Colère des agriculteurs : les dossiers au menu du Conseil européen sur lesquels les exploitants français attendent une réponse ferme

En marge des discussions sur les aides l'Ukraine, la question agricole va aussi animer les débats entre chefs d'Etat et de gouvernement rassemblés jeudi à Bruxelles.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des agriculteurs manifestent à Aalter, en Belgique, le 31 janvier 2024. (KURT DESPLENTER / BELGA / AFP)

Officiellement, le sommet européen extraordinaire qui se tient jeudi 1er février à Bruxelles (Belgique) est consacré à l'Ukraine. Mais les dirigeants aborderont aussi une autre crise qui secoue les Vingt-Sept : celle du monde agricole. En colère contre certaines normes imposées au sein de l'Union européenne, la concurrence jugée "déloyale" de pays tiers, inquiets de voir à l'avenir leurs revenus diminuer davantage, les agriculteurs européens ont manifesté ces dernières semaines en France, en Allemagne, en Pologne, en Roumanie, en Belgique ou en encore en Italie.

En marge du sommet extraordinaire, le président français, Emmanuel Macron, va notamment s'entretenir avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sur les mesures à prendre. Voici les principaux points qui suscitent l'attente des exploitants.

L'assouplissement de l'obligation de jachère 

Les jachères de la colère. Pour toucher les aides de la Politique agricole commune (PAC), les exploitations agricoles supérieures à 10 hectares doivent consacrer 4% de leurs terres arables à ces pratiques environnementales vertueuses. Cette mise au repos d'une partie des champs vise à éviter l'épuisement des sols, y implanter des haies, des bosquets ou des mares pour restaurer la biodiversité qui se développe dans ces écosystèmes.

La Commission européenne a toutefois suspendu dans un premier temps cette obligation jusqu'à la fin de l'année 2023, en raison de l'invasion russe en Ukraine. En effet, les agriculteurs européens ont dû produire davantage pour compenser les perturbations d'approvisionnement liées à cette guerre.

Une majorité de pays de l'UE, dont la France, demande désormais à l'exécutif européen de prolonger la dérogation. Pour de nombreux agriculteurs français, ce retour de l'obligation dites "des jachères" est inacceptable. La FNSEA, majoritaire, dénonce une baisse de revenus à court terme.

A l'inverse, la Confédération paysanne, classée à gauche, ne considère pas cette menace comme sérieuse. Elle estime dès lors cette levée de boucliers à l'encontre d'une norme destinée à assurer la pérennisation des cultures en protégeant les sols relève de "la démagogie totale".

Soucieuse de ne pas renoncer à ses ambitions environnementales, la Commission européenne a proposé un compromis, mercredi. La dérogation peut être prolongée pour 2024 pour les agriculteurs qui atteignent 7% de cultures intermédiaires ou fixatrices d'azote, a précisé mercredi l'exécutif européen.

Une protection face aux importations de volailles ukrainiennes

Pour venir en aide à Kiev et à son économie paralysée par la guerre, les produits agricoles ukrainiens, au premier rang desquels figurent les céréales, les œufs, le sucre, mais aussi les volailles, sont exemptés de droits de douane, depuis le printemps 2022. Cette mesure a été récemment reconduite jusqu'en 2024, au grand regret des agriculteurs. Ils dénoncent l'explosion des importations de poulet ukrainien au sein de l'UE de plus de 127% en 2023 sur la viande fraîche, par rapport à l'année précédente. Face à cette situation, Emmanuel Macron a annoncé mardi vouloir "réguler" l'arrivée "d'une volaille qui était beaucoup moins chère venant d'Ukraine".

"Même si notre surveillance ne montre aucun impact négatif sur l'ensemble du marché européen, nous sommes conscients d'effets plus localisés", a reconnu mercredi le vice-président de la Commission, Margaritis Schinas. Ainsi, Bruxelles propose de renouveler cette exemption des droits de douane jusqu'à juin 2025, mais cette fois en l'assortissant de "mesures de sauvegarde" renforcées, afin de limiter les répercussions pour les agriculteurs de l'UE.

La reprise des négociations sur l'accord UE-Mercosur

Emmanuel Macron entend réaffirmer jeudi son opposition à l'accord de libre-échange entre l'UE et les pays sud-américains du Mercosur, que la Commission veut signer. Concrètement, cette entente prévoit d'accroître les échanges commerciaux entre les deux marchés communs en supprimant 91% des taxes imposées aux produits européens qui traversent l'Atlantique et 92% des taxes imposées aux produits qui font le chemin inverse.

Jusqu'à ces derniers jours, les négociations se poursuivaient. Mais mercredi, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a promis que la France s'engagerait dans un "bras de fer" lors des négociations à Bruxelles pour que l'accord UE-Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) "tel qu'il est aujourd'hui ne soit pas signé". "Cet accord, tel qu'il est, n'est pas bon pour nos éleveurs. Il ne peut pas, ne doit pas être signé en l'état", a-t-il martelé sur CNews-Europe 1

Les conditions d'un accord entre le Mercosur et l'UE "ne sont pas réunies", a reconnu de son côté la Commission européenne. Elle précise toutefois que les négociations continuent. 

Cet accord politique a été conclu en 2019, mais l'opposition de plusieurs pays, dont la France, a bloqué l'adoption définitive. Les concessions négociées pendant vingt ans entre les deux parties avaient immédiatement suscité la colère des agriculteurs européens, qui dénonçaient une concurrence déloyale et une "tromperie" vis-à-vis du consommateur. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.