Recours en justice, négociations musclées : comment les syndicats opposés à la Loi Travail comptent poursuivre le combat
Ils vont explorer les voies de recours juridiques, mettre en place des "observatoires" et faire de la journée internationale pour le travail décent, le 7 octobre, une contestation de la loi El-Khomri.
Baroud d'honneur ? Les syndicats opposés à la loi Travail appellent à une nouvelle manifestation, jeudi 15 septembre, contre le texte porté par la ministre Myriam El Khomri, dont ils dénoncent le "dumping social".
Mais ce défilé, sous haute surveillance, prend des airs de dernier round symbolique. La loi, votée cet été, est déjà promulguée. A ce stade, aucune nouvelle journée de mobilisation n'est annoncée. En réalité, les syndicats se projettent déjà sur la prochaine bataille, qui ne se livrera pas dans la rue. Franceinfo vous explique comment ils comptent continuer le combat.
Par des recours juridiques
Première voie explorée par la CGT, FO ou Solidaires : les recours en justice. Chez Force ouvrière, le secrétaire confédéral en charge du secteur juridique, Didier Porte, avoue à franceinfo n'en être qu'"au tout début de l'analyse juridique". Mais le syndicat scrutera de près, une fois les décrets d'application parus, les contradictions entre la loi Travail et les droits des travailleurs, définis par des normes internationales.
Le rallongement (jusqu'à 46 heures) du temps de travail hebdomadaire du salarié n'est-il pas une atteinte à sa santé ? Le référendum pour valider les accords d'entreprise ne constitue-t-il pas une atteinte à la liberté syndicale ?
Que ce soit au niveau français ou européen, le syndicat va ainsi examiner l'éventail des contentieux possibles contre les dispositions de la loi El Khomri. Et il compte exploiter l'arsenal à sa disposition, de la question prioritaire de constitutionnalité, posée au Conseil constitionnel, à la saisie de la Cour de justice européenne.
"Le champ est très large, on va l'explorer au maximum. On mettra tout en œuvre pour mettre en échec les réformes qui attaquent les droits des salariés".
Via des bras-de-fer en entreprise
Inconvénient de taille : ces recours en justice peuvent durer des années, tandis que les salariés seront très vite confrontés aux conséquences du texte. Concrètement, la loi Travail permet, via des accords d'entreprise, d'allonger le temps de travail hebdomadaire, de baisser la rémunération des heures sup, ou encore de faciliter les licenciements économiques en cas de baisse des commandes (comme à Alstom, par exemple).
Et les syndicats se préparent déjà à des confrontations dures. Samedi 10 septembre, à la Fête de l'Huma, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a lancé :
Les syndicats doivent se déployer dans les entreprises et se battre pied à pied pour que [la loi] n'y rentre pas.
La porte-parole de Solidaires, Cécile Gondard-Lalanne, semble sur la même longueur d'onde. "Quand les patrons mettront en œuvre ces accords d'entreprise qui peuvent déroger au Code du travail, avec l'inversion de la hiérarchie des normes" (le fameux article 2), il faudra mener des "luttes en commun dans les entreprises", déclare-t-elle à franceinfo. Tractages, pétitions, grèves, rien n'est exclu.
En instaurant des "observatoires"
Autre outil auquel réfléchit la CGT : des "observatoires" pour "mettre en échec la loi Travail". "Il ne s'agit pas d'une structure proprement dite, mais d'une observation. On va essayer de faire le point des négociations qui s'ouvrent", expose à franceinfo Fabrice Angéi, membre de la direction de la CGT.
"En gros, poursuit-il, on va recenser avec nos fédérations les contenus des accords proposés, à quel endroit ça se passe, quels sont les secteurs d'activité concernés, et sur quoi ça porte." Et ensuite ? "On portera des propositions alternatives en s'appuyant sur les aspirations des salariés. Et on élaborera des cahiers revendicatifs, à usage interne."
Il s'agit d'armer les syndicats pour avoir une cohérence revendicative face à la loi Travail.
Et de noter qu'il faudra aller vite : "Les entreprises sont déjà dans les starting-blocks. Il suffit de voir l'exemple de Bouygues Telecom", qui veut supprimer les 23 jours de RTT de ses téléconseillers avec une application stricte des 35 heures hebdomadaires.
Grâce à une mobilisation le 7 octobre lors de la "Journée pour le travail décent"
Plus inédit, Solidaires travaille "sur la possibilité de donner un écho particulier à la Journée internationale pour le travail décent, le 7 octobre", explique sa porte-parole Cécile Gondard-Lalanne.
L'idée est de faire de cette journée-là une contestation de la loi Travail et de ses effets, qui ne permettent pas le travail décent.
Et sous quelle forme ? "Tout est ouvert ! poursuit la porte-parole. Ça pourrait être une manifestation, mais aussi une grève. D'autant qu'il y aura grève en Belgique ce jour-là contre la loi Peeters." Cette réforme du marché du travail, déposée au milieu des vacances, explique RTL, prévoit, selon la RTBF, "la fin de la semaine de 38 heures (...), l’augmentation des heures supplémentaires autorisées, une flexibilité accrue, notamment pour le travail à temps partiel (les horaires seraient par exemple connus 24 heures seulement à l’avance)".
"Toutes ces choses-là sont un peu impulsées par la Commission européenne, continue Cécile Gondard-Lalanne, et il y a des choses à faire en commun. Car la loi Peeters participe de la même philosophie que la loi El Khomri : celle qui consiste à déréglementer les protections collectives des salariés." Mais l'idée n'en est qu'aux prémices.
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