Covid-19 : "C'est le sanitaire qui fait l'économie", affirme un économiste
"Très schématiquement, vous avez une croissance qui dépend du rythme de la vaccination", explique Nicolas Bouzou, directeur du cabinet de conseil Asterès. S'il qualifie le rebond de l'économie française de "formidable", il estime quil faudra tout de même un bon plan de relance qui coûtera encore "un peu d'argent'.
Une nouvelle étape dans la campagne de vaccination a démarré lundi 31 mai en France avec l'ouverture de la vaccination à tous les adultes sans autre critère."C'est le sanitaire qui fait l'économie", a affirmé sur franceinfo l'économiste et essayiste Nicolas Bouzou, directeur du cabinet de conseil Asterès, qui se réjouit d'une "amélioration de la situation économique" liée, selon lui, au "rythme de la vaccination".
franceinfo : Peut-on parler d'un vent économique plus porteur aujourd'hui ?
Nicolas Bouzou : Ce qu'on voit en ce moment, c'est la confirmation, en effet, que c'est le sanitaire qui fait l'économie. Très schématiquement, vous avez une croissance qui dépend du rythme de la vaccination. On l'avait vu en Israël, au Royaume-Uni, aux États-Unis, qui ont beaucoup vacciné avant nous. En France on y est, on est sur des rythmes de vaccination très élevés, ce qui est vraiment formidable.
"La campagne française a très mal démarré, mais aujourd'hui, elle est vraiment parfaite. Et donc, on voit une amélioration de la situation économique, puisque les gens sont plus confiants, ils sortent."
Nicolas Bouzou, directeur du cabinet de conseil Asterèsà franceinfo
Même si tout n'est pas encore rouvert, on voit que la confiance des commerçants est très élevée. Elle est même plus élevée que sa moyenne de long terme. On en a une illustration quand on regarde autour de nous : on regarde les terrasses de cafés, on voit bien qu'elles sont absolument remplies. Tout ça, c'est de l'activité économique.
Au niveau économique, mais aussi psychologique, y a-t-il un horizon ?
Il y a un horizon, mais tout n'est pas dégagé. Il faut aller jusqu'au bout du raisonnement. Si le sanitaire aujourd'hui fait l'économique, il ne faut pas qu'on se relâche trop vite, qu'on ait de nouveaux variants et qu'on ait une nouvelle catastrophe sanitaire en septembre ou en octobre, c'est-à-dire un variant qui serait insensible aux vaccins. Ça remettrait toute l'économie par terre. On doit vraiment se dire collectivement qu'il faut qu'on soit prudents. Du point de vue économique, il vaut mieux un confinement prudent mais le dernier plutôt que quelque chose d'un peu précipité où on aurait une épidémie qui remonte et on se retrouverait à la rentrée 2021 dans la même situation que la rentrée 2020.
"Le rebond de l'économie française est formidable, il est brutal."
Nicolas Bouzouà franceinfo
On va bientôt avoir des chiffres en vrai, là on ne parle que des soldes d'opinion, mais on voit que les choses sont bien orientées. Aussi parce qu'on a beaucoup protégé l'économie, parce qu'on a mis en place depuis un an et demi des mesures – l'activité partielle, les PGE, le fonds de solidarité. Il y a eu du chômage en plus, mais moins que ce qui aurait été justifié par la force absolument extraordinaire de la récession. Les faillites, il n'y en a pas trop eu. L'énorme problème qu'on a, c'est que, chez les publics mal protégés, les étudiants, les professions libérales, on a une augmentation très forte de la pauvreté. Ça, il faut le traiter encore beaucoup plus qu'on ne le fait aujourd'hui.
Est-ce que le pass sanitaire va participer à la relance ?
Je suis à fond pour le pass sanitaire. Regardez les salles de sport ! Elles sont encore fermées et il y a des études qui nous disent qu'on peut se contaminer dans les salles de sport. Si vous faites un pass sanitaire, tous les gens qui sont quinze jours après la deuxième dose peuvent aller librement dans les salles de sport. Un autre très bon exemple : les discothèques. Elles sont fermées depuis plus d'un an. Il faut quand même se mettre à la place des patrons de discothèques. Ils me disent : "Les aides du gouvernement, tout ça depuis un an, c'est très bien, ça nous permet de tenir, mais c'est psychologiquement qu'on n'en peut plus. On n'a pas travaillé depuis un an et demi. Ce n'est pas possible". Les gens qui ne présentent aucun risque et qui sont vaccinés, qui n'ont quasiment plus de risque de transmettre, il faut les laisser avoir une activité économique normale. Vous avez tout un tas de gens qui veulent absolument travailler. Le travail, ce n'est pas que gagner de l'argent, mais c'est aussi faire des choses, avoir une vie sociale. Moi, j'ai beaucoup soutenu le "quoi qu'il en coûte", évidemment, il doit forcément avoir une fin. Et la fin du "quoi qu'il en coûte" est liée à l'activité économique. Il ne faut pas faire les choses dans le désordre : une fois que l'activité économique est forte dans certains secteurs, on peut diminuer les aides, on ne va pas les diminuer avant. On revient à la situation sanitaire, à la vaccination.
Que penser du déficit très élevé en France ?
C'est normal que le déficit soit très élevé puisque la crise était la plus grave crise économique que la France ait traversé depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le déficit n'est que le reflet de ça, et il ne faut surtout pas faire l'erreur de vouloir réduire le déficit trop vite. La réduction du déficit, et donc la réduction de l'endettement public, ne se fera que par la croissance. Il n'y a que la croissance qui peut permettre de réduire la dette de façon saine, c'est-à-dire sans faire de chômage, de pauvreté. L'enjeu, c'est vraiment de continuer à vacciner, car même si on vaccine très vite, il faut vacciner quasiment toute la population. Une fois qu'on a fait ça, on fait un bon plan de relance, qui va coûter un peu d'argent. Mais on a quand même besoin d'aider l'économie à redémarrer. Elle redémarre un peu toute seule, mais il faut une espèce de booster artificiel. Donc, on va avoir besoin d'un plan de relance, donc ça fera aussi un petit peu de déficit. Et après, vous verrez que si on a une croissance qui est bonne, si on a une activité économique qui est forte, les marchés continueront de prêter à la France et donc il n'y aura pas trop de difficultés.
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