Cet article date de plus de deux ans.

Insertion des jeunes, santé, culture... Ce qu'il faut retenir des notes de la Cour des comptes sur les "enjeux structurels pour la France"

La juridiction administrative a dévoilé plusieurs rapports sur les "enjeux structurels pour la France", mardi matin. Elle y détaille son analyse de certaines problématiques ainsi que des leviers d'économies.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
L'entrée de la Cour des comptes à Paris.  (ARTHUR NICHOLAS ORCHARD / HANS LUCAS / AFP)

La Cour des compte propose "un diagnostic sur les grands défis des prochaines années" ainsi que des "leviers d'action qui peuvent être mobilisés pour y répondre". Dans une série de rapports publiés mardi 14 décembre, la juridiction présidée par Pierre Moscovici analyse les "enjeux structurels pour la France". Assurance-maladie, industrie, culture… Quelles problématiques la Cour des comptes relève-t-elle dans cette série d'études, et quelles solutions avance l'institution ? Franceinfo revient sur l'essentiel de ses conclusions.

En matière de santé, la nécessité de "l'équilibre financier"

La note de la Cour des comptes sur la santé insiste deux impératifs : "garantir l'accès à des soins de qualité et résorber le déficit de l'assurance maladie". Mais il est surtout question du second volet dans ce document. En effet, "de manière structurelle, l'équilibre financier de l'assurance maladie est affecté par les effets du vieillissement de la population et par l'expansion des pathologies chroniques sur les dépenses de santé", commence le rapport.

Pour la juridiction financière, "les impacts de la crise sanitaire sur les recettes sociales", ainsi que les récentes "revalorisations des rémunérations (…) décidées notamment dans le cadre des accords du Ségur de la santé, risquent de faire connaître à l'assurance maladie des déficits profonds et durables". La Cour des comptes a identifié des leviers dans quatre domaines dans lesquels elle voit des "marges d'efficience" et donc des possibilités de réaliser des économies : "l'organisation des soins, la rémunération des acteurs de la santé, les causes évitables des dépenses et la contribution des technologies numériques à la transformation du système de santé."

Selon la Cour, entre 4,5 et 6 milliards d'euros d'économies seront en effet nécessaires chaque année pour "ramener l'assurance maladie à l'équilibre financier avant 2030". La juridiction propose par exemple de réduire les 30 CHU français à "une dizaine", ou de "peser sur les prix des dispositifs médicaux", critiquant le "haut niveau" de rentabilité de centres de dialyse privés. Elle invite également à mettre un frein aux "remboursements à tort de frais de santé", en bloquant "a priori un plus grand nombre de factures irrégulières".

En parallèle de ces économies, les auteurs de ce rapport estiment que "la fiscalité des boissons alcoolisées et sucrées devrait être relevée". Ils plaident pour "une taxation spécifique" sur les produits alimentaires transformés comportant une forte teneur en sucre ajouté.

Dans l'éducation, le constat de performances "médiocres"

Malgré 110 milliards d'euros alloués au premier et second degré en 2020, "une dépense nationale d'éducation supérieure à la moyenne de l'OCDE", "la performance du système scolaire français tend à se dégrader, en particulier pour les jeunes issus des milieux défavorisés", alerte la Cour des comptes dans son rapport consacré à l'éducation.

La juridiction administrative estime que le rééquilibrage des moyens au profit du premier degré, "priorité en matière de réussite éducative" et l'adaptation des dépenses à l'évolution de la démographie sont encore "lents". Les réformes successives, axées sur le cursus des élèves, "ne suffisent pas à améliorer la performance", évoquant en outre un système "à la gestion trop centralisée et encadrée".

"Les réformes pédagogiques ont besoin d'une refonte des modes d'organisation du système scolaire, touchant notamment l'autonomie des établissements et les prérogatives des chefs d'établissement."

la Cour des comptes

dans une note sur l'école

Parmi ses propositions, l'institution évoque des rapprochements entre écoles et collèges "pour faciliter le parcours de l'élève", ou "davantage de marges d'autonomie" pour les établissements. "Le cadre d'exercice du métier d'enseignant devrait être rénové, avec une meilleure prise en compte des missions hors de la classe (…) ou des solutions de remplacement de courte durée à trouver", poursuit la Cour des comptes.

