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"Flat tax" : un impôt qui "donne le signal aux investisseurs étrangers que la France a changé"

Le PFU (prélèvement forfaitaire unique) a été adopté dans la nuit du jeudi 19 au vendredi 20 octobre par l'Assemblée nationale. L'économiste Philippe Crevel y voit une opération séduction pour les investisseurs étrangers.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le ministère de l'Economie et des Finances, dans le 12e arrondissement de Paris, le 15 mars 2017. (BERNARD JAUBERT / ONLY FRANCE)

C'est la mesure libérale par excellence. Dans la nuit du jeudi 19 au vendredi 20 octobre, l'Assemblée nationale a adopté le "PFU", acronyme imprononçable pour "prélèvement forfaitaire unique", un impôt de 30% sur les revenus du capital. Ce type d'impôt est connu sous le terme de "flat tax", un impôt proportionnel unique, non progressif. Qui avantage-t-il et pourquoi ? L'argent économisé va-t-il irriguer l'économie française ? Les réponses de l'économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne. 

Franceinfo. La "flat tax" de 30% sur les revenus du capital va améliorer "le financement, la croissance et l'emploi dans notre pays", selon le gouvernement. Va-t-elle favoriser des placements irriguant l'économie française ?

Philippe Crevel. Pas automatiquement. Il est à noter que le PEA, qui n'est pas concerné par le prélèvement forfaitaire, reste plus intéressant. Malgré ses avantages, seulement 4 millions de Français disposent d'un PEA. L'encours total de ce produit est de 88 milliards d'euros, bien loin des 1 662 milliards d'euros de l'assurance-vie. Le PEA restera plus attractif qu'un compte-titres, avec une taxation à 17,2% (au 1er janvier 2018) contre 30%, mais l'épargne est bloquée pour cinq ans.

Cette "flat tax" est surtout une mesure d'affichage à l'intention des investisseurs étrangers. Elle donne le signal que la France a changé et qu'elle a baissé les impôts sur le revenu du capital. Jusqu'à présent, Paris taxait davantage les revenus de l'épargne que la moyenne de l'OCDE [qui prône dans cette note une baisse du taux d'imposition des revenus du capital]. Le prélèvement forfaitaire unique permet de faire un retour à la moyenne.

Qui sont les gagnants de cette mesure ?

Ce sont les épargnants qui détiennent des livrets bancaires fiscalisés (tout sauf le livret A), des comptes-titres et certains comptes d'assurance-vie, au-delà de 150 000 euros d'encours (300 000 euros pour un couple), s'ils sont assujettis à l'impôt sur le revenu au-delà de 30% [à partir de 26 000 euros de revenus pour une personne seule].

Les grands gagnants sont donc les contribuables imposés à 41% [au-delà de 71 898 euros de revenus annuels] et plus encore ceux qui sont imposés à 45% [à partir de 152 260 euros de revenus annuels pour une personne seule]. D'autant qu'aux 45% d'imposition sur leurs revenus tirés du capital, il fallait ajouter les prélèvements sociaux de 15,5%. Ce qui représentait jusqu'à 60% d'imposition marginale.

A signaler : il y a aussi des perdants. Du côté de l'assurance-vie, il y a une aggravation pour ceux dont le contrat a plus de 8 ans. Leur taux de prélèvement passe de 23 à 30%. 

Les plus riches ne sont-ils pas doublement gagnants, entre le prélèvement forfaitaire unique et la suppression de l'Impôt sur la fortune (ISF), remplacé par l'impôt sur la fortune immobilière ?

C'est sûr. Prenons une personne qui a une fortune évaluée à 2,5 millions d'euros, dont 1 million d'euros en placement financier. Faisons un calcul grossier : avant la réforme, ce contribuable devait s'acquitter d'un impôt sur la fortune de 0,7%. Son placement financier d'un million d'euros sort désormais de l'impôt sur la fortune, devenu impôt sur la fortune immobilière. Il économise ainsi 7 000 euros (0,7% sur un million). 

Si ce contribuable bénéficie en outre de 150 000 euros de revenus par an, il a un taux d'imposition de 60% sur les gains de ses revenus. Un million d'euros, placés à 2%, lui rapportent 20 000 euros par an. Avant, il pouvait payer jusqu'à 12 100 euros d'impôts sur le revenu par an. Il ne paiera plus que 30% d'imposition sur ses revenus du capital, soit 6 000. Au total, entre la réforme de l'ISF et de la "flat tax", il aura économisé 13 000 euros d'impôts annuels.  

Autre avantage de ce prélèvement forfaitaire unique : on fige les prélèvements sociaux dans le cadre de la fiscalité de l'épargne. Ce qui veut dire que les augmentations de la Contribution sociale généralisée (CSG) sont indolores pour ceux qui bénéficient de la "flat tax" sur les revenus : leur impôt sur le revenu diminue d'autant.

Aujourd'hui, le prélèvement forfaitaire unique de 30% se répartit ainsi : 12,8% d'impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux. Du coup, si demain on passe à 20% de CSG, la part d'impôt sur le revenu passe à 10% dans le cadre de la "flat tax"... Et si on passe à 31% de CSG, on se retrouve même avec un impôt négatif !

Quelles conséquences sur l'épargne ? 

Les comportements d'épargne ne changent pas comme ça. La réorientation de l'épargne vers l'économie dite réelle sera lente car l'épargnant devra digérer les changements fiscaux. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les Français mettent au cœur de leur stratégie la sécurité et la liquidité, comme le montrent les 10 milliards d'euros déposés sur le livret A. Nous n'allons pas devenir du jour au lendemain des épargnants britanniques ou américains qui adorent les actions.

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