprises se débrouillent un peu par elles-mêmes, et en pratique, cela revient pour certaines d’entre elles à mettre en bas de mail, par exemple : "Vous n'êtes pas obligé de répondre à ce mail en dehors de vos horaires de travail." D’autres entreprises n'ont rien mis en place et elles comptent sur la responsabilité individuelle de chacun. Quand ils reçoivent un mail à 22 heures, certains salariés répondent bien volontairement et ça ne leur pose pas de difficulté, alors que d’autres vont se sentir contraints d'y répondre. Et c'est là où il y a de la dérive et parfois des abus de la part du management.

Concernant les accidents du travail, très concrètement, si je tombe dans les escaliers chez moi, par exemple, c'est la responsabilité de qui ? Cela peut être considéré comme un accident du travail ?

Oui, dès lors que le domicile devient le lieu de travail, c'est considéré comme un accident du travail. Et s'agissant justement des accidents du travail, il faut savoir que l'employeur a l'obligation de garantir un lieu de travail en toute sécurité, donc, il pourrait même, avec l'accord du salarié, venir à son domicile pour vérifier qu’il travaille dans de bonnes conditions : est-ce qu’il a le bureau adéquat, des choses comme ça.

Quid des factures internet ou d’électricité ? Là aussi, ce sont des sujets qu'il faut encadrer dans cette question du télétravail ?

En principe, vous avez un remboursement de frais professionnels. La difficulté, c'est qu'en matière de téléphonie et d'internet, la plupart des salariés ont des abonnements illimités, donc, comment on fait ? Il faudrait préconiser peut-être une indemnité télétravail qui puisse être forfaitaire et qui couvrirait tous les frais du salarié.

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