Enfin, "l'amélioration de la performance et de l'équité du système scolaire exige une capacité d'adaptation plus forte aux contextes locaux et aux profils des élèves".

L'insertion professionnelle des jeunes reste "difficile"

Même si les dispositifs sont "nombreux", "l'insertion professionnelle des jeunes demeure difficile dans notre pays et leur parcours vers l'emploi incertain et heurté", regrette la Cour des comptes. Celle-ci constate que les mesures d'intégration professionnelle des jeunes ne sont pas suffisamment ciblées vers les personnes les plus en difficulté.

La prime à l'embauche exceptionnelle d'un apprenti, de 5 000 à 8 000 euros selon l'âge, a ainsi été attribuée "sans considération du niveau de diplôme". Le développement de l'apprentissage, avec des entrées passant de 289 000 en 2016 à 525 600 en 2020, "a eu lieu au prix d'un élargissement vers les niveaux de diplôme élevés", pointe-t-elle. Or, ce choix n'améliore "qu'à la marge l'insertion sur le marché du travail des jeunes les plus diplômés, au demeurant déjà bonne", tout en laissant de côté des jeunes plus éloignés de l'emploi.

Sur la garantie jeunes, la Cour des comptes regrette que le choix de ce dispositif d'accompagnement soit "souvent principalement guidé par la motivation du jeune et par ses difficultés financières, et non par l'ampleur objective des difficultés auxquelles il est confronté".

L'industrie française en manque d'innovation

La Cour des comptes estime que "la recherche et développement se traduit insuffisamment en innovations industrielles", dans sa note sur l'industrie. "Le tissu industriel est marqué par la prépondérance de grands groupes dont les stratégies d'internationalisation, contrairement à d'autres pays européens, ne favorisent pas la production de biens à partir de la France, alors que les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire peinent à se développer", poursuit le document.

L'institution pointe aussi la fiscalité dans l'industrie française, avec "le taux de taxation effectif des entreprises non financières le plus élevé de l'UE". Autre problème : le rythme de décarbonation des acteurs industriels, de l'ordre de 1,4% par an entre 2013 et 2019, "insuffisant pour atteindre les objectifs" prévus pour s'aligner sur les accords de Paris.

Face à ces problématiques, la juridiction conseille, entre autres, de "mieux piloter la politique industrielle, qui doit être davantage coordonnée avec les politiques de l'énergie, de la recherche et de l'innovation et les politiques sectorielles comme la santé". Il faut en parallèle "appuyer la politique industrielle sur les financements européens et les projets de coopération, pour maintenir l'UE à la frontière technologique". Il lui semble également nécessaire d'"inscrire les réponses aux défis de la transition numérique et de la décarbonation de l'industrie française dans la durée au niveau national, et dans le cadre d'une coordination à l'échelle de l'UE".

Dans la culture, un "pilotage" problématique

La juridiction note "une formidable expansion de l'activité culturelle dans notre pays", mais la politique française dans ce domaine est "marquée par la multiplication d'opérateurs du ministère, qui ont tiré profit de leur autonomie pour se développer de façon remarquable", poursuit-elle dans sa note sur le sujet.

Le ministère, dont le budget a dépassé 3 milliards d'euros en 2020, a été "en quelque sorte victime de la réussite du projet dont il a été originellement porteur", avec un "foisonnement" de l'offre face à laquelle il se retrouve en position de distribuer "des subventions". La Cour des comptes évoque des "financements publics massifs" pour le spectacle vivant, qui "ont conduit à une offre surabondante, donc à un déséquilibre entre création et diffusion". "On constate aussi un saupoudrage des aides selon une politique de guichet et de droits acquis, difficile à remettre en cause."

Face à ce constat, "une revue globale des missions qu'il incombe au ministère d'assumer" semble nécessaire, afin de "recentrer le ministère de la Culture sur ses missions d'impulsion et de pilotage".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